En voiture

En voyageant à l'étranger je me trouve souvent dépourvu quant aux différences de niveau de revenus et à la manière dont les gens vivent.

Exemple : en #montenegro comme en #serbie, tous les habitants semblent se déplacer, soit (assez peu) dans des poubelles roulantes, soit dans des véhicules flambants neufs, majoritairement des audi, bmw et volkswagen. J'ai beau y penser à longueur de journée je ne comprends toujours pas.

Alors certes ils ont l'air de vivre dans des baraques en parpaings et tôle qui ne coûtent pas chères à construire, mais quand même l'endroit ne me frappe pas comme étant en mesure de dégager les revenus qu'impliquent de tels véhicules. Ceci dit, je ne sais pas non plus à quoi ils passeraient leurs revenus car on n'a vu aucune boutique d'aucune sorte et à moins d'acheter quotidiennement leur poids en chips ils sont économes par nature.

[Modification du 24/07] On me souffle dans l'oreillette que c'est une marque de prestige social, pour les gens qui vivent à l'étranger : tout ce que leurs proches verront de leur vie expatriée, sera le véhicule car les visas de tourisme ou de visite sont difficiles à obtenir.

J'ajoute que j'aurai pu m'en douter, et si je comprends évidement les mécanismes sociaux à l’œuvre, ça me dépasse au niveau individuel. Bref c'était du classisme (comme on me l'a dit dans une autre oreillette), je ferme la parenthèse.

porte-outil

Nous avons vu très peu d'outils agricoles mécanisés, quelques tracteurs antédiluviens par-ci par-là et surtout des porte-outils comme celui d'Olive, ils ont bien raison.

En effet ce n'est pas le temple de la consommation, on a peut-être croisé une ou deux boutiques vendant des chaussures qui étaient sans doute à la mode dans les années 1970 en France ou des jeans d'occasion, mais c'est guère tout. Et je soupçonne que si les magasins sont si peu fournis en viande, pain et légumes, c'est parce que tout le monde arrive à les produire soi-même ou bien à se les procurer auprès de ses voisins.

Tout ça pour dire qu'aujourd'hui nous avons roulé non-stop pour quitter le Monténégro, traverser la Serbie et atteindre la Roumanie. Nous avons tout d'abord continué les petites routes du genre qu'on connait désormais un peu à travers des paysages de montagne pour arriver à un poste-frontière où nous avons attendu près d'une heure, de manière assez incompréhensible puisque notre propre passage s'est fait très rapidement après qu'un douanier rébarbatif ait à peine feuilleté nos passeports.

frontière

Ça y est nous voici en #serbie où nous n'avons pas prévu de nous arrêter. Ça tombe bien le pays est manifestement soumis à une pénurie dramatique de campings nous n'en voyons aucun sur la carte. Pour le moment ça ressemble évidemment très fort à l'autre côté, et petit à petit ça change avec des bleds pas mal plus gros, assez animés et qui comptent beaucoup plus de mosquées.

serbie

Je trouve pas mal de trucs stressants en Serbie je dois encore être influencé par les gars du rafting de l'autre jour mais je leur constate à tous des gueules patibulaires comme pas permis et je les imagine armés jusqu'aux dents. Ensuite quand on arrive dans des environnements urbains c'est pour se trouver confrontés à ça :

ville

Sans compter que les routes ont été repavées mille fois depuis leur construction, nous roulons sur un patchwork de bouts de route que nos vieux amortisseurs n'amortissent pas du tout. Au bout d'un moment et surtout de pleins d'embouteillages (pourtant c'est dimanche que foutent-ils à mener des travaux de voirie comme s'ils n'avaient pas suffisamment empilé de couches de bitume comme ça) nous atteignons enfin une autoroute et le côté encore mignon des paysages disparait progressivement car nous arrivons dans une plaine qui se trouve être de plus en plus horizontale jusqu'à ce que le moindre relief se voit relégué de l'autre côté de l'horizon. Juste avant la disparition des collines nous traversons le Danube et passons à côté de Belgrade :

belgrade

Sympa hein ? Personnellement je n'ai aucune envie de m'attarder ici en plus “serbe” rime toujours un peu dans ma tête avec “nationaliste fou qui passe son temps à trucider ses voisins” et c'est pas les tags géants sur l'autoroute (du genre KOSOVO IS SERBIA) ou les affiches avec des photos de politiciens qui vont m'inciter à penser le contraire. Sinon ya quand même des trucs marrants, comme le fait qu'on croise un cycliste sur l'autoroute même si j'ignore son espérance de vie car sur cette même autoroute un gars nous a doublé tout à l'heure à 180 par la bande d'arrêt d'urgence tout est normal.

cycliste

Alors voilà on roule on roule, semble-t-il à l'infini, nous ne sommes plus sur une autoroute mais sur des routes normales (normales et rapiécées) et parfaitement rectilignes sur des dizaines de kilomètres, malheureusement à chaque fois qu'on a passé une heure au volant le GPS nous dit qu'on s'est rapproché de trente minutes de notre destination. Impossible de faire plus plat désormais je pense que les gens d'ici ne savent même pas qu'il est possible de s'élever de plus de 2m au-dessus du niveau de la plaine par contre on sait de quoi ils vivent ce n'est plus que champs à perte de vue, horrible monotonie brisée par un certain nombre de bâtiments industriels géants agrémentés de slogans du genre we feed the world l'angoisse m'étreint trop fort pour que j'arrive à prendre des photos. Maintenant que nous nous sommes fixés pour objectif de passer la frontière (un certain flou subsistait jusqu'à ce qu'on voit le paysage) il est certain que si on s'arrêtait pour dormir quelque part les péons arriveraient de plusieurs lieues à la ronde avec leur fourche pour nous chasser.

À force enfin ! la frontière se rapproche nous voici presqu'à pied d’œuvre et là c'est le drame :

frontière

Et oui comme tous les fonctionnaires les douaniers aussi ont droit à du temps personnel et ce poste ferme de 19h à 8h ! Une telle éventualité ne nous ayant même pas effleurée en rêve, notre moral en prend un petit coup, nous sommes vraiment au milieu de nulle part environnés de meutes de chiens errants, mais nous nous refusons à capituler et repartons pour un détour de 90km pour 1h30, pris par l'envie d'arriver nous tentons des raccourcis par défaut de lecture des cartes pour faire de nouveau demi-tour plus loin cette journée n'a pas de fin.

Enfin, nous arrivons au poste suivant et là ma stupéfaction atteint des sommets car si nous sommes seuls il faut quand même un temps incroyable pour que le douanier daigne nous laisser passer alors que son collègue le matin même a pris exactement 42 secondes à valider nos passeports. Cette fois-ci faut expliquer d'où on vient (c'est vrai qu'on n'a pas envie de rester chez toi, non ya pas d'arme ni de drogue dans ce véhicule), qu'on va faire du tourisme en Roumanie (il a l'air sceptique), attendre que nos papiers reviennent de la guérite d'à côté bref c'est relou nous sommes sur les rotules et notre destination nous tend les bras.

Rebelote chez les roumains mais au moins ils ont l'excuse qu'on essaie d'entrer chez eux, pas de nous enfuir et comme c'est l'Europe on se sent vaguement plus en sécurité (pour être tout à fait juste des deux côtés on a eu droit à une nana sympa qui contrebalançait un peu leurs collègues masculins).

Heureusement qu'après ces péripéties Valérie a réservé un hôtel parce qu'il est tard. Nous y arrivons dans un silence monacal car ici, magie de l'Europe oblige, enfin j'imagine, les routes sont construites d'un seul tenant et nous glissons sur le bitume comme dans un rêve.

#ete2024