Les cartes de novembre

Il existe un truc sur les réseaux sociaux que je fréquente, qui s'appelle (le truc, hein, pas le réseau social) 30DayMapChallenge. C'est un peu bizarre le concept de se pousser les uns les autres à publier des contenus mais en fait c'est l'occasion de voir pleins de réalisations cartographiques et certaines valent vraiment le détour ça peut être cool. Enfin plein ça dépend du réseau social évidemment par exemple sur Mastodon, même si mon l'instance à laquelle je participe s'appelle mapstodon, j'en vois moins que les gens sur d'autres réseaux pour lesquels je ne ferai pas de publicité ici.

Bref, je me suis lancé cette année.

À vrai dire je ne sais pas trop pourquoi. Probablement parce que l'ambiance est bon enfant sur Mastodon. Parce que j'avais envie de faire des trucs. Parce que ça me court depuis longtemps de travailler dans la carto mais de ne rien produire moi-même. Je n'ai pas poussé l'analyse plus loin mais en même temps, pourquoi diable est-ce que je continue à écrire ici, hmm ?

Et alors comment ça marche ?

On ne peut plus simplement : chaque jour un thème, on fait un truc on publie et voilà. Pour ceux du fond qui n'ont pas compris, c'est expliqué là. Et comme malgré tout je suis assez content de moi, je conserve et republie ici.

Je rencontre plusieurs écueils à pratiquer cet exercice :

OR DONC pour contourner tout ceci je me suis dit que j'allais faire des cartes hyper simples. Pas le temps ? une seule mise en page. Les mises en page, c'est chronophage ? plus de légende (les flèches nord aussi. T'façon elles ne servent à rien quand toutes les cartes sont orientées au nord), plus d'échelle parce que les gens ne la regardent pas (surtout dans une vignette affichée sur internet). Je sais pas où trouver l'info ? je vais aller la chercher à un seul endroit. Mon QGIS rame misérablement ? je vais faire des cartes de Paris (merci l'opendata).

Et comme disait Perrec, les contraintes libèrent la créativité. Enfin dans mon cas elles permettent surtout de produire quelque chose. Au final, beaucoup de cartes de Paris, même si toutes les consignes ne le permettent pas.

Les cartes

Jour 1 : points

Un jeu de données de points sympa : les arbres parisiens. Ceci dit, à part montrer qu'il y a des arbres dans les rues, cette carte ne montre rien. Alors j'ai manipulé un peu les données attributaires et après avoir tenté la hauteur j'ai joué avec la circonférence.

Ha! si quand même on voit bien les espaces verts qui ne sont pas gérés par la ville, comme le Luxembourg, le Jardin des Plantes, les Tuileries... et on voit aussi TRÈS bien les cimetières. Plus les arbres sont gros en circonférence, plus la couleur verte (ben oui verte, forcément) est intense ce qui permet de dessiner nettement certains axes

arbres

Jour 2 : lignes

Lancé à la découverte du portail open data de la Ville de Paris, j'allais quand même pas juste afficher les voies alors j'ai cherché les pistes cyclables. Et les équipements (stationnement, bornes, arceaux). C'est décevant car il y en a presque partout. Sauf chez ces gros bourgeois décadents du XVI°, merci à eux car ils sont tellement caricaturaux ceux là qu'on peut les mettre à l'index sur presque toutes les cartes. C'est bien pratique tout de même.

Le mode de fusion permet de bien voir où on a beaucoup d'équipements en empilant les objets. Voilà. Un joli jeune lumineux.

vélo

Jour 3 : polygones

Oui bon j'en ai produit plusieurs le même jour (car j'étais dans le train) et j'ai pas été hyper inspiré mais que voulez-vous c'est une pratique aussi. Alors figurez-vous que les espaces de stationnement sont des polygones, même si vus de loin on dirait des lignes. Je voulais tenter de montrer que la voiture prend trop de place (bonjour l'originalité woke) mais ce genre de donnée à l'échelle de la ville, a vite tendance à tout recouvrir.

Donc j'ai distingué les espaces de stationnement en fonction de leur destination : sont-ils réservés à l'autopartage, aux vélos cargo et aux véhicules électriques ? ou bien aux gros diesels qui puent ? Réponse en image.

stationnement

Jour 4 : hexagones

Les hexagones, c'est flatteur, ça donne l'impression que t'es un champion (heu en fait j'ai suivi un tuto mais rassurez-vous c'était facile) et... c'est vrai ça claque.

Autant avoir un truc marquant à représenter. Ici par exemple on voit bien qu'il n'y a pas de logement social sur le fleuve.

logement

Jour 5 : un voyage

C'est là que j'ai commencé à comprendre que mes contraintes n'allaient pas me permettre de tout faire. J'aurais voulu montrer des déplacements d'animaux mais j'ai pas trouvé de donnée, j'ai épuisé https://opendata.paris.fr/ et je suis tombé à court d'idée. Et de temps parce que bon c'est pas mon travail rappelez-vous.

Alors j'ai commis ceci en prétextant que le voyage, c'est celui des cafetiers quand ils montent et démontent des terrasses ; un argument des plus spécieux je vous l'accorde.

terrasses

Jour 6 : raster

Dans notre jargon, raster vaut pour image qu'on peut représenter sur une carte, souvent un fond de plan genre photo aérienne ou carte IGN.

J'ai donc touché le fond et j'ai un peu honte mais je suis aussi content d'avoir contourné la consigne : comme la définition du challenge comprend : heatmaps, or any continuous surface data, et bien tadaa :

Jour 7 : vintage

J'ai eu du bol parce que j'étais tombé quelques jours auparavant sur le site d'Andy Woodruff qui fournit des ressources pour restituer des cartes modernes comme des anciennes (et avec du logiciel).

Il le fait avec mille fois plus de grâce que moi mais bon l'idée était là. En plus j'ai appris des trucs, par exemple comment donner un effet “aquarelle déposée à la main” avec des taches de couleurs plus soutenues et positionnées aléatoirement dans les aplats de couleur (ici dans le rose. À vrai dire c'est presque invisible sur l'image mais c'est comme le maquillage quand il y en a trop on ne voit plus que ça. Ça rend mieux sur l'image originale avec une résolution supérieure)

Jour 12 : temps et espace

Vous aussi vous avez remarqué que 30 jours d'affilée c'est beaucoup ? J'en ai eu un peu marre, j'ai une vie aussi, merde ! Et j'ai beaucoup eu la flemme haha.

Et en vrai les consignes entre 7 et 12 étaient compliquées :

DONC jour 12, time and space. J'ai tenté de faire une carte sur le TARDIS, c'aurait été trop classe ! il existe moult sites de fan évidemment, dont un wiki truffé d'informations par exemple la liste de toutes les villes visitées par le TARDIS 0_o

Malheureusement mes talents ridicules ne me permettent pas de transformer ce matériau brut en donnée exploitable par un SIG et je me suis rabattu sur l'opendata de la SNCF en voulant faire ma propre carte des lignes fermées.

sncf

C'est une semi-réussite parce que la carte ne montre que ce que la SNCF nous présente, c'est-à-dire SES lignes, mais on ne voit pas le patrimoine qui a disparu depuis 1850 et qui est considérable.

Tout ça parce que je discutais à l'apéro avec une copine qui me soutenait que c'est cool de pouvoir aller en 3h à Marseille et que les lignes fermées c'est surtout du fret, tandis que je lui expliquais à quel point je préfèrerais qu'on voyage dans des conditions décentes sur un réseau plus dense. Au lieu de traverser le pays rapidement mais en étant traité comme du bétail et en devant prendre une voiture pour aller dans toutes ces villes où la gare est fermée. Bref.

Jour 14 : le monde

Passé mon premier trou dans la production cartographique, j'ai cessé d'avoir des scrupules et jour 13 nouvel outil ça me disait trop rien. Alors je suis allé regarder les données de l'ACLED (Armed Conflict Location & Event Data) pour essayer un truc différent.

C'est pas très concluant (d'un point de vue carto j'entends), je pense que j'ai manqué de temps pour trouver des données plus facile à exploiter.

women

Et puis j'aime pas faire des cartes du monde, les projections rendent jamais bien, ya plein d'espace perdu là franchement c'est vilain.

Jour 16 : choroplète

Entre les deux il y avait jour 15 ma donnée, et j'aurais pu récupérer par exemple la trace de notre voyage de cet été, mais pour que la carte vaille le coup il aurait fallu un effort de mise en page qui dépasse mes capacités alors hop ! forfait.

Je note que plus j'avance plus j'ai de facilité à déclarer forfait, je vais bientôt décréter que le mois de novembre ne compte que 19 jours haha.

Ceci dit, choroplète (cartogramme à teintes dégradées était tellement plus classe) c'est un peu la base de la représentation carto et je me suis dit tant qu'à faire soyons ambitieux avec une carte bivariée. Là encore j'ai bien entendu suivi un tutoriel, et choisi deux informations qui sont forcément reliées (oui sinon la carte c'est du charabia) mais peut être pas forcément de la manière qu'on pourrait imaginer ? enfin c'est ce que je me disais au début. Donc : quelle relation entre le niveau de revenu et le nombre de familles monoparentales ?

Et alors c'est marrant car j'ai travaillé à l'IRIS (la plus petite unité de découpage du territoire pour l'INSEE) car ce genre de carte à l'arrondissement n'aurait aucun intérêt. Heu ou en étais-je ? oui ce qui est marrant en vrai, c'est que plusieurs IRIS parisiens n'ont tout bonnement pas d'habitant, ce qui est logique mais un peu bizarre quand même (exemples le champ de mars, le jardin des plantes ou les Tuileries).

Sinon ce qui n'est pas marrant, c'est que les familles monoparentales sont pauvres. Enfin en vrai ce que dit la carte, c'est qu'il y a beaucoup de familles monoparentales dans les IRIS où le niveau de revenu est plus faible, mais ceux qui savent, savent.

iris

À part ça, je suis drôlement content du résultat, parce que c'est joli à regarder.

Jour 18 : 3D

Plus aucun scrupule donc, j'ai allégrement zappé jour 17 carte collaborative et recyclé une carte avec effet 3D produite avec QGIS et Blender il y a quelques mois parce que :

  1. ce genre de carte me fascine, on trouve des magiciens sur internet qui produisent des images sublimes
  2. Geotribu avait publié une traduction du tutoriel d'un des magiciens en question

Alors spoiler c'est accessible de suivre le tutoriel, mais en comprendre toutes les subtilités par contre... pas vraiment. En plus il faut un temps de traitement conséquent pour générer l'image 3D ce qui explique que je ne me sois pas relancé dans le processus.

À la place j'ai partagé cette carte de Cotignac où les habitués reconnaîtront les alentours.

cotignac

jour 21 : conflit

Qu'avons-nous raté entre-temps ? Bah d'abord jour 19 typographie : là c'est sûr les cartes qui envoient du pâté utilisent du texte pour représenter les objets et certains rendus sont bluffants.

C'est autant à ma portée que de devenir cosmonaute.

L'autre solution c'est de jouer avec le texte, par exemple en n'affichant que les rue de Paris dont le nom contient typographie... ça m'aurait pas demandé trop de travail remarquez. Ha merde ! avec le recul je me rends compte que j'aurai pu mettre en avant les rues qui portent des noms de typographes. Plusieurs révolutionnaires en étaient mais bonjour le travail de compilation dans la liste des rues de Paris :/ Cette carte aurait eu le mérite de mettre Martin Bernard en avant.

J'ai aussi raté jour 20 openstreetmap, je sais plus pourquoi, je devais avoir piscine. Et puis je suis mauvais avec OSM, j'ai jamais réussi à extraire de la donnée comme je voulais.

Nous voici donc à la thématique conflit, chouette ! j'aurais pu creuser les données ACLED déjà mentionnées plus haut pour sortir des informations hyper réjouissantes n'importe où dans le monde. J'ai préféré me recentrer sur Paris avec cette carte des barricades de mai 1871. Haa la glorieuse époque où au lieu de se laisser enfumer par des salopards de politiciens on prenait les armes et on construisait la république idéale.

Ça laisse songeur.

La donnée la plus précise que j'ai trouvé a cette gueule sur Gallica, autant dire qu'elle n'est pas immédiatement exploitable. Comme hélas les barricades ne furent pas si nombreuses, je me suis amusé à la digitaliser car personne ne l'avait fait jusqu'ici. Ou plutôt, je suis certains que plein de gens l'ont fait, mais personne n'a mis son travail sur les internets, franchement pas bravo les gars.

Alors voici le résultat. Si j'ai le mojo je trouverai un endroit où déposer le fichier pour de futur.e.s bénéficiaires.

barricades

Jour 22 : 2 couleurs

Mouhaha, trop facile une carte avec deux couleurs seulement, c'est la base des choroplètes souvenez-vous. Et j'avais récupéré en début de mois le résultat des élections au premier tour des dernières présidentielles.

elections

Et oui, j'ai rangé Macron dans “la droite” si jamais quelqu'un se posait la question.

Jour 23 : mémoire

L'idée d'origine je crois c'est que les gens partagent quelque chose de leur mémoire personnelle. Moi j'ai tapé “mémoire” dans la barre de recherche et hop. A posteriori je me dis que j'aurais dû faire comme eux et poser les données dans une grille car là on ne voit pas très bien le nombre.

plaques

Jour 24 “circulaire”

Seulement des formes rondes”, bon. Je pense que c'est un peu nul comme consigne mais pourquoi pas (et à vrai dire j'ai vu des productions intéressantes, par exemple ici ou ).

Ça m'a permis de creuser un peu plus les modes de représentation dans QGIS pour avoir des ronds en guise de remplissage des polygones.

circulaire

Conclusion

Eeeet oui ma foi je me suis arrêté là.

Comme ça, sans explication sans petit mot et sans même attendre la fin du mois. J'ai ainsi raté :

Je l'ai déjà écrit plus haut, mais j'ai une vie, un travail, envie d'autres choses et pas le temps de faire comme l'auteur de (cette merveille d'ailleurs) :

Qui a passé plusieurs années à farfouiller les bibliothèques pour fabriquer son atlas (d'ailleurs si vous trouvez des similitudes, c'est qu'elles existent, et je tiens à préciser que je n'ai rien copié dans ce livre car si je l'ai acheté début novembre, je ne l'ai lu que le 21,mais le nombre de cartes possibles de Paris n'est pas infini. Enfin je ne pense pas).

C'est ainsi que j'ai terminé le challenge de novembre, dans la déconfiture la plus totale. J'en retire deux trois trucs malgré tout. J'ai remis les mains dans QGIS ce qui me rend encore plus fier de travailler à propager la gloire d'un des logiciels open source les plus immédiatement utiles aux gens. Je me suis aussi rappelé à à quel point c'est duuuur de faire de jolies cartes donc je regarde de nouveau la production des gens, d'un œil neuf. J'ai eu des interactions sur un réseau social fréquenté par mes pairs, c'est marrant et je comprends que certains y passent un temps infini.

Par contre cela ne m'a pas appris à me tenir à une routine mais je devrai me faire une raison : à part en ce qui concerne les mauvaises habitudes, aucune routine ne prendra plus jamais chez moi.

#carto