Les églises
En repartant de notre merveille de camping, nous sommes à mi-chemin entre les montagnes et la plaine de Transylvanie qui nous attend demain, c'est l'heure d'aller voir de plus près les églises et les villages du coin, construits en bois.
En partant on s'arrête sans grand espoir, affamés que nous sommes de n'avoir vu aucune activité artisanale depuis notre arrivée, pour visiter un moulin (à eau) et c'est plutôt cool parce qu'on peut regarder en détail tout le mécanisme qui sert à broyer du blé d'un côté, du maïs de l'autre et par un jeu de courroies entraîne aussi des machines permettant de filer la laine, aussi efficaces aujourd'hui qu'il y a cent ans. Hyper classe, mais surtout il y a une machine à laver derrière la chute d'eau, c'est trop marrant. Elle sert à attendrir les tapis en laine juste filés.
Je parlais du bois car c'est ici l'endroit de Roumanie où le bois est le plus travaillé, utilisé, mis à l'honneur, notamment car les Hongrois, fut un temps, ont interdit aux gens du coin de construire des églises en pierre. N'ayant pas trouvé la raison d'une interdiction aussi baroque, j'en déduis que c'était pour emmerder quelqu'un.
Résultat des courses, les églises ont toutes l'air neuves, même celles qui sont vieilles parce que ma foi il faut les reconstruire régulièrement (pas souvent non plus, tous les 400 ans peut-être).
Également les maisons vieilles et neuves, sont souvent en bois et beaucoup disposent d'un portail qui à l'origine était orné de signes de toute sorte destinés à repousser le mauvais œil, le malin et autres puissances néfastes. Il y a beaucoup de portails neufs aussi, très impressionnants avec leur couleur de bois blond verni, même si désormais c'est plutôt un signe de richesse ou bien pour en imposer au voisin. Ou tout simplement devant un bâtiment public.
Sur le chemin, ici comme ailleurs on croise beaucoup de marcheurs, les roumains marchent, est-ce un souvenir des privations du régime de Ceaucescu ? ou bien en fait il y a autant de marcheurs qu'ailleurs mais ici on les voit mieux en traversant les villages-rues ? ou bien je suis encore tout envieux de m'être fait dépasser dans chacune de nos balades par des enfants et des vieillards en sandales ? En tout cas les gens utilisent les bas-côtés de la route pour marcher, promener les enfants, transporter des brouettes ou des outils, pousser devant eux des vaches et des chèvres, faire du vélo ou discuter. Ils font du stop aussi mais nous n'avons pas de place pour eux.
Il y a aussi souvent des petits vieux ou des petites vieilles qui discutent, désherbent ou bien, aujourd'hui même, filent de la laine assis devant leur maison en regardant passer les voitures (et les voisins j'imagine).
Pardon je ne me suis pas arrêté pour aller les photographier, par contre c'est vrai qu'on pourrait virer les avions de la plage avant.
Ça c'est un voyage dans le temps au moins aussi efficace que la saleté de train à vapeur. Je ne sais pas d'ailleurs si ce serait un voyage vers le passé ou le futur parce qu'on va bien y revenir, à traiter la laine et faire les foins avec une faux (ce qui semble redoutablement efficace franchement je passerai le mot au mec qui nous avait réveillé avec sa débroussailleuse, là), savoir utiliser un métier à tisser ou fabriquer des pots avec la terre sur laquelle on a construit sa maison en bois.
Ha, quel philosophe je suis je m'étourdis moi-même.
Nous voici donc à nous déplacer d'église en église, hélas nos tentatives d'en voir l'intérieur sont diablement infructueuses. Heureusement sur notre trajet il y a le cimetière joyeux, encore une attraction locale. C'est le cimetière de la basilique (en bois) de Sapanta, une basilique qui n'a manifestement ni 500 ni 400 ans. Par contre elle est sublime, on dirait une château Disney. Les peintures sont top, dedans comme dehors, et d'ailleurs il y a encore un groupe de peintres qui en peaufine l'entrée.
Mais nous sommes venus pour le cimetière : il est empli de tombes (jusqu'ici tout est normal), toutes produites par le même atelier sur le même modèle, c'est-à-dire depuis les années 30 de petites pancartes sur fond bleu où sont gravées et peintes des représentations des défunts, soit dans une scène caractéristique de sa vie, soit dans une représentation de son trépas.
Cela donne un endroit d'une remarquable homogénéité visuelle avec des peintures naïves où l'on retrouve des mécanos, des paysans ou des bergers ainsi que des femmes en train de cuisiner (quelle surprise) ou filer de la laine (rebelote). Hélas la moitié du plaisir nous échappe car les portraits sont accompagnés de texte qui (et là on croit le guide sur parole) sont des panégyriques ou des saynètes humoristiques sur l'individu concerné.
Pour nous féliciter d'être venus jusqu'ici nous déjeunons dans ce qui est doit être le meilleur restaurant de la ville du coin. Si on avait continué la rue principale nous aurions traversé la frontière ukrainienne mais curieusement l'idée ne nous en effleure pas par contre on voit bien un paysage ukrainien de l'autre côté de la rivière, qui s'étage (le paysage, pas la rivière) sur de mignonnes collinettes, évidemment fort semblable à notre côté à nous de la frontière (d'ailleurs, avant c'était la même principauté, rappelez-vous mon cours sur la construction de la Roumanie). Après la débauche habituelle de viande (merveille des merveilles, mon escalope avait été toute panée de patate râpée avant d'être frite j'en salive encore en écrivant ces lignes) c'est reparti mais nous nous heurtons encore à porte close en voulant voir une église ! insupportable.
Heureusement pour parfaire cette journée nous échouons à Breb qui avec son nom de spécialité culinaire louche, est un joli petit village assez préservé où nous nous promenons pour admirer les maisons en bois montées sur des fondations de pierre (il y a aussi des maisons neuves sur des fondations en béton mais passons) toutes entourées de poulets courant, de petits potagers et de superbes barrières en bois tressé.
Bref tout est trop mignon. En plus il y a dans le village un camping trop sympa où l'on peut laver des vêtements, glander à l'ombre et acheter des montagnes de confitures.
En passant, après les bottes de foin et les espaliers on découvre ici une troisième manière de stocker de foin, admirez l'ingéniosité de la chose qui s'adapte à la quantité :