Les monastères

Les monastères peints de Bucovine sont une attraction, merci le patrimoine mondial de l'Unesco. Ils ont le bon goût de dater à peu près tous de la même période (grosso modo XV°) et de présenter des fresques géantes situées à l'extérieur, destinées à l'édification des masses.

Je vous passe l'explication historique, facile à retrouver. Les églises suivent le même modèle : souvent au sein d'un couvent fortifié, érigées pour fêter une réussite militaire, souvent à l'instigation d'un saint homme local qui est ensuite devenu abbé (passant ainsi de l'état d'ermite maladif à celui de moine gras). L'une d'entre elles a été construite en trois mois (!!) après avoir battu les turcs. D'ailleurs tous les ennemis des potentats locaux sont représentés sous les traits de turcs on les identifie bien sur les fresques.

peinture

Tradition orthodoxe oblige, les peintures sont belles, très colorées et couvrent toutes les surfaces. Il est interdit de photographier dedans mais le dehors dispose de son lot de prises de Jérusalem, scènes d'apocalypse (un must-have), anges vengeurs foutant le feu à des villes entières et autres scènes de bataille, et surtout de bains de sang absolument grotesques, les têtes roulent par centaines -chacune dans son auréole-, tandis que le voisin se fait découper à la scie, démembrer en petits bouts, presser dans un moulin, etc. Et il parait que les jeux vidéos rendent violents ça me fait bien rigoler, ici les protagonistes baignent littéralement dans le sang.

saints

Et une fois que leur tête a roulé au sol ils peuvent prendre le métro direction le paradis.

Ça c'est pour les sympas, les méchants eux (avec leur tête de turcs haha) se font emmener par des diables rôtir en enfer.

peinture

Chaque monastère est censé avoir une couleur dominante mais ça ne (me) saute pas aux yeux. Je note par contre c'est que le clergé orthodoxe a l'air de bien se porter en récoltant les droits d'entrée, en vivant dans des monastères nickels chrome et finalement en ressemblant à des caricatures d'eux-mêmes, surtout les hommes qui sont ventripotents (en même temps le régime alimentaire roumain ne permet pas de rester svelte mais j'y reviendrai). Bref ils font leur travail de clergé.

mort

La Mort fait moins peur que les tortures représentées à côté.

Le clergé n'est pas le seul à profiter car la pratique du monastère n'a pas dû changer des masses depuis le moyen-âge et tous les gens que nous croisons (enfin, disons 95% d'entre eux) viennent en fait en pèlerinage : il s'agit majoritairement d'un tourisme intérieur de gens pieux, qui embrassent les reliques, touchent les icônes, écrivent des ex-voto et allument des quantités industrielles de cierges.

cierge

Le bûcher de cierges est déporté à l'extérieur pour préserver les peintures.

Et comme à toutes les époques passées et futures, l'abord du lieu de regroupement est une foire truffée d'échoppes où l'on peut acheter en vrac des icônes, des peluches, des vêtements, un cordial qui guérit de toutes les maladies, des couverts en bois d'1m de long, des gaufres, des épées en plastique, des bijoux, des fruits, des trucs en plastique qui font de la lumière, des boissons, bref n'importe quoi. Et puis allumer des cierges, faire le déplacement avec des hordes de gamins et de grands-mères tout ça donne envie de manger des saucisses.

foire

Lucien aime bien l'ambiance de foire.

Ceci est assez bon enfant, sauf l'aspect purement religieux qui a vite tendance à me mettre mal à l'aise et je ne suis pas le seul les enfants n'aiment pas tellement être à l'intérieur des églises en même temps que des gens qui font la queue pour embrasser un bout d'os sous la férule d'un prêtre.

Après trois monastères où c'est la foire d'empoigne et où nous constatons la participation d'un nombre vraiment élevé de religieux, on regarde le calendrier et nous sommes le 6 aout, sachez bande de mécréants que c'est la fête de la Transfiguration et voilà tout bonnement la cause de tout ce ramdam. Peut-être. Ou peut-être pas, nous ne resterons pas un jour de plus pour vérifier.

les beaux gosses

Comme se sont des monastères et qu'ils ne pas pas du tout abandonnés, une tenue correcte est exigée, ça tombe bien il fait 17° et il pleut même si tout le monde n'est pas aussi légaliste que nous j'ai vu des gens en short.

Nous naviguons donc de monastère en monastère, les visites thématiques c'est bien mais un peu lassant. Direction donc Radauti, parce qu'elle est mentionnée dans le guide ainsi qu'un restaurant. Est-ce à cause du 6 août on ne sait pas mais cette ville est horriblement embouteillée et les gens se garent n'importe comment surtout dans la zone du restau c'est chelou. Après avoir trouvé une place qui semble légitime on pousse la porte avec un peu d'appréhension (le quartier ne ressemble à rien, on pourrait penser en regardant un plan qu'il est central mais on n'a pas vraiment trouvé de centre) et en effet on tombe dans un établissement bourgeois qui a l'air pris d'assaut par quantités de clients affamés on aura quitté le pays avant de comprendre les horaires des repas roumains.

Une fois de plus, la carte fait douze kilomètres de long, le serveur baragouine un peu d'anglais mais est débordé alors on commande au pif ce qui déplaît fort aux enfants. C'est délicieux, on a quand même essayé de faire simple et avons eu droit en retour à de gros morceaux de viande rouge, hmm ça faisait longtemps.

Comme de juste on sort de là vers 16h ce qui compromet sévèrement nos possibilité (nos possibilités et aussi notre motivation soyons honnêtes) de visiter plus de monastères. Il y en a quand même un sur le chemin on s'arrête, cette fois ce n'est qu'une église sans muraille autour, et elle est en travaux. Sévèrement en travaux même :

travaux

Chose amusante, ici comme dans d'autres il y a une estrade de rockstar à l'extérieur du coup les curés peuvent continuer à faire messe bien que l'église soit fermée.

On entre malgré les échafaudages, sait-on jamais d'autant que personne n'est à l'entrée pour percevoir nos trente lei réglementaires. Valérie manque d'avoir une crise cardiaque en entrant dans le bâtiment obscur car s'il n'y a personne à l'extérieur, il y a quelqu'un dedans qui attendait dans l'obscurité depuis ce matin un hypothétique visiteur et qui se dresse comme un diable sortant de sa boite à notre arrivée. Et allume la lumière.

Finalement on paie donc. C'est toujours aussi beau cette fois nous sommes seuls.

Après toutes ces aventures le goût des églises nous a passé et nous nous hâtons vers Suceava où nous avons décidé de vivre la grande vie en dormant à l’hôtel. En effet nonobstant les températures caniculaires de nos contemporains français, le thermomètre est redescendu à 12°. Suceava n'a strictement aucun intérêt par contre l’hôtel (de luxe car nous ne nous refusons rien) est roumain en diable.

hotel

#ete2024 #roumanie