Les ours
Nous passons plusieurs jours à Zarnesti ou autour : c'est du confort psychologique que de ne pas avoir à trouver un nouvel hébergement chaque jour. En plus nous avons installé notre merveilleuse toile décathlon de protection contre le soleil / la pluie et ça tombe bien car il pleut un peu quand il ne fait pas trop chaud. On va quand même pas la ranger tout de suite, il faut rentabiliser.
Bonus, on n'est pas tellement pressés de changer de climat, il fait 15° la nuit, on profite à fond de nos couettes sans transpirer dedans comme si on avait la malaria.
Et il y a pleins de trucs à voir ici ! par exemple au bout de la route on croise un passage à niveau et magie la micheline s'arrête sous nos yeux ébahis pour présenter de nouveau un contraste formidable entre l'équipement ferroviaire et la voiture qui nous précède. C'est aussi le moment que choisit le conducteur pour arrêter le train (à cheval sur la route, tout bonnement) et faire monter des passagers, j'adore.
Aujourd'hui nous nous sommes levés tôt pour, à défaut de voir des ours dans leur milieu naturel (si vous avez suivi, soit on se fait manger par l'ours, soit on le regarde depuis un affût ou un gus l'a appâté et “this is not okay” comme nous l'a rappelé notre interlocutrice du parc hier, car hélas si les rangers du parc organisent des visites, il aurait fallu les prévenir il y a 10 jours et nous n'avons pas cette prévoyance, enfin nous n'avions surtout pas l'information, finalement nous nous sommes dit que ce serait quand même naze de voir des animaux sauvages dans ces conditions), aller en voir dans la sanctuaire Libearty, qui n'est pas un zoo mais un endroit où sont recueillis des animaux pour que leur fin de vie soit un peu moins épouvantable que le début.
En effet cela fait peu de temps qu'il est interdit (en Roumanie) d'avoir un ours chez soi et jusqu'en 2007 (de mémoire) on en trouvait un peu partout (dans les restaurants, les hôtels, les stations service, les jardins) pour l'amusement des gens. Et dans tous les cas les animaux étaient horriblement maltraités, certains passant des dizaines d'années de leur vie dans des cages de 3 m de côté, ou bien avec des fers qu'on n'enlevait jamais, nourris uniquement de maïs et de bière, énucléés et j'en passe. Franchement les photos qu'on voit c'est un musée de la cruauté bien plus efficace que ceux sur la torture transylvanienne.
Ce n'est pas un zoo mais l'asso qui gère le site a beau disposer de 70 ha c'est pas bien glorieux non plus. Enfin en tant que visiteur. Pour les bêtes c'est manifestement mieux, même si beaucoup d'entre eux conservent à vie le syndrome de la cage : ils sont enfermés dans leur tête et parcourent inlassablement le même parcours de quelques mètres.
Pffh cette visite m'a collé un bourdon pas possible. Même si je suis content d'avoir filé mon argent à ces gens-là (qui font aussi de la prévention et de l'éducation) plutôt qu'à ceux qui trimballent des touristes et appâtent les animaux. Quelle tristesse nom de dieu.
Quand on pense que c'est le prédateur le plus terrible du continent, l'animal sauvage qui n'a peur de rien ni de personne, qui s'était adapté à tous les terrains et presque tous les climats. À ce sujet je vous conseille la lecture de l'ours, histoire d'un roi déchu de Michel Pastoureau (qui a écrit plusieurs ouvrages passionnants, par exemple sur l'histoire de certaines couleurs) qui explique comment l'éradication de l'ours a commencé sous Charlemagne, à l'instigation de ces saloperies de curés (encore eux) et comment cet animal terrifiant, modèle de nos peurs ataviques, issu des forêts les plus sombres et enraciné dans les mythes les plus anciens, s'est transformé de nos jours en peluche pour enfant et en animal de cirque. Et en animal de zoo.
Bref on sort de là passablement déprimés, on se requinque en passant à la supérette où, génie du XXI° siècle, on trouve des peluches en forme de légume, pour aller avec les oursons dans les lits des petits roumains j'imagine et construire un avenir vegan.
Admirez le brocoli.
On repasse voir notre copine d'hier afin de nous aider à déterminer la balade d'aujourd'hui, le moindre petit sentier semble imposer que les dénivelés fassent au moins mille mètres et autant nous sommes de bonne composition et plutôt volontaires, autant nous ne surestimons pas nos capacités.
Sur la route, à côté des voitures garées, il y a un cheval garé avec sa remorque. Cette phrase n'a aucun rapport avec le paragraphe mais j'essaie de caler des photos de manière harmonieuse au milieu du texte et laissez-moi vous dire que ce n'est pas si facile.
Pas de bol c'est effectivement le cas (le dénivelé) nous savons donc lire des cartes (et surtout des profils en long), et je confirme que le relief est trop abrupt dans le coin. Elle nous en indique une qui est peut-être plus accessible, en tout cas il y a une formation rocheuse remarquable à la clef et ce n'est qu'à 10 minutes de voiture, formidable.
L'endroit où la route s'interrompt est top il nous permet de pique-niquer sur l'herbe au bord d'une mignonne petite rivière avant d'emprunter un chemin à la suite de familles avec des enfants de 5 ans, on devrait pouvoir y arriver.
La promenade donc, remplit toutes ses promesses, du moins au début avec un chemin large et facile, qui monte à peine le long d'une rivière flanquée de pelouses où s'ébattent des vaches et des familles. Par contre on se dit que ça doit bien finir par changer car la montagne est vraiment toute proche.
Et en effet, la pente s'intensifie d'un facteur 30 (ressenti en tout cas), on laisse les familles derrière nous -oui en fait les gens viennent ici pour glander au bord de l'eau en prenant le goûter- ça monte ça monte et la gratifications est faible parce qu'à un moment restant à définir de notre ascension, ma foi il faudra faire demi-tour (au lieu de faire une boucle), la motivation est en berne je me demande à quel point le spectacle navrant de ce matin y participe, finalement on repart plus tôt que prévu, nous n'aurons pas fait nos 600m aujourd'hui tant pis.
Sur le chemin du retour, la vallée est trop mignonne il y a des paysages de cowboy par ici d'ailleurs les cottages, ou chalets, ou fermes sont souvent construites en rondins, la campagne est joliment policée avec ces collines qui rythment les déplacements, et quelques particularités roumaines à base de bois sculpté :
Ou bien encore à base de bois tressé, il y a des kilomètres de barrière sur ce modèle (bon d'accord autour d'un espèce de resort tout neuf mais quand même), visez-moi la beauté de la chose :
J'aimerais avoir pris plus de photos, mais en voiture ce n'est pas facile. Après toutes ces émotions nous revenons à notre camping pour préparer une journée bien éloignée de la nature, demain.