Skadar

Disons-le tout net, nous avons passé une nuit de merde, entre la chaleur et les millions de moustiques qui ne pouvaient pas accéder aux véhicules climatisés de nos voisins polonais (oui jusqu'ici au #montenegro les campings sont beaucoup occupés par des polonais).

La chaleur promettant de s'intensifier dans les prochains jours et d'atteindre un joyeux 36°, nous nous concoctons un programme bien précis pour les deux jours à venir afin de profiter un peu de la région avant de monter en altitude pour retrouver des températures plus clémentes. On se met en route bien satisfaits de nous-mêmes.

Admirons au passage que les gens du cru ont conservé l'art de la réclame à l'ancienne, peinte sur les murs :

réclame

L'autoroute qui relie la côte à la capitale (Podgorica, anciennement Titograd, une manière comme une autre de se mettre le chef dans la poche) coupe tout droit à travers les montagne grâce à un tunnel drôlement long et drôlement embouteillé dans l'autre sens, ce qui va avec l'urbanisation de la côte j'imagine.

Puis l'autoroute longe le fameux lac Skadar (au milieu duquel passe la frontière avec l'Albanie) où nous avons prévu de faire une balade en barque le lendemain matin pour en admirer l'avifaune. On s'arrête planifier tout ça à Virpazar, dont voici une vue très flatteuse :

virpazar

Prenons maintenant un moment pour nous rappeler ensemble que la carte n'est pas le territoire, et qu'un point sur une carte, voire une halte indiquée dans un guide, ne font pas un endroit. Encore moins un endroit où il ferait bon séjourner. Virpazar, par exemple, est juste un tas de maisons sur le bord de la route, dont la rue n'est occupée que par des stands de rabatteurs pour sunset cruise, sunrise cruise, bird cruise, love cruise (probablement) et j'en passe. Comme on ne peut pas se garer dedans on se gare en face, dans un pseudo parking envahi de poubelles et de cars de touristes.

On s'en fout des parkings me direz-vous, et en temps normal vous auriez raison, mais je me souviendrai de celui-ci puisqu'en reculant j'ai embouti l'aile d'un taxi et je me suis senti con. Bon le gars a été sympa, il a estimé lui-même que 200 euros suffiraient pour réparer et s'est barré avec notre cash. Je me console en me disant que la même connerie aurait coûté plus cher en France, mais j'ai le seum. Cinq minutes plus tard, le fait que trente mille opérateurs emmènent des touristes sur le lac nous dégoûte un peu de la chose alors finalement on laisse tomber notre programme et on choisi de se barrer.

Skadar

Accessoirement, le lac et son arrière-plan de montagnes forment un très beau panorama. Le niveau du lac varie de plusieurs mètres entre l'hiver et l'été, et ses rives sont en ce moment envahies de toute une végétation flottante formant comme une vaste plaine verte où l'on distingue le tracé des rivières et au sein de laquelle on peut se frayer un chemin en bateau ou en kayak.

skadar

Nous empruntons la route panoramique numéro 3, qui fait exactement la largeur de la voiture et s'empresse de nous monter à plusieurs centaines de mètres au-dessus du lac, puis le long de la vallée. La densité humaine approche les 0,05 personnes / km2, tout n'est que chaos rocheux et buissons épineux. Notre programme part de plus en plus à vau-l'eau : on ne trouve même pas un petit bas-côté à l'ombre (il fait toujours 33°) où s'arrêter pique-niquer.

route panoramique 3

De nouveau, le hiatus entre nos attentes et la réalité est complet (c'est-à-dire que les coins où l'on aurait pu s'arrêter ne valent manifestement pas plus qu'un regard en biais jeté par la fenêtre d'un véhicule en mouvement). SAUF pour cette merveille, franchement si l'urbanisme soviétique peut bien disparaitre aux oubliettes de l'histoire, on devrait s'inspirer sérieusement de leurs mémoriaux qui ont autrement plus de gueule que les statues de Guerre et de Patrie qu'on trouve chez nous :

mémorial

On continue notre chemin jusqu'à arriver au milieu de l'autoroute qui relie l'ancienne et la nouvelle capitale. Nous nous décidons alors pour une visite de Cetinje, la capitale royale du Monténégro.

Les mots de capitale royale laissent imaginer une grandeur déchue, qui a effectivement bien disparu de l'endroit, un bourg assez joli et un peu décrépi, environné de montagnes et où les plus audacieux ont construit des maison à deux niveaux. On se pose à côté de l'ancienne ambassade de France (d'après OSM) qui se trouve être une villa art déco :

chez l'ambassadeur

On mange un truc (il est 15h après toutes ces contrariétés), on prend un café (turc, le café), on joue aux cartes (les enfants réclament des parties de coinche dès qu'on est à l'arrêt plus de 10 minutes) puis on va se balader en visitant successivement l'avenue, heu la rue principale de Cetinje :

les champs élysées

Puis le parc situé autour de l'ancien parlement (gentiment qualifié de monumental par la pancarte à l'entrée), affublé d'une petite villa :

le palais

Un parc digne de ce nom n'échappe pas à ses monuments :

mémorial bis

Et, manifestement il n'échappe pas non plus à sa statue de héros littéralement torturé :

mémorial ter

Admirons l'assemblage hétéroclite et foutrement moderne proposé ici dans l'ancienne forteresse :

musée d'art moderne

Bref c'est charmant comme tout, totalement endormi, ou déserté, on ne sait pas. Pour donner plus d'ampleur et vous installer dans ce décor grandiose, voici une photo du centre ville :

centre

En quittant l'endroit nous sommes très contents d'avoir poussé jusqu'ici, franchement ça me console du coup du taxi. À l'autre bout de l'autoroute susmentionnée et que nous empruntons désormais dans l'autre sens, il y a Titograd (oui, j'ai du mal à me souvenir de son vrai nom et c'est tellement classe franchement, si quelqu'un décidait de renommer Paris, Parpoilville je le prendrais instantanément comme grand vizir) qui de l'avis général des guides que nous avons pris, n'a aucun intérêt. Ça doit être terrifiant d'ailleurs car ces guides sont laudateurs comme c'est pas permis, c'est à cause d'eux qu'on s'est arrêté à Virpazar ou encore qu'on s'attendait à trouver des petits villages mignons en traversant les alpes locales tout à l'heure.

Par contre nous sommes stupéfaits en traversant la banlieue de constater que la fièvre bétonneuse qui est si virulente sur la côte, est inconnue ici : la ville s'étale dans une plaine où la distance minimale entre deux maisons doit être réglementée à 200 mètres, c'est tellement vert qu'on ne sait pas où est le centre ville. Rassurez-vous tout de suite, nous n'avons pas fait de détour pour le chercher, on continue sur l'autoroute (on sait que c'est une autoroute car il y a deux voies, mais il y a aussi des ronds-points) en s'enfilant une vallée bien large dont les côtés sont très abrupts, mon seul souvenir de géologie de seconde me fait donc penser que c'est une vallée glaciaire.

Enfin on se pose dans un camping qui est en fait un champ au milieu de la cambrousse et au pied de notre visite de demain matin (suspensssse), à côté de scouts et de cyclistes (il fait une fournaise à crever et ces gens se déplacent en vélo ça me dépasse), champ au fond duquel on se baigne dans une mignonne petite rivière. Nous avons perdu au moins 8°, de nouveau tout est parfait, jusqu'à ce qu'on se souvienne que rivière égal humidité, mais bon c'est pas grave il est fort probable que les trucs humides sècheront rapidement demain.

#ete2024 #montenegro