Tara
Allons donc voir cette rivière de près, mais avant cela il faut commencer par un petit déjeuner local, conforme à mes attentes qui n'étaient pas bien élevées : feuilletés au fromage (pas mal), beignets (avec rien dedans, ce sont des beignets à la pâte à beignet), jambon rose fushia et fromage, insipide, inodore, sans texture ni couleur. Le pain est bon, il le font cuire sur le feu. D'ailleurs la cuisine fait plus envie que le petit déjeuner.
Et en plus depuis notre table on regarde la rivière qui coule vers la Serbie et son destin de sous-affluent du Danube :
On récupère combi, gilets, casques, et une fois prêts à affronter la traversée de l'océan Pacifique on s'entasse dans un véhicule pour remonter la rivière, embarquant au passage un solide gaillard pour qui la nuit a dû être rude car il s'endort en menaçant de tomber sur Lucien à chaque cahot. D'ailleurs on l'embarque aussi sur notre canot pour le débarquer 30 m plus loin sur la rive serbe où il réussit à se casser la gueule dans 20 cm d'eau avant de rejoindre la rive en zigzaguant. Sur la route on croise une armada de petits vans qui vont probablement récupérer d'autres amateurs de rafting, ce qui nous met à la puce à l'oreille, rapport à la fréquentation du site.
Après que le guide a constaté que ses consignes passent mieux en anglais que dans son sabir local, on commence à se faire porter par la rivière en pagayant de temps en temps. Le paysage est enchanteur, l'eau tellement transparente qu'on croirait flotter au-dessus des cailloux. Tout est hyper tranquille bref c'est le paradis. On se baigne un petit coup : ça reste une rivière de montagne, l'eau doit être à 12°.
Au bout d'un moment on se retrouve dans un embouteillage de zodiacs emplis de touristes et là on percute qu'aujourd'hui c'est samedi. D'ailleurs à part une colonie de vacances, on croise surtout des gens du coin. Comment le savons-nous ? parce que tous les hommes ont le crâne ras, que leurs tatouages ressemblent étrangement à des drapeaux ou des figures héraldiques, qu'ils sont tous beurrés comme des ptits lus et beuglent à plein poumon en sabir des balkans : bref ils ont la dégaine du serbe de caricature. Les filles ont le droit de laisser pousser leurs cheveux, mais pas celui de s'abstenir de beugler. Sur ce tronçon de rivière, il y a des petits carbets (j'appelle ça des carbets car c'est ce qu'on trouvait en Guyane pour aller passer le weekend en forêt : un plancher en bois et un toit en tôle ondulée) tous les 100m où on peut se faire servir pivo et rakiya. C'est un commerce qui marche bien à voir la faune. C'est tellement la fête qu'ils arrivent à chanter en chœur (je soupçonne des hymnes d'équipes de foot, ou bien des chansons nationalistes... à la réflexion c'est pareil), tout en se poussant à l'eau et en fumant des clopes (à bord d’embarcations en plastique).
On se faufile à travers tout ce merdier, notre guide et assez fort à ce petit jeu. À part ça, c'est du rafting pour nourrissons : aucune risque de tomber à l'eau, les rapides sont courts et les dénivelés d'un à deux mètres maximum. Pas besoin de pagayer des masses, il y a un courant de dingue. C'est quand même très marrant comme pratique, même si je pense que ce serait plus impressionnant en kayak. J'insère ici une photo prise en lendemain, au diable la vraisemblance (oui pendant le rafting nos téléphones sont restés prudemment enfermés) :
Lucien se plaint que le canyon est plus large qu'attendu, il avait dû se figurer un canyon de dessin animé mais ce ne sont pas des gorges (ou bien par endroit seulement), plutôt une vallée très encaissée. C'est très beau tout ça, malgré tout nous sommes assez content de cesser de pagayer après 2h30 de ce rythme, et de voir la rivière emporter les beuglards de l'autre côté de la frontière.
C'est l'heure du déjeuner balkanique inclus dans notre formule : un verre de raki pour tout le monde (manifestement il n'y a pas d'âge limite puisque les enfants ont droit au leur), soupe en entrée (un bon plat d'entrée ça quand il fait 32°, bravo les gars, c'est peut-être pour éponger le raki) puis truite grillée pour Valérie, ragoût de bœuf aux patates pour les autres, qui contre toute les apparences est absolument délicieux.
Après ces péripéties, c'est le moment de revenir vers le centre du pays, nous voici condamnés à nous farcir la même route dans l'autre sens alors qu'à vol d'oiseau 60 km nous séparent de notre destination. 2h plus tard, on se pose le long de la même rivière, au sortir d'un autre canyon et au pied d'un pont assez fameux car 1. on peut y faire du saut à l'élastique 2. on peut traverser d'une rive à l'autre en zip line (i.e. tyrolienne) à 100km/h (très peu pour moi merci) et 3. c'est aussi le point d'arrivée pour l'autre trajet de rafting du coin, plutôt destiné aux touristes étrangers d'après ce que je comprends désormais.
Pendant qu'on roulait il a plu, faisant lever instantanément une brume bien épaisse dans le moindre repli de terrain.