Vers Maramures
Après avoir éclusé les charmes religieux de la Bucovine il est temps de repartir et cette fois-ci ça y est notre chemin nous oriente de nouveau vers l'ouest, signe avant-coureur de fin de vacances, snif. Une petite journée de route donc, et s'il y a peu de kilomètres, comme d'habitude ils représentent une certaine durée en nous confrontant encore à des routes en lacets, des camions, des villages à traverser et mille paysages délicieux à regarder.
Hier encore un gars dans une boutique nous disait que les routes sont en bon état (c'est vrai) mais que cela ne fait que 10 ans, avant... il a fait un signe de la main fort expressif : je m'en doutais ça devait être un véritable calvaire de traverser le pays en bagnole. Et une manne pour les garagistes, enfin surtout pour les vulcanizadora qu'on croise dans chaque bled (beaucoup d'entre eux sont abandonnés les pneus se portent mieux maintenant).
Cette situation est aussi une manne pour le secteur privé de voirie et réseaux divers, ce qui explique peut-être également pourquoi on croise des travaux tout le temps et à toute heure : les roumains sont tout bonnement en train de recouvrir le pays de sous-produits de raffinerie de pétrole.
En quittant Suceava, on se farcit un dernier monastère pour la route, celui-ci n'a pas de peinture extérieure, c'est un monastère fortifié normal. Tout est nickel à l'intérieur il faut dire qu'il sert aussi de résidence à une soixantaine de nonnes qui sont mieux ici qu'à l'ephad j'aime mieux vous dire. Il y a ici comme dans énormément de maisons (et que je n'arrive pas à prendre en photo depuis la voiture), un puits en parfait état de marche et un petit musée avec des évangiles en parfait état de conservation.
On roule on roule et pour égayer la journée on s'arrête dans une ville-rue, une de plus, où l'on change les quelques biffetons de vrai argent qui nous restaient, en lei histoire de ne surtout pas tirer de liquide vu les tarifs usuraires pratiqués par les banques. Et coup de bol on tombe dans ce qui doit être le meilleur restau du coin, en tout cas pour nos goûts décadents d'européens : une terrasse pour profiter de la chaleur et des plats délicieux servis par des serveurs sympas mais un peu nonchalants, les amateurs de restaurant dans ce pays, n'étant pas pressés.
Ha quel délice. Une fois bien lourdement rechargés de viande et de féculents on repart et on croise des décorations de maison encore différentes, des forêts, des petites vallées avec des villages trop mignons et de plus en plus de portails en bois et aussi de plus en plus d'églises en bois.
On croise aussi une spécialité roumaine (souvenons-nous que la Roumanie est le deuxième producteur de miel d'Europe, j'en veux pour preuve le nombre ahurissant de vendeurs le long des route) : le camion-ruche et la remorque-ruche.
Tout est hyper beau, ça y est nous avons atteint le (les ? la ?) Maramures. C'est un des judet où l'on croise le plus de décorations colorées.
On arrive à Viseu de Sus où en attendant de pratiquer l'attraction locale (par manque de place le lendemain), nous résidons dans un camping naze et faisons une petite randonnée vers une cascade qui nous occupe durant la journée. La cascade est tellement ridicule que je montrerai même pas de photo mais c'était un prétexte pour en chier dans un pente redoutable bien que les reliefs du coin aient l'air plus doux que les jours précédents, haha naïfs que nous sommes ce n'était qu'un leurre mon dieu quel enfer. Heureusement le retour est plus sympa dans un paysage agricole dominant la vallée.
Dans le nord de la Roumanie, on fait aussi sécher le foin sur des espaliers, ça me semble plus efficace que les bottes montées sur des piquets de 5m de long, mais peut-être que l'usage finale est différent. Je ne suis pas expert en foin.
Et le surlendemain on se lève pour aller prendre LE PETIT TRAIN. Oui c'est le truc à faire ici, tellement que les places en sont prises d'assaut, enfin ce qui s'est surtout passé c'est que les explications du site internet, de la brochure ET de la nana derrière son guichet sont tellement imbitables qu'on s'est cru obligés de prendre le forfait complet avec un déjeuner sur lequel je reviendrai tout à l'heure. Alors qu'on aurait certainement pu mieux gérer la chose un jour plus tôt en parlant roumain.
Bon revenons au petit train : c'est un parcours à touristes sur une ligne de chemin de fer, toujours utilisée pour débarder le bois dans la forêt et l'amener aux scieries et ateliers à Viseu, quand on ne trimballe pas des familles dedans. Et surtout il utilise des locomotives à vapeur c'est complètement fou de revenir ainsi au XIX°.
Vu la faune qui prend le train avec nous, c'est une attraction typiquement roumaine. Alors c'est trop marrant, le tender est garni de bois pour enfourner, la gare de Viseu est envahie de locomotives, d'escarbilles, de bouts de bois et de graisse.
Comme nous avons des billets de richards, nous montons, pleins de componction (oui, souvenez-vous que nous écoutons Alexandre Dumas sans discontinuer depuis le début de notre périple) en première classe où tous les détails sont trop bien, des crochets aux accoudoirs en passant par LE POËLE qui permet de chauffer chaque wagon halala. Pendant ce temps la piétaille monte dans des wagons juste couverts d'un vilain toit et on est en bien contents car il pleut.
L'animal fait un bruit du diable et s'élance à la vitesse mirifique de 10km/h sur des rails qu'on aurait pu poser un peu plus droits, pour emmener toute cette foule émerveillée à 20km d'ici dans les bois avant de revenir. La vallée est foutrement encaissée, hélas depuis la construction de la ligne on a aussi tiré une route le long de cette même rivière ce qui gâche un peu l'aspect western de la chose, mais qu'importe nous sommes heureux comme des enfants (surtout moi il faut bien l'avouer) qui jouent au petit train et je suis prêt à parier que chaque individu mâle de plus de 35 ans dans ce train ressent la même chose.
Passé l'élan de la découverte (découverte assez relative, c'est pas comme si on n'était jamais monté dans un train, ni dans un train qui se traine), on profite en regardant les paysages, mais comme il pleut on n'en voit que la moitié, le reste est dans la brume.
Et on se divertit en regardant les maisons du faubourg ainsi que les jardins et en se faisant la réflexion que tous les jardins croisés en Roumanie sont très bien équipés en potagers, poulaillers, arbres fruitiers, petits prés fournissant du foin, vaches et chèvres, bref l'agriculture vivrière est particulièrement développée. Ou bien l'a été parce qu'on voit aussi énormément d'arbres croulant sous les fruits non ramassés (surtout des pommiers), des granges qui s'écroulent sous leur propre poids et les personnes qui s'activent à trier les prunes, ramasser les framboises, etc. ont un certain âge.
Nous voilà donc revenus en enfance et au siècle dernier c'est formidable. Particulièrement pendant la première demi-heure, ensuite le charme du voyage en train se tasse ma foi on ne peut pas dire que ce soit une découverte incroyable non plus hein. Le train.
Ha c'était vraiment super et puis malheureusement nous avons versé dans le drame avec la halte au milieu de la forêt, sous la pluie et accueillis par... de la musique folklorique crachée à tue-tête par des enceintes géantes que nous sommes obligés de subir tout en déjeunant parce que les places au sec sont peu nombreuses. Et cernées par les hauts-parleurs.
Nous avions eu un avant-goût de la chose avec une première halte pour prendre un café (dégueulasse mais on pouvait aussi avoir un chocolat chaud encore pire, accompagné de donuts qu'Homer Simpson n'aurait pas dédaigné mais que nos artères ont senti passer). Le déjeuner donc, était un concentré de Roumanie (dans notre cas il venait avec la formule qu'on a pris parce qu'on pensait qu'il n'existait pas d'alternative quel dommage de ne pas parler la langue du pays), à savoir une petite salade de crudités (pas mal), quelques patates (ou plutôt morceaux de patates mais vraiment pour la décoration) et surtout de la viande grillée, c'est-à-dire par personne deux steacks hachés, deux saucisses et une escalope de porc dans un ratio légume/viande de 1/10.
Je jette donc un voile pudique sur cet épisode. Qui aurait été super avec plus de légume et beaucoup moins de train. Mais enfin qui était tellement roumain. Tous nos compagnons voyageurs semblaient enchantés.
Au passage nous avons un aperçu de l'ingéniosité des mécanos du coin en voyant passer tout un tas de voitures adaptées pour circuler sur les rails, oui car brûler le poids de ton véhicule en bois destiné à faire chauffer de l'eau qui elle-même lors de sa transformation en vapeur entrainera des pistons, c'est pas super pratique tandis que brûler du pétrole, ya pas à dire, ça va plus vite.
Sortis de là on se carapate vers le maramures des églises en bois, avec une halte dans un camping délicieux perdus dans la campagne en haut d'une colline et où nous nous trouvons quasi seuls.
La pollution lumineuse est décidément bien plus faible à la frontière ukrainienne, que nous venons d'atteindre, et le ciel nocturne est merveilleux aujourd'hui (et pour une fois le camping n'inonde -presque- pas l'espace de spots allumés toute la nuit). Nous nous endormons comblés.