Viscri
Le moment est venu de faire de la route pour rallier le nord de la Roumanie, c'est pas super intéressant sauf qu'entre-temps pour meubler le trajet nous nous proposons de passer à Viscri, un incontournable de Transylvanie, : c'est un village saxon, très très typique et très restauré. Il a bénéficié de l'appui du Pince de Galles (enfin à l'époque, maintenant c'est le roi Charles, car ce titre de Prince est dévolu au fils aîné du roi / de la reine) qui est apparenté à la royauté du coin vu que le vrai nom de la famille royale d'Angleterre, rappelons-nous est de Saxe-Cobourg et Gotha (comme ça craignait d'être roi d'Angleterre avec un nom allemand en 1917, le roi George V a signé un papier disant que maintenant ce serait Windsor, il y a des gens qui ne s'embarrassent de rien franchement hop je signe ce papier et maintenant j'ai un nom bien anglais), et aussi parce qu'une fille de Victoria a épousé le roi de Roumanie avant de restaurer le château de Bran ; je disais que Charles (oui je me suis perdu dans mon incise et ces parenthèses ça m'apprendra à en pas écrire d'une traite et surtout à picoler entre deux frénésies d'écriture) a acheté une propriété ici puis lui a fait de la pub.
On ne voit pas sur la photo mais la rue principale est pavée de pierre.
Si vous avez suivi les précédents épisodes, vous vous souvenez que les saxons ont d'abord été pourris lors de la première guerre, incorporés de force à la Wermacht lors de la deuxième, déportés par les Russes ensuite et finalement spoliés par le régime de Ceaușescu. Après un siècle pas terrible, ceux qui restaient se sont barrés fissa en Allemagne et on les comprend du coup leurs villes, villages, fermes fortifiées, église fortifiées et compagnie ont commencé à partir à vau-l'eau. Dans un mouvement centralisateur drôlement malin et efficace, des communautés Rom ont été sédentarisées de force dans lesdits villages ce qui bizarrement n'a pas aidé à leur conservation.
Tout ça pour dire qu'il ne reste plus grand chose du pays saxon, sauf un ou deux villages rescapés (et des paysages à se taper le cul par terre), dont Viscri. Comme souvent en Roumanie, c'est un village-rue auquel sont accolées une église orthodoxe et une église romaine sauf que la seconde est fortifiée (oui, encore une).
Comme il s'agit d'un village touristique -qui renaît tout de même sous l'influence d'une association locale (et je le soupçonne, de l'argent de la couronne d'Angleterre), chance que n'ont pas les villages voisins- l'ambiance est diablement moyenâgeuse et les visiteurs (entendez, les autocars et les non-résidents) sont priés d'aller se garer à l'extérieur.
Bleu-vert-jaune, ce n'est pas le drapeau du Gabon mais un hardi mélange de couleurs roumaines.
Nous sommes en milieu rural, les gens ici vivent de l'élevage, de la forge et désormais du tourisme : les maisons sont vastes, chacune donne directement sur les champs derrière et la rue principale fait allègrement 80m de large : chacun chez soi. On apprend en visitant le musée que les différents aspects de la vie de village étaient réglés par des associations de résidents. C'est cool hein la vie à la campagne ? Par exemple les célibataires pouvaient se rencontrer une fois par mois pour confectionner des anneaux en bois à offrir aux filles afin qu'elles décorent leur fuseau (soupir les pauvres tu m'étonnes qu'ils se soient tous enfuis) c'était trop la fête.
Malheureusement nous sommes dimanche et une bonne partie de la vie locale nous échappe, nous voyons surtout des portails fermés même si bancs extérieurs sont occupés par une émouvante série de petits vieux.
Point d'orgue de la visite : l'église fortifiée saxonne qui domine le village.
Pas grand-chose à ajouter à son sujet, sinon que ses tours de guet offrent un panorama champêtre, que là aussi on peut faire entrer toute la population humaine et animale, et qu'elle sert désormais à exposer des objets du cru parmi lesquels j'ai particulièrement noté des ruches en paille tressée, des coffres (pas pour ranger des vêtements non, pour ranger du grain) et de la céramique servant exclusivement à confectionner des cheminées prussiennes (enfin, quel que soit le nom qu'on leur donne ici). Bon du coup il se font pas trop chier à inventer des trucs et ne confectionnent que des carreaux de 20cm, avec des décorations, assez jolies.
En ce qui nous concerne, on achète aussi un miche de pain de 10 kg à la boulangère du village puis on cherche un endroit pour le pique-nique en quittant l'endroit, on cherche on cherche il n'y a pas de bas-côté dans ce pays et les abords des villages sont soit un peu crado soit trop proches des gens on ne sait pas où se foutre à croire que nous ne sommes ni des campeurs ni des aventuriers comme on aimerait à le croire, finalement ça se termine dans un champ.
Bref, il faut bien rouler de toute façon nous avons prévu de changer radicalement de zone pour aller vers la Bucovine, haa j'adore comme les noms des régions ici nous renvoient à des romans gothiques du XIX°, entre la Bucovine et la Valachie nous sommes servis. Malheureusement nous nous trouvons dans les Carpates et parcourir 10km prend 30 minutes c'est un poil agaçant.
On roule en traversant des paysages renversants de beauté ainsi que des villages non moins mignons et confits dans leur environnement de carte postale. Les maisons sont magnifiques, pour la plupart en bois et décorées tandis que les paysages sont bien moins âpres que ceux que nous avons traversé jusqu'ici. Et tout en nous promenant nous écoutons le vicomte de Bragelonne (oui car nous n'allions pas abandonner un si riche filon ce sont littéralement des dizaines d'heures de voyage qui nous attendent au son des éperons qui tintent, des pistoles qui roulent sous la table, des jurons gascons et des empoignades héroïques).
Nous partons plein nord et le point d'orgue de cette route, ce sont les gorges de Bicaz qui méritent tous les superlatifs qu'on pourrait employer à leur sujet, elles sont monstrueuses, incroyables et spectaculaires, bon malheureusement elles sont aussi parcourues par une route qui prend toute la place et bas et en conséquence de quoi ne se visitent qu'en bagnole. En essayant de regarder le paysage au-dessus de nos têtes je manque de nous précipiter dans le fossé (en vrai on peut aussi faire des sentiers sur les côtés des gorges mais comme d'habitude il faut être prêt à de farcir des dénivelés pas croyables et là tout de suite il est quelque chose comme 17h alors nous passons notre chemin).
Les gorges comme le petit lac qui se trouve à l'entrée sont manifestement un haut lieu du tourisme intérieur roumain du coup il y a plein de monde et plein de véhicules ainsi que des complexes touristiques et des échoppes à souvenir à tire-larigot.