Réflexions sur les soins, avec ou sans clicker
#Animaux Réflexion sur l'utilisation du clicker, et sa non utilisation, pour faire des soins, avec quelques exemples avec mes juments.
La révolution de l'éducation aux soins
Les soins en coercitif
Il y a un monde dans lequel on ne prépare pas les animaux aux soins, et c'est nul. Soit les animaux tolèrent les soins, soit on passe en force, avec différentes techniques de contention. Les manipulations deviennent dangereuses pour les humains, et parfois aussi pour les animaux. Les animaux sont souvent paniqués, ils ne comprennent pas ce qu'ils subissent, et parfois on les blesse aussi. Ce n'est satisfaisant pour personne.
Le renforcement négatif
Avec des méthodes comme celles de La Cense (ou de Pat Parelli et consorts), les choses ont commencé à changer dans le monde du cheval. On prenait enfin le temps d'expliquer au cheval ce qu'on attend de lui.
Prenons un exemple très récent dans mon cas, je veux appliquer de la vaseline au coin du naseau de Néli. Elle déteste qu'on lui touche le nez (et ça empire fortement ces dernières années) : elle lève la tête, recule, secoue la tête. Voici la méthode que j'ai utilisée pour l'entraîner à ce soin :
- La première étape consiste à décider du comportement souhaité : « Néli garde la tête à la même hauteur sans bouger pendant la durée du soin ».
- Ensuite, je décide d'un chemin pour y arriver avec des étapes de plus en plus compliquées en partant de là où elle est déjà en réussite :
- Tête immobile quand je lui touche le chanfrein en étant devant elle
- Même chose un peu plus longtemps
- Même chose pendant que je lui touche le nez
- Même chose pendant que je lui touche le nez avec de la vaseline
- Ensuite, je décide de la stratégie de renforcement. En renforcement négatif, l'idée est d'enlever l'inconfort au moment où le cheval fait le comportement attendu. Ça va donner :
Je mets la main sur le chanfrein → Elle bouge, je garde la main sur le chanfrein en la « suivant » → Elle arrête de bouger (même une seconde) → J'enlève la main.
Et quand c'est facile, on passe à l'étape suivante.
Le renforcement positif
L'éducation au soin en renforcement positif existe depuis au moins les années 1960 dans les aquariums et dans les zoos. Mais ces techniques sont arrivées beaucoup plus récemment dans le monde du chien ou du cheval.
Pour ma part, j'ai découvert le medical training dans les années 2010. L'idée est que le cheval est toujours libre de dire non, mais quand il dit oui, il est récompensé.
Éthiquement, c'est très satisfaisant. Et les résultats des entraineurs avec les animaux de zoo sont très impressionnants.
L'entrainement simple va être un peu similaire à celui en renforcement négatif du point de vue des étapes de la progression. Mais la manière de renforcer sera très différente.
- Si je touche le chanfrein de Néli et qu'elle bouge, en R+ c'est son droit, il n'y a pas de problème, j'enlève ma main.
- À moi de reprendre à une étape moins inconfortable (par exemple approcher ma main du chanfrein sans toucher) pour qu'elle soit en situation de réussite, qu'elle ne bouge pas, et que je puisse récompenser.
Quand on a l'habitude de travailler en renforcement négatif (ou en coercitif), c'est très frustrant de laisser l'animal dire non sans conséquences. En réalité, quand on est dans une séance de renforcement positif, lorsqu'on ne récompense pas, on frustre l'animal car on ne lui donne pas ce qu'il attend. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on essaie d'avoir un entrainement avec le moins d'erreurs possibles en renforcement positif.
Comment faire quand on ne peut pas faire le soin en R+ ?
Ken Ramirez nous a présenté dans son séminaire un cas de travail sur les soins avec des lamas qui avaient été élevés pour la viande, et donc très peu manipulés. Il les a entrainés en R+ à accepter avec enthousiasme des piqures ou des vermifuges. Le résultat est impressionnant, mais l'entrainement a pris plus d'un an. L'une des participantes a donc demandé comment il aurait fait s'il avait fallu les soigner avant que les lamas ne soient prêt.
Ken Ramirez nous a donc expliqué que 6 mois après leur arrivée, il avait fallu tondre les lamas. À ce moment-là, les lamas n'étaient pas du tout prêt pour être tondus en renforcement positif. Il a donc fait le choix de le faire en coercitif, c'est-à-dire par la force, et de ne surtout pas mélanger ça avec une séance de clicker. Il a expliqué que s'il avait eu le choix, il aurait préféré que ça soit un autre entraineur que lui qui le fasse, pour ne pas casser la confiance et le contrat établi avec les lamas.
Il a donc enlevé sa sacoche de nourriture, posé son clicker et attrapé les lamas. Il les a emmené un par un dans le hangar où il ne les travaille jamais au clicker. Par contention, il a pu les tondre. Il les a ensuite relâchés dans leur enclos. Deux heures plus tard, quand il revient pour les nourrir (et leur demander quelque chose qui est plus facile que là où ils en étaient dans l'entrainement), les lamas sont revenus assez facilement et il a pu reprendre l'entraînement.
Le conseil de KR est de ne pas mettre de clicker dans une session où vous savez que vous risquez de devoir passer par la force.
Néli et son nez
Néli a une jolie histoire de travail au clicker. Quand elle a eu la gourme en 2016, j'arrivais à lui faire des soins douloureux en liberté, juste au clicker.
Depuis quasiment un an, Néli a une petite sinusite avec un léger écoulement permanent. Là, avec l'arrivée de l'hiver, elle a un début de gerçure au creux du naseau. J'ai donc décidé de mettre un peu de vaseline pour aider à cicatriser. Mais en fait, depuis quelques années et beaucoup de procédures vétérinaires invasives et pas sympa, néli ne supporte plus qu'on lui touche le nez. J'avais repris le fait de pouvoir lui laver les naseaux au clicker, et c'était OK. Là, j'ai fait quelques essais, et dès que j'utilisais la vaseline (ou pire un autre produit qui avait davantage d'odeur), néli régressait fortement. Elle en était au point où, quand elle avait compris que je venais pour ça, elle partait. Et en R+ c'est OK. Sauf que moi je voulais la soigner.
J'ai donc fini par me résigner à faire ça en renforcement négatif mêlé à du coercitif (je lui ai tenu le chanfrein plusieurs fois pour finir d'étaler la vaseline).
Tant que tu bouges, je garde la main sur ton nez, quand tu arrêtes de bouger, j'enlève ma main. Et à la fin, dès que c'est fini, je te donne ta ration.
En 3 ou 4 sessions, ça a énormément progressé. Ce matin, j'ai filmé pour montrer un peu de R- en fin de travail, mais en fait, elle n'a pas du tout bougé. C'était parfait, j'en étais la première surprise !
Amalhia et les pieds
Amalhia est compliquée depuis le début avec ses pieds. J'y ai mis trop de pression quand elle arrivée à la maison. À ma décharge, elle avait des pieds dans un état atroce, et ça me stressait beaucoup.
Elle voit Charlène notre maréchale depuis 6 ans je crois. Et ça fait 6 ans qu'Amalhia est un peu compliquée. Ça n'est pas super dangereux, mais elle va tirer un peu, être haute en énergie, toute tendue et toute stressée, et souffler un grand coup quand Charlène s'éloigne. Surtout pour l'antérieur droit. Pendant un temps, je l'ai mis sous calmant pendant le parage, et c'était beaucoup mieux, ça l'a bien aidé à progresser. Aujourd'hui elle n'est plus sous calmant, ça se passe OK, mais pour moi ça n'est pas satisfaisant car j'aimerais qu'elle soit vraiment relax.
J'ai travaillé Amalhia à 80% en R+, en général, et pour les pieds. Le problème est que en R+, quand elle tire pour enlever son pied, je dois la laisser faire. Sauf que ça m'agace, et que la maréchale ne la laissera jamais faire. Pour autant, j'ai toujours ma sacoche de friandises, et je récompense en cliquant pendant les sessions de maréchalerie.
J'aime bien la phrase de Luca Moneta :
« n'hésite pas à essayer une autre façon de faire. Tu fais 3 fois, et si au bout de 3 fois ça s'améliore : tant mieux ! Sinon, bah c'est que c'est pas la bonne méthode pour toi et ton cheval, au moins en ce moment ».
Bon, bah là on a clairement fait plus de 3 fois, et clairement ça ne s'améliore plus. Suite au séminaire de KR, je me dis que :
- Il faut que je sorte les sessions de maréchalerie de nos sessions d'entrainement en R+. ➡️ Plus de sacoche, plus de clicker pendant les sessions avec la maréchale.
- Pour autant, il faut que je continue à la désensibiliser à donner ses pieds à d'autres personnes que moi Il faut que je travaille avec Océane, Charlène en dehors des séances de maréchalerie, avec Thomas... ➡️ Profiter de toute personne qui vient à la maison pour faire un petite séance de clicker avec Amalhia où elle est le droit d'enlever le pied si elle veut.
- Pendant la séance de maréchalerie, j'ai envie d'essayer d'ajouter du conditionnement classique avec un jouet à lécher (likit). J'ai commencé à lui apprendre à l'utiliser (pour qu'elle le lèche et qu'elle ne le croque pas), et je pense maintenant le sortir uniquement dans les sessions en coercitif ou R-. ➡️ Utiliser le likit pour aider à Amalhia à faire une association positive avec la séance de maréchalerie
À suivre.... Vidéos et compléments à venir...
Conclusion
Ce que je retiens de cet article, c'est de ne pas mélanger :
- Séance de clicker, avec un clic et une récompense
- Séance en coercitif, où il faut faire le soin, et où on va bloquer l'animal si besoin.
Et j'ai beaucoup beaucoup mélangé les deux par le passé 😔.