[Iggy] Deux ans de travail sur la réactivité envers les humains

Iggy est un chien réactif. C'est un chien peureux et anxieux qui panique vite, et quand il panique, il attaque. Il est à la maison depuis deux ans maintenant, il a fait de gros progrès, mais ça reste un chien compliqué. Dans cet article, je veux revenir sur les méthodes que nous avons mises en œuvre pendant ses deux premières années chez nous.

La réactivité d'Iggy envers les humain·es

Nous avons adopté Iggy dans un refuge où il a passé un an sans jamais se montrer réactif envers des humains. Mais il voyait toujours les mêmes humains dans un environnement extrêmement stimulant. Arrivé à la maison, nous avons découvert sa très forte réactivité le lendemain de son arrivée quand il a voulu « manger » notre voisin qui faisait des travaux chez nous. Comme je n'étais pas joueuse, Iggy était dans son paddock, et donc il n'y a eu aucune conséquences. Par la suite, nous avons pu observer que Iggy déclenche :

Ces deux situations arrivent encore régulièrement.

À l'inverse, nous avons remarqué qu'il y a une situation dans laquelle il est confortable à rencontrer d'autres humain·es : quand on va chez une pro du chien et qu'on le laisse explorer à sa guise les odeurs de chiens déjà présentes et que l'humain·e l'ignore. Du coup, ça se passe plutôt bien à la pension, au vétérinaire et avec les deux éducs avec lesquelles on a travaillé.

1. Ce qu'on a déjà fait

J'ai passé énormément de temps à travailler Iggy, en particulier pour gérer sa réactivité.

Quand Iggy est arrivé, il ne marchait pas en laisse et ne connaissait aucun code. Il n'avait aucune agressivité envers nous, mais il n'avait pas l'éducation minimale pour sortir en laisse en extérieur et encore moins pour travailler sa réactivité envers d'autres humains / chiens. En plus, il était très stimulé par les odeurs avec un comportement de prédation bien marqué. Ça veut dire qu'il tirait très fort sur sa longe pour aller sentir / débusquer des chats ou d'autres animaux.

Quand on a adopté Iggy, j'avais une bonne expérience de travail des chevaux, mais je n'avais travaillé qu'un seul animal qui attaquait, et c'était un étalon qui avait appris à le faire (rétif). Je n'avais aucune connaissance des chiens au départ de cette aventure... Autant vous dire que les 6 premiers mois ont été un enfer. Heureusement que Claire nous a beaucoup soutenus à distance.

1.1 Les prérequis

1.1.1 Éducation de base au clicker

J'ai passé beaucoup de temps à enseigner à Iggy les codes de base pour vivre avec des humain·es (et à apprendre en même temps comment on enseigne ça à un chien). Voici quelques uns de ces codes :

Ce travail a été nécessaire pour vivre au quotidien chez nous, mais aussi pour pouvoir ensuite imaginer le travailler face aux éléments qui déclenchent une agression.

1.1.2 Click to calm on the mat

Comme Iggy est très sensible à ce qui se passe dans son environnement, et qu'il était tout le temps en hypervigilance, j'ai passé énormément de temps à lui apprendre à se poser sur son tapis, et à se détendre. C'était long.

Je me suis inspirée des vidéos de Kikopup et en particulier de la série sur le travail d'un chien qui fait de la prédation : Harnessing the hunter

La méthode, c'était en gros :

  1. Se poser quelque part (d'abord dans le jardin, puis dans un pré, ou dans le bois, ou à l'entrée de la rue). J'avais Iggy en laisse et son tapis pour qu'il se pose dessus.
  2. Je prends mon téléphone pour trainer, et j'attends.
  3. Quand il se pose un peu (par exemple il est debout et regarde partout, puis il s'assied), je clique et je récompense.
  4. Quand il est vraiment posé (allongé, la tête posée), on avance et je le laisse explorer le monde.

On a eu des progrès rapides au début, mais au global, ça a été un travail très long.

Dès qu'on sortait du jardin, Iggy était sur-stimulé par son environnement et il n'écoutait plus les codes. Il tirait de nouveau sur la longe, il ne venait pas quand je le rappelais. Ce qui a marché pour nous a été d'attendre qu'il se pose, de revenir en arrière si besoin, de faire des aller-retour sur les mêmes 10 mètres de route. J'aime bien dire qu'il avait besoin d'apprendre à s'ennuyer.

Jusque là j'ai parlé du chien. Mais avoir un chien réactif c'est aussi SUPER dur pour l'humain·e. De mon côté, la première année, j'ai trouvé que c'était dur à vivre.

  1. Je me sentais coupable de ne pas être « la bonne famille » en n'emmenant pas mon chien une heure en balade tous les jours.
  2. J'avais beaucoup de mal à assumer face à des personnes plus expertes que moi en chien que, non, je ne veux pas travailler le chien quand il est trop excité pour écouter, même si vu de l'extérieur ça n'était pas violent. Et j'ai été vexée qu'on me dise que c'était juste parce que j'avais peur, alors que non, c'était une question de principes éducatifs.

On m'a aussi dit « Aude, un jour on te montrera un vrai chien super excité ». En fait, je n'ai pas de doutes qu'il y ait des chiens beaucoup plus démonstratifs qu'Iggy. Iggy est un chien calme de nature. Mais avec le recul je me dis que je connaissais déjà bien mon chien.

1.1.3 Le “U turn”

Je pense que c'est dans le livre de Emma Pearson que j'ai trouvé la description du U turn (demi tour en U) qui sert de comportement pour éviter le déclenchement, ou comme comportement incompatible avec le déclenchement.

Comportement :

  1. Je dis « On y va »
  2. Je fais demi tour joyeusement, et on part dans l'autre sens
  3. Quand le chien fait demi tour, je clique, et je récompense quelques mètres plus loin.

Ce comportement doit nous servir quand j'ai repéré un déclencheur potentiel (genre un homme qui arrive vers nous), pour nous éloigner de la situation qui va potentiellement faire réagir Iggy, avant qu'Iggy ne déclenche.

Je pense que je n'ai pas assez travaillé ce comportement. Il marche pas si mal en l'absence de fortes distractions, mais ça vaudrait le coup que je le travaille d'une manière plus systématique.

1.1.4 Consentement à la caresse

On a appris à Iggy à réclamer des câlins en donnant la patte. L'objectif est de dire aux gens de ne le caresser QUE si il demande avant.

Et de caresser quelques secondes, puis arrêter, et le laisser redemander.

1.1.5 Porter la muselière

Un autre travail qui a été super utile a été d'habituer Iggy a porter une muselière.

Il la tolère très bien, même si évidemment, il essaie de temps en temps de l'enlever. Le plus dur a été de travailler la tolérance de ses humain·es.

1.2 Ce qu'on a fait spécifiquement pour travailler la réactivité

1.2.1 Click to calm – look at me

J'ai ensuite (beaucoup) travaillé le click to calm d'Emma Pearson.

Pour moi, c'est là, j'ai vraiment commencé le travail sur la réactivité.

La méthode qu'on a utilisée :

  1. La situation de départ (dans mon cas) a été de partir du chien plutôt calme. Et on y arrive assez bien en l'absence de déclencheur grâce au travail sur le tapis.
  2. Quand Iggy voit un déclencheur (que ce soit quelque chose qui l'inquiète, ou quelque chose qu'il veut prédater, genre un chat), je clique, et je récompense le fait de regarder.
  3. Si c'est un peu trop fort, qu'on est trop proche du déclencheur, je vais demander un “on y va” pour nous éloigner un peu.
  4. Si c'est OK, c'est à dire que Iggy est capable de regarder sans déclencher, je vais cliquer plusieurs fois (et récompenser à chaque fois) pendant que Iggy regarde ce qui l'intéresse / inquiète.
  5. Puis je vais progressivement attendre qu'il me regarde de lui-même (en mode : « hé je suis en train de regarder, je mérite ma friandise ») et là je vais cliquer et récompenser en mode jackpot. Emma Pearson dit de donner 3 récompenses, chacune à 1 seconde d'intervalle.
  6. La dernière étape est de demander d'autres comportements malgré la présence du déclencheur, comme de toucher ma main ou de s'asseoir.

La première partie de ce protocole est du simple contre-conditionnement : « quand je vois ce truc qui fait peur je reçois de la nourriture ». Je n'étais pas convaincue que ça allait beaucoup plus loin. Mais deux ans plus tard je dois dire que c'est impressionnant, Iggy a vraiment appris à me regarder quand il voit quelque chose qui lui fait peur (si ça ne fait pas TROP peur).

Je crois que la suite de ce protocole fait partie des stratégies : « enseigner un comportement incompatible avec le comportement indésirable » (4ème sortie) dans le modèle de Susan Friedman sur les différentes manières de changer un comportement.

1.2.2 Désensibilisation en utilisant la distraction (habituation)

On a ensuite travaillé avec une éducatrice qui nous a permis de travailler la réactivité chien, et un peu humain en balade.

L'idée est d'emmener le chien en balade dans un environnement qui le stimule (nouveau chemin, chemin étroit, etc), et de lui demande d'ignorer ce qui lui fait peur.

Pour moi, la méthode qu'on a appliquée était de :

  1. Présenter au chien des stimulus de plus en plus inquiétant en restant en dessous du seuil de déclenchement (habituation),
  2. Profiter de l'environnement pour distraire le chien,
  3. Lui demander de faire des choses qui sont incompatibles avec le fait de déclencher, comme marcher au pied en laisse, ou me regarder (entrainement d'un comportement incompatible avec le comportement indésirable).

Dans notre cas, Iggy est assez fort à ignorer ce qui l'inquiète. En fait, j'avais déjà remarqué que quand l'environnement est particulièrement stimulant, il est un peu dans sa bulle et devient très tolérant envers les humains en particulier. Ce travail a été utile pour permettre à Iggy de partir en balade avec nous, et d'ignorer les gens que l'on croise, ou leurs chiens.

Pour autant, ce travail n'a pas du tout permis de régler nos problèmes de socialisation à la maison quand des invités sont là, ou pour se balader avec des ami·es. On a eu régulièrement des déclenchements dans des situations où Iggy avait été pendant 1 heure avant avec la personne ou le chien en « l'ignorant » et au moment où ensuite tout le monde est à l'arrêt, bim agression.

1.2.3 La méthode où on n'a pas été au bout

On a travaillé 2 ou 3 séances avec une éducatrice qui n'aimait pas trop le clicker et qui utilisait le BAT comme méthode. J'avais l'impression de faire juste de l'habituation et que ça ne nous aidait pas vraiment. Je sais que c'est une méthode qui marche, mais je ne crois pas que c'était vraiment adapté à notre problématique.

2 Introduction d'une nouvelle personne

À l'arrivée d'Iggy, nous avons introduit facilement plusieurs personnes qui sont venues avec leurs chiens. Iggy était super stimulé et intéressé par les chiens, il a rapidement adopté les humain·es de ces chiens.

Après qu'on a eu plusieurs mauvaises expériences (et en particulier qu'on découvre qu'il était réactif avec certains chiens), on a changé de stratégie.

2.1 Ce qui n'a pas marché pour nous

2.1.1 La balade d'accueil.

On a essayé les trucs traditionnels qui sont sensés marcher genre : « rencontrer les gens dans la rue, marcher un peu avec eux, et rentrer ensemble ».

Iggy a rapidement été capable de faire ça, surtout s'il marche devant, mais une fois qu'on est à l'arrêt, ou dans le jardin avec beaucoup moins de stimulations, il redevient super réactif.

2.1.2 Que la personne inconnue lance des croquettes

On a rapidement ajouté une phase où les personnes lancent des croquettes à Iggy quand on est arrêtés. L'objectif est d'avoir un conditionnement simple : cette personne = bonne nourriture.

Ça ne marche pas vraiment.

2.1.3 Ce qui a un peu marché – laisser iggy bourriner

Quand on rencontre de nouvelles personnes (ou un nouveau chien), au départ, Iggy a très envie d'y aller. Il tirait sur la longe pour y aller. Si je le laisse faire, et que la personne en face est impeccable, c'est à dire qu'elle se laisse sniffer de manière très invasive (la truffe entre les jambes) et qu'elle ignore voir qu'elle s'éloigne, ça peut très bien se passer, et après la personne est adoptée.

Mais si la personne a le moindre comportement qui inquiète Iggy, c'est l'agression assurée, sans prévenir (pas de grognement, pas d'aboiement. Il fige une demi seconde et il saute pour mordre).

2.2 Ce qui a marché – prendre beaucoup de temps

J'ai travaillé avec 2 personnes pour une introduction systématique. Un voisin et Océane qui nous aide avec les chevaux.

2.2.1 Avec le jeune voisin

Avec le jeune voisin, on a fait :

On a du faire presqu'une dizaine de séances. À la fin Iggy venait réclamer des câlins etc, mais je n'ai jamais été complètement sereine. Une des difficultés était que comme les séances étaient pour travailler le chien et que le voisin voulait très fort le caresser, il y avait toujours une certaine pression.

2.2.2 Avec Océane

Avec Océane à l'inverse, zéro pression. Elle a 2 chiens chez elle, elle vient travailler chez nous. Ça a donc été beaucoup plus facile ! On a fait :

Les progrès ont été assez rapides. Avec le voisin Iggy n'était pas muselé, là Iggy était en permanence muselé, et c'était beaucoup plus rassurant. Je dirais qu'au bout d'une dizaine de séances (on a été très lentement, je ne voulais AUCUN déclenchement), Iggy a adopté Océane.

3. Conclusion

Aujourd'hui,

MAIS c'est compliqué dès qu'Iggy reste seul, et les artisans, ou recevoir du monde chez nous, c'est très compliqué. Il s'est récemment échappé pendant qu'on avait un artisan à la maison et on a eu très peur.

Et je n'ai pas de procédure « rapide » pour lui présenter quelqu'un.

J'ai écrit cet article car il y a 3 semaines j'ai été à un séminaire de Ken Ramirez et ça m'a donné plein de pistes pour reprendre le travail sur la réactivité... 😁

À suivre donc !

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