[Lecture] Le ministère du futur

En 2023, j’ai acheté “The ministry for the future” parce qu’il était recommandé partout depuis sa sortie en 2020. Je ne lis pas de SF, mais De Barack Obama à Bill Gates en passant par les gens de Mastodon, ce livre était présenté comme le monument à lire pour comprendre comment on peut sortir de la crise climatique actuelle. Alors j'ai commandé le livre de seconde main sur Momox pour ma pile à lire de l'été. Et j'ai commencé par lui parce qu'on ne va pas se priver de bonnes nouvelles !

Pourquoi parler de ce livre ici ?

J'en avais fait un article sur mon blog pro, mais en fait je ne pense pas que c'était vraiment sa place. Du coup je l'ai enlevé de là-bas maintenant que j'ai ce petit blog ici. Une autre raison, c'est que ce livre a maintenant été publié en français, et que donc c'est un cadeau possible pour ce Noël 😉.

Le résumé

The ministry for the future est écrit par Kim Stanley Robinson, un vrai écrivain de science-fiction. C’est donc un livre travaillé – en anglais, avec un vocabulaire littéraire que je ne maîtrisais pas tout le temps 😬.

Ce livre est construit en deux parties : d'abord une introduction qui joue sur les émotions, et ensuite un récit pédagogique.

1. Le registre de l'émotion

Pour que l’histoire puisse bien se terminer, elle doit mal commencer.

Et c’est le cas. Le livre démarre en 2025, au cœur de la pire vague de chaleur que connaîtra l’Inde. Cette partie du récit est extrêmement bien racontée. On a chaud, on a peur, on est en colère 😡.

Le pouvoir de la narration et des émotions est bluffant. J’ai beaucoup lu sur le climat, je sais que des vagues de chaleur de plus en plus horribles vont se succéder. Et pourtant ce livre a réussi à percer la carapace que j’avais construite pour pouvoir travailler sur ces sujets sans avoir trop d’angoisses ou de colère.

2. Le récit pédagogique

La suite du livre est beaucoup moins violente, ouf.

Chapitre après chapitre, l’auteur peint par petites touches l’évolution du monde à la suite de cette vague de chaleur. On découvre un plan de sortie du monde capitaliste carboné qui s’appuie sur la finance, le légal, mais aussi sur des éco-terroristes qu’on ne pourra pas éviter.

L’auteur fait se succéder plusieurs types de chapitres très différents :

En fait, dans cette deuxième partie du livre, j’ai un peu eu l’impression d’être dans une sorte de « monde de Sophie » de la lutte contre le réchauffement climatique. Le propos est assez didactique, avec des petits chapitres quasiment encyclopédiques qui expliquent de la finance ou de la technologie.

L’auteur connait bien son sujet, et donc les solutions proposées sont plausibles, ce qui donne quand même espoir 😁! J’ai aimé découvrir certaines solutions, et mieux comprendre le rôle que pourraient jouer certains pays comme l’Inde.

Et comme annoncé, le livre termine plutôt bien 😎.

La décroissance et la séquestration de carbone ont permis enfin d’infléchir les émissions de CO2. La biodiversité va beaucoup mieux, il reste évidemment encore plein de chantiers à résoudre, comme par exemple la place des femmes dans de nombreuses sociétés. Notre anti-héroïne chargée de représenter les générations du futur peut donc prendre sa retraite et vivre une vie de petite vieille heureuse et amoureuse.

Ce que j'en retiens

Un roman pédagogique

C’est souvent le problème des livres ou des films qui ont été encensés avant qu’on ne les découvre : on est souvent déçu·e. Et bien que je ne regrette aucunement d’avoir lu ce livre, et que je le conseillerai à certaines personnes de mon entourage, j’ai quand même été un peu déçue. Une fois que la situation catastrophique du monde en 2025 est posée, l’histoire devient moins dense, moins intense. Pour moi, c'était moins intéressant.

Il me semble que the ministry for the future se place dans la lignée du «&nbspMonde de Sophie&nbsp» ou bien du «&nbspThéorème du Perroquet&nbsp» (que j'avais ADORÉS adoe). Dans ces ouvrages l’auteur écrit une histoire dans le but de partager et de vulgariser toutes ses connaissances sur un sujet. C'est un format à la mode aujourd'hui, mais surtout en BD comme avec le monde sans fin de Jancovici.

Mais moi, j’aurais préféré avoir d'un côté une version raccourcie de l’histoire, et dans un autre livre un essai sur comment sortir du tout pétrole. Je n’aime pas trop ce mélange des genres qui dilue l’information. Mais si on aime ce style, qui est très à la mode, alors le livre est très bon.

Plutôt Times que The New Yorker

Mon deuxième reproche est que l’auteur aborde la transition écologique quasiment uniquement par les pages économiques, sciences et politique internationale du Monde. Rien des pages société ou des blogs.

J’ai eu l’impression d’un livre écrit pour un boys club d’ingénieurs éclairés discutant politique internationale autour d’un whisky tourbé. J’ai mis du temps à mettre le doigt sur ce qui me manquait, mais je crois que j'ai trouvé :

On ne voit rien de l’évolution de la vie des personnes, de la société. L’agentivité est uniquement au niveau des organisations, rien au niveau des individus.

En fait, au travers de la vie des quelques personnages que l’on suit, le monde ne semble pas changer. On a juste quelques bribes de l'évolution de la vie des gens : Mary (à la tête du ministère du futur) prend l’avion au début du livre, puis le bateau, et enfin le dirigeable.

À quoi ça ressemble de vivre avec une empreinte carbone compatible avec l’endiguement du réchauffement climatique ? Aucune idée.

On sait juste qu’au niveau macro ce monde sera plus juste, il y aura plus d’animaux sauvages, et chacun aura un travail.

Et moi dans tout ça ?

Ensuite, mon autre déception, c’est que rien de ce que font les personnes lambda, à part les éco-terroristes, ne semble avoir d’impact. Tout se joue dans les cénacles des puissants : les financiers, les politiques, et les juristes. Alors peut-être que c’est vrai. Peut-être que c’est même quelque chose de défendu par l’auteur, je ne sais pas. Mais c’est un peu décevant 😔.

Qui devrait lire The ministry for the future / Le ministère du futur ?

Je trouve que ce livre est important et utile, sinon je n’aurais probablement pas déjà écrit 900 mots pour en parler ici !

Alors premier critère pour lire ce livre : il faut être à l’aise pour lire l’anglais. Je lis quotidiennement en anglais, mais des articles scientifiques, des essais, et des tweets. Mais je n’ai pas trouvé la lecture facile pour autant. Un peu à cause du vocabulaire, un peu à cause du style – et ses nombreuses phrases sans verbe ; il paraît que ça s’appelle des « fragment sentences » en anglais – et beaucoup pour la construction moderniste du livre qui me perd au début de chaque nouveau chapitre. EDIT : maintenant qu'il y a une version française, ça n'est plus une excuse 😉.

Deuxième critère : il faut être intéressé par les enjeux macro au moins autant, si ce n’est plus, que pour les histoires de société. Il faut être plutôt lecteur du Times que lectrice du New Yorker pour caricaturer un peu. Il faut avoir envie de passer du temps avec des questions de blockchain, de géoingénierie et de banque centrale, plus que dans le quotidien et le vécu des personnes.

Et enfin, la question que je me pose, c’est de savoir si pour apprécier ce livre, comme le disent certains critiques, il faut être déjà ouvert aux questions de limites planétaires et de décroissance, ou pas.

J'ai un peu offert ce livre autour de moi, tout le monde a souffert pendant le récit de la canicule, mais je ne sais pas si ce livre a ensuite eu un impact, en faisant peur ou en donnant de l'espoir.

De mon côté, je crois que l'impact principal c'est que je me suis dit que si je devais conseiller à quelqu'un des études pour aider le climat, je conseillerai des études de droit plutôt que de sciences aujourd'hui... Et peut être aussi d'informatique pour apprendre à saboter notre monde actuel...