Fils et Mailles

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Les pods dans ses oreilles, elle plonge dans un univers de visages et de mots, un maillage sans fin. Chaque photo, chaque statut, chaque story est un fil qu’elle pourrait tirer.

Qu’est-ce qu’on montre vraiment ? Et qu’est-ce qu’on cache derrière les filtres, les angles, les lumières parfaites ? Si l’on retirait la brillance, la mise en scène, que resterait-il ?

Elle clique, fait défiler, et rencontre des gens qu’elle ne touchera jamais. Des inconnus, mais qui, pour un instant, deviennent proches. Leurs rires, leurs idées, leurs silences, capturés dans un carré lumineux, tissent un lien invisible. Peut-on sentir la chaleur d’une rencontre qui n’a jamais eu lieu ?

Et puis il y a ces souvenirs partagés, repostés, archivés… des fragments de passé qu’on regarde avec un sourire ou une légère nostalgie. Est-ce pour soi qu’on les garde, ou pour les autres ?

Elle ferme les yeux une seconde. Le monde est loin, mais ces fils qu’elle n’a jamais touchés semblent danser autour d’elle, doux et fragiles. Elle se demande : si elle tirait sur l’un d’eux, quel monde secret se révélerait ?

Elle ouvre de nouveau l’écran, tire un fil au hasard… et sourit. Une connexion, éphémère mais réelle, lui rappelle que même invisibles, certains fils ont le pouvoir de surprendre, de rapprocher, de faire réfléchir.

Et soudain, un fil rebelle s’emmêle dans ses pods. La musique change, un chat apparaît sur l’écran et lui miaule un “salut” comme si c’était la vraie vie. Elle éclate de rire, parce qu’au fond, ces fils invisibles sont parfois aussi absurdes qu’ils sont doux.

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Il la découvre un soir, au détour d’un profil qui ne cherche pas à plaire. Une photo un peu terne, pas de pose calibrée — juste un “je suis comme je suis”. Et bizarrement, c’est exactement ce qui lui plaît.

Ils se rencontrent par la musique. Elle lui balance du métal, du vrai, celui qui cogne dans la cage thoracique comme pour réveiller ce qui dort. Lui qui traverse une période où tout semble englué, il sent quelque chose vibrer. Pas une étincelle amoureuse, non : une fraternité improbable. Une respiration.

Elle lui raconte qu’elle a, elle aussi, navigué dans les eaux sombres. Qu’elle en est ressortie psychanalyste, avec son clin d’œil préféré : in Jung we trust. Ça le fait rire. Ça crée un langage à part. Peut-être un début de mythe personnel.

Mais les fils invisibles, quand ils se tendent trop, finissent parfois par se rompre. Là où il sent une amitié rare — presque une bouée — elle croit percevoir un attachement dont il n’a jamais voulu. Le malentendu grandit doucement, comme une buée sur une vitre. Jusqu’au jour où elle demande : ne plus envoyer de messages. Silence. Rideau. Rien de spectaculaire, juste la fermeture nette d’une porte qui n’a jamais vraiment été ouverte.

Il respecte. Il se tait. Il apprend, à sa manière, à vivre avec ce vide minuscule mais précis. Les morceaux qu’elle lui a partagés, il continue de les écouter. Au début c’est comme un manque, un geste nerveux. Puis, progressivement, il s’éloigne. Pas par rejet : juste parce que les choses vivent leur vie.

Ils sont aux deux extrémités du pays, chacun exilé pour ses propres raisons, mais nés du même département. Une géographie secrète, presque un clin d’œil du destin. Une coïncidence qui aurait pu devenir quelque chose… ou juste une blague de l’univers.

Avec le temps, la musique devient neutre. Ni douleur, ni nostalgie. Juste une trace. Comme un parfum qui s’estompe mais dont il reste une molécule dans l’air, imperceptible et persistante.

Et puis un soir, sans prévenir, une chanson surgit dans la playlist aléatoire. Un de ces groupes qu’elle lui avait fait découvrir. Il lève les yeux, surpris, et il lui semble entendre — juste l’espace d’une seconde — une toute petite voix intérieure murmurer : Tu vois, certains fils ne tiennent plus rien… mais ils continuent de vibrer quand on passe à côté.

Il sourit. Peut-être que c’est ça, le secret : ne pas chercher à renouer, simplement accepter que certaines personnes ne restent pas… mais laissent dans la vie une fréquence supplémentaire. Un souffle. Un ton. Un accord.

Et parfois, ça suffit.

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