3 Mes débuts en pédagogie

Quand je tiens les permanences l’après midi, il m’arrive de répondre à des sollicitations ponctuelles d’usagers. Celles ci sont rarement complexes et comme j’ai déjà une habitue de l’ordinateur je parviens à les résoudre assez rapidement. Cela me permet de gagner en confiance et d’envisager mes premiers ateliers avec moins d’appréhension. Le matin, j'organise des ateliers d'initiation.

L’initiation numérique en 2005

A cette époque moins d’un Français sur deux à accès à Internet à domicile, le smartphone n’a pas encore fait son apparition, l’Ipad encore moins. Facebook est un réseau tout juste naissant. Les ateliers d’initiation à internet ont tout leurs sens. Beaucoup d’usager vont littéralement découvrir Internet et faire leur premiers pas sur le web au sein de l’espace numérique. J’ai reçu de nombreuses demandes de la part de la structure associative dédiée aux seniors. Je ne dispose que de 8 ordinateurs au sein de l’EPN et j’ai une liste de demandes d’une trentaine de noms. Mes recherches sur Internet ne m’ont pas permises de trouver un programme d’un autre EPN en France. Je sais que le plus proche est situé à une centaine de kilomètres du mien. Je vais donc partir de zéro.

Un public à l’écoute.

Les ateliers numériques sont assez troublants au début. Les apprenants ont l’âge de mes parents. Ils sont appliqués, posent des questions et notent parfois minutieusement dans un cahier ce que je peux dire. J’utilise un vidéo projecteur avec lequel je diffuse sur un tableau blanc l’écran de mon ordinateur. C’est ainsi que je montre les manipulations à effectuer au groupe. Je laisse un peu de temps pour reproduire et je passe d’une personne à l’autre pour vérifier, questionner, encourager et féliciter. De loin cela pourrait ressembler à un cours et pourtant je ne me défini pas comme un professeur.

Le premier atelier est un guide d’achat. Je me sers d’un catalogue publicitaire d’une grande surface et j’explique ce que cela veut dire un ordinateur avec 4 Go de RAM et un disque dur de 126 GO équipé d’un processeur Intel. On essaye de voir les différences entre un PC et un portable (lesquels sont encore relativement lourds du reste et n'ont de portable que le nom). On termine avec un point sur les fournisseurs d’accès à Internet. La ville n’est pas encore dégroupée et il s’agit de déterminer si chacun est bien éligible à l’ADSL. Je poursuivais ensuite par un atelier sur l’environnement de travail . Bureau, dossier, souris, fenêtre, les apprenants découvrent tout un nouvel environnement dans lequel ils se sentent un peu gauches. La manipulation de la souris pose souvent des soucis surtout quand elle sort du tapis. Après ce gros bloc d’introduction , je poursuis avec un gros bloc dédié au traitement de texte, puis un autre lié à internet incluant la messagerie et je termine par des éléments de sécurité ainsi qu’un bloc bonus dédié à la photo.

Un ajustement au fil de l’eau.

Je fais les mêmes contenus plusieurs fois par semaine et le premier groupe me sert en quelque sorte d’échantillon et me permet d’ajuster pour le second groupe. L’ensemble se fait dans la bonne humeur et la détente. Très vite je fournis des supports pour limiter la prise de note scolaire de certains. Plus tard je vais même créer des supports vidéos que je vais fixer sur DVD. L’idée était que de mettre le DVD dans le lecteur salon et de reproduire les manipulations sur son ordinateur. Je vais même créer une chaîne Youtube pour déposer ces tutoriels. Mais je n’ai pas le temps de l’alimenter et je la supprime très vite. Les contenus doivent être remis à jour sans cesse, à cause de nouvelles versions ou de nouveaux usages. Je travaillerais aussi avec des clefs USB prêts à l’emploi avec même des exercices . Sur l’organisation des ateliers, j’ai débuté par des ateliers de 3h que j’ai vite ramené à 2h. Sur 3h, je n’arrivas pas à maintenir la concentration. Il fallait faire une grosse pause de 20 minutes pour que mes seniors puissent se remobiliser. Avec deux heures, j’arrive à un bon compromis. En plus cela m’évite de me demander comment je vais meubler certains ateliers comme celui sur la recherche. En 3 heures j’incluais les opérateurs booléens, dont je ne me sers même pas moi-même . L’objectif général des ateliers n’était pas de former des experts mais de permettre une autonomie dans les gestes. L’essentiel dans ma pédagogie reposait sur la lenteur. Je devais dédramatiser, rassurer, répéter et bien sur garder le sourire.

Le mail

Le mail faisait partie des ateliers incontournables du bloc internet, surtout au début. Là encore l’objectif était assez simple . Il s’agissait simplement de parvenir à envoyer un mail ou de répondre à un autre mail. Pour évaluer cet objectif, je demandais simplement qu’on m’envoie un mail. Sauf qu’il fallait que l’usager en possède un. Au début je créais des adresses mail pour chaque usager. Et je me suis posé une question assez simple : sur quel service créer une adresse mail ? 20 ans plus tard cela reste une question délicate à répondre. Pour ma part j’ai choisi Yahoo à l'époque. Tout simplement parce que mon adresse personnelle était hébergée sur Yahoo. Ce n’est certainement pas le même argumentaire que j’utiliserais aujourd’hui. Toujours est il qu’au début je faisais créer des compte mail. Je me suis vite rendu compte que cela prenait un temps fou. La saisie du formulaire de création engendrait beaucoup trop d’erreurs. Alors j’ai créé 9 adresses, une pour chaque ordinateur et une pour l’animateur. Au début je n’apprenais qu’à lire et envoyer des mails. Et puis il a fallu apprendre à distinguer le spam et les différents « hoax » dont celui de la petite Noémie atteinte d’une grave affection et qui attend toujours sa transfusion sanguine à l’hôpital de Nantes. Chacun était choqué de ce procédé mais beaucoup voulaient savoir pourquoi il était utilisé. En plus d’aiguiser l’esprit critique pour déceler les arnaques, les tentatives de Phishing et autres, j’ai donc expliqué ce que ça rapportait aux auteurs de ces messages. Et moi même je me formais en permanence en cherchant des ressources sur internet, en testant des services et parfois en les abandonnant.

Loïc GERVAIS