4 Au-delà des ateliers d’initiation

Je vous parlais dans l’article précédent de mes premiers ateliers. Dans cet article-ci je vais vous présenter ce que je faisais en dehors de ateliers. En effet les ateliers étaient organisés le matin et l’après midi l’espace public était en accès libre pour l’ensemble des usagers. Les gens venaient et moyennant une carte d’abonnement pouvaient utiliser les ordinateurs pour faire ce dont ils avaient besoin ou envie. Pour ma part je les aidais dans des demandes dites de premier niveau. C’est à dire dans des demandes ne nécessitant pas une expertise technique particulière. Souvent j’intervenais pour de la mise en forme de texte en particulier pour des CV. Mais je pouvais être sollicité pour de multiples autres raisons.

Du numérique choisi au numérique subi

Au début des années 2000, le numérique était choisi par les usagers. L’accès à Internet reposait beaucoup sur des sites épanouissants et divertissants. Petit à petit le numérique a été imposé et est devenu imposé aux usagers. Ainsi en 2008 les annonces de Pole Emploi sont entièrement mises en ligne. Pourtant à l’époque , la proportion d’internautes est encore faible, d’autant plus chez les demandeurs d’emplois qui, par définition, ont un pouvoir d’achat restreint. C’est la première d’une longue série d’injustices que le numérique va engendrer pendant 20 ans encore. On oblige celles et ceux qui en sont le moins capables d’avoir recours au numérique sans aucune autre alternative. Mais ce mouvement n’est pas encore un mouvement de fond, et il constitue une exception. Il deviendra une norme une dizaine d’années plus tard.

Des profils variés

Beaucoup d’usagers fréquentent l’espace numérique. Au plus fort de son succès il reçoit 3 000 visites par an, soit 10 % de la population théorique de la ville. Les profils sont très hétéroclites. Les seniors viennent aux ateliers du matin. L’après midi , je vois passer quelques demandeurs d’emploi. Certains vont fréquenter l’Espace Numérique pendant plusieurs années. J’ai « des habitués » qui viennent tous les jours, des jeunes, des mamans, des cadres, des saisonniers ; le lieu est un espace de mixité dans lequel règne une ambiance conviviale, presque familiale. Je peux passer du dépannage d’un fichier excel au paramétrage d’un GPS en quelques secondes. J’accompagne aussi bien pour des billets d’avion que pour des publications Facebook, ou du débeugage d’un ordinateur qui plante sans oublier le toner de l’imprimante qu’il faut changer. Le médiateur numérique est un touche à tout, un vrai généraliste des usages du numérique. Cela ne l’empêche pas d’avoir une ou plusieurs spécialités. Cependant sa pluvalue réside dans sa polyvalence. Paradoxalement cette polyvalence peut être un handicap quand on souhaite changer de métier. Cela ne sera pas sans incidence sur la reconnaissance professionnelle de ce métier, mais j’en reparlerais à un autre moment.

Les Cafés du Web

Il y a toute une grande partie de la population que je ne vois jamais. Alors je mets rapidement en place des « Cafés du Web ». L’idée est relativement simple pendant 1h30 je vais présenter une technologie, une innovation, un usage au plus grand nombre. Ce rendez-vous devient mensuel et petit à petit il devient itinérant. Initialement je l’organisais au sein de mon Espace Public Numérique, puis pour toucher de nouveaux publics je le délocalise dans d’autres lieux comme la médiathèque, la Halte du Manège (la structure associative pour les séniors) ou l’office du tourisme. Pendant plusieurs années, je vais aborder une trentaine de thématiques différentes allant aussi bien de la présentation de Facebook qu’à la consommation collaborative, le logiciel libre, les arnaques en ligne et bien d’autres encore… Avec ce format l’EPN devient un lieu ressource pour le territoire pour toutes les questions liées au numérique. Grâce à une bonne présence en ligne, je parviens aussi à faire intervenir des experts sur leurs thématiques et à les confronter au grand public.

Hors les murs

Et puis surtout j’interviens , hors les murs, le plus souvent sur commande institutionnelle. Situé entre deux lycées , un collège et une école je suis très vite sollicité par ces établissements pour effectuer des séances de sensibilisation aux dangers d’internet. A cette époque on parler surtout de téléchargement illégal et de happy slapping. c‘est comme ça que je me suis intéressé aux pratiques numériques de la jeunesse. Ma formation d’animateur de quartier était encore toute fraîche dans ma tête et c’est peut être pour cela que je me suis d’abord spécialisé dans ce domaine.

Loïc GERVAIS