Chapitre 2 : Le Diplôme Universitaire “Médiation Multimédia et Monitorat d’Internet” à distance
Très vite, après avoir pris mon poste, Je me suis donc inscrit à une formation universitaire à distance, le DU3Mi. Le Diplôme Universitaire “Médiation Multimédia et Monitorat d’Internet”. Animer un Espace Public Numérique, concevoir des contenus, accompagner des publics très différents : tout cela demande bien plus que de la bonne volonté. Et ce qui aurait pu être une surcharge est devenu un levier de transformation.
Le diplôme
« Ce diplôme professionnel prépare les étudiants au rôle d’animateur dans les lieux d'accès public à l’Internet et d'accompagnateur lors de l'introduction des TIC dans les organisations. L’animateur s’adresse à des publics variés de l’élève scolarisé au seniors en passant par les personnes en recherche d’emploi. Ses qualités sont : pédagogie, créativité, écoute, neutralité, indépendance, efficacité, rapidité, transfert de compétences, animation… L’animateur, parfois appelé instructeur conçoit, organise, anime des activités d'apprentissage, enseigne certaines techniques. Il doit avoir une bonne expérience de l'activité, être compétent et donner l'exemple. »
C’est ainsi que l’université de Limoges, qui dispense ce diplôme présente le DU3MI. Le diplôme est financé pour moitié par la Délégation aux Usages de l’Internet à travers son dispositif Netpublic. De manière opérationnelle l’ensemble des cours sont organisés sur un campus virtuel. A l’époque on parle de Formation Ouverte à Distance. Mais cela n’a pas grand-chose à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui.
La FOAD
Dès le départ, mon temps de travail a été aménagé. Le matin, je me consacrais à la formation ; l’après-midi, j’accueillais le public. Cette séparation m’a permis de garder un certain équilibre, même si tout n’était pas parfait : comme je faisais la formation depuis mon lieu de travail, je devais parfois interrompre un module pour assurer un contrôle ou répondre à une urgence. Il faut se remettre dans le contexte : début des années 2000, pas de visio, pas de plateforme unique. On échangeait par mail, forums, fichiers attachés. On devait composer avec les fuseaux horaires. Un membre de notre groupe vivait au Japon, un autre au Togo. Ce dernier n’avait accès à Internet que pendant des horaires très précis. Il a fallu s’organiser pour travailler ensemble. Nous avons découvert le travail collaboratif par la pratique. Le plus souvent nous travaillions de façon asynchrone mais dès que possible on échangeait en ligne sur Mirc. Et pourtant, j’ai découvert une véritable force collective. On était des étudiants dispersés mais reliés par une même envie : transmettre, rendre le numérique accessible. On travaillait souvent en binômes ou en petits groupes et souvent avec les mêmes autres étudiants.. Cette entraide m’a porté. J’étais aussi accompagné par un tuteur à distance, ce qui m’aidait à structurer mes apprentissages. Soyons clairs : la FOAD, ce n’est pas plus facile que la formation en présentiel. C’est même parfois plus dur. Je n’étais pas préparé à cette charge de travail. Certaines semaines, je cumulais jusqu’à 70 heures de travail entre mon poste et la formation. Le plus difficile, ce n’était pas la technique, mais de tenir dans la durée, sans que cela déborde trop sur la vie de famille. J’ai eu la chance d’être soutenu par mes proches. Et j’étais très motivé : j’avais tout à apprendre, je mesurais ce que cette formation pouvait changer pour moi.
De l’intuition à la posture professionnelle
Cette formation ne m’a pas appris des “recettes” toutes faites. Mais elle m’a permis de formaliser ce, de prendre du recul, et surtout, de me relier à une communauté d’acteurs qui se posaient les mêmes questions que moi . Dans l’un des exercices nous devions imaginer notre Espace Public Numérique idéal. Au début des années 2000, nous manquons cruellement de références. Pour l’exercice de style cet EPN était situé à Nice, là où habitait l’un des membre du groupe. C’est un vrai exercice de style d’imaginer un idéal à plusieurs. Il y a deux choses qui m’ont marqué dans cet exercice.
Dès le début nous avions imaginé que notre lieu serait multiple. Il y aurait d’une part un lieu fixe , et d’autre part un dispositif mobile pour aller au plus près des habitants. Un peu dans la logique du marchand de glace, on imaginait un mini bus se déplaçant de village en village. Nous voulions que ce van soit un dispositif ouvert. C’est-à-dire que nous ne souhaitions pas que les gens viennent à l’intérieur du van pour bénéficier des services, mais que le van s’installe sur la place et déploie un abri (pour protéger les machines) et soit avant tout un espace d’échange et de partage.
Le deuxième point que nous avions mis en avant était que les appareils tournent sous Linux. Ce point a suscité beaucoup de débats. Plus sur les contraintes techniques que sur les aspects philosophiques. En 2005, je ne suis pas certain que c’était vraiment possible. Mais qu’importe nous voulions avant tout que nos usagers ne soient pas livrés aux mains de ceux qu’on appellerait plus tard les GAFAM.
20 ans plus tard on peut reconnaître là deux aspects forts de la médiation numérique : la volonté de s’adresser à tous caractérisée par une démarche proactive et la volonté d’une émancipation par le numérique. Deux valeurs de l’éducation populaire qu’on a eu tendance à oublier. Est-ce que les nouveaux professionnels sont aujourd’hui formés à s’adresser à vraiment tous les publics et à sortir des sentiers déjà tracés ? Ont-ils à cœur de mettre l’émancipation individuelle et collective au cœur de leur positionnement. ? Nous en reparlerons assurément dans un prochain article.
De la théorie à la pratique
La formation était virtuelle mais les contenus étaient réels. Apprendre à distance, tout en travaillant, m’a permis de structurer une posture, pas seulement d’acquérir des savoirs. Ce n’était pas évident, ce n’était pas rapide, mais c’était profondément formateur. C’est aussi à ce moment-là que j’ai compris que je voulais être médiateur numérique. Pas juste quelqu’un qui “dépanne” ou “montre comment faire”, mais quelqu’un qui traduit, qui relie, qui donne du sens.
Il me semble important de préciser que je n’ai pas encore, à ce moment-là fixé le terme « médiateur numérique ». Je suis toujours officiellement animateur multimédia. Quoiqu’il en soit si j'ai validé ma formation avec succès il n’empêche que j’ai continué d’apprendre. En particulier quand il a fallu adapter ces apprentissages à mon quotidien.
Loïc GERVAIS