Choses à voir dans la Galerie de paléontologie et d’anatomie comparée à Paris
Ce billet est issu des notes que j’ai prises pour préparer une visite en famille de cette galerie du Muséum d’Histoire naturelle, au jardin des Plantes à Paris. Je vous les partage, en espérant qu’elles vous soient utiles quand vous vous rendrez vous-même là-bas.
Rez-de-chaussée : anatomie comparée
Organisation
Les vitrines latérales se visitent dans l’ordre inverse des aiguilles d’une montre : à droite depuis l’entrée, l’« alphabet du squelette », les organes, puis les monstres ; à gauche depuis le fond, les squelettes des Poissons aux Mammifères.
Au centre, le troupeau central en deux blocs : près de l’entrée les Mammifères et quelque vitrines dédiées à des groupes taxonomiques (Primates, Marsupiaux, Oiseaux, Reptiles…), au fond le Cétacéum exposant les Cétacés.
Vue panoramique de la Galerie d’anatomie comparée, avec à gauche le Cétacéum et à droite le troupeau central des Mammifères. Plindenbaum, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
Holotypes
Les holotypes sont le type original, le spécimen utilisé par l’auteur de la publication dans laquelle est décrite l’espèce. Il en existe plusieurs dans la galerie :
- Baleine franche australe Eubalaena australis (A. Desmoulins, 1822)
- Baleine à bosse Megaptera novaeangliae (Borowski, 1781)
- Baleine à bec d’Arnoux Berardius arnuxii Duvernoy, 1851 — Louis Arnoux était le chirurgien de marine de la corvette Le Rhin qui ramena le crâne de Nouvelle-Zélande ; le nom de genre vient du capitaine de cette même corvette, Auguste Bérard.
- Échidné à long nez Zaglossus bruijni (Peters et Doria, 1876)
Spécimens historiques
Le Géant de Louis XIII est un os maintenant reconnu comme étant d’une girafe, montré au roi et actuellement le plus ancien os conservé dans la Galerie d’Anatomie comparée. À ne pas confondre avec Theutobochus, autre géant présenté à Louis XIII en 1613, aujourd’hui identifié comme un Deinotherium et dont il ne reste presque plus rien.
L’Éléphante de Louis XIV fut le seul Éléphant d’Afrique en Europe entre 1483 et 1862. Cadeau du roi du Portugal en 1668, elle venait du Congo et fut installée à la ménagerie royale de Versailles, où elle mourut en 1681. En 2013, un voleur utilisa une tronçonneuse pour emporter une de ses défenses, installées au XIXe siècle, et fut arrêté à proximité du Muséum. Elle est le type utilisé par Cuvier en 1825 pour Loxodonta africana.
Le Rhinocéros de Louis XV est un Rhinocéros indien probablement né vers 1769 dans le Bengale, et offert en 1770 par Jean-Baptiste Chevalier, directeur du comptoir de Chandernagor, à Louis XV. Il fait le trajet à bord du Duc de Praslin vers l’Île Maurice puis Lorient, puis est transporté par chariot via Laval et Alençon jusqu’à la ménagerie royale du château de Versailles. Il est étudié par Buffon et exposé au public tout au long de sa vie. Il meurt en 1793 ou 1794, alors qu’il est prévu qu’il soit transféré à la toute nouvelle ménagerie du jardin des Plantes. Il est disséqué, et son squelette est exposé dans la Galerie d’anatomie comparée alors que sa peau est naturalisée dans la Grande Galerie de l’évolution.
Le squelette du Rhinocéros de Louis XV. Uploadalt, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
J’ignore comment les deux squelettes de l’Orang-outang et de la Girafe du Stathouder de Hollande sont arrivés en France et quand, mais ils viennent probablement de la ménagerie du dernier Stathouder des Provinces-Unies, Guillaume V d’Orange-Nassau, qui a abrité notamment deux Éléphants d’Asie, Hans et Parki. Guillaume V a fui les armées françaises révolutionnaires en 1795 vers l’Angleterre, un Orang-outang et une Girafe ont alors pu être pris comme butin de guerre, à l’instar du couple d’éléphants et du « Grand Animal de Maastricht » visible au 1er étage — mais cette histoire n’est que mon hypothèse. L’Orang-outang est connu dès le XVIIe siècle par les colons hollandais, et le naturaliste hollandais Petrus Camper, qui a travaillé sur d’autres animaux de la ménagerie du Stathouder, décrit l’espèce en 1779, la distinguant du Chimpanzé. Quant à la girafe, il est certain qu’elle n’arriva pas vivante en France, et qu’elle ne le fut probablement pas en Hollande non plus : les premières en Europe depuis la girafe des Médicis à la fin du XVe siècle, furent les trois offertes par Méhémet Ali, 30 ans après la fuite de Guillaume V — dont Zarafa dont il est question plus loin.
L’Ibis de Geoffroy Saint-Hilaire est un Ibis sacré reconstitué à partir de momies ramenées d’Égypte en 1801 par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, à l’issue de la Campagne d’Égypte napoléonienne. Vieux d’au moins deux millénaires, et pourtant identique aux oiseaux modernes, il a permis à Georges Cuvier de mieux définir l’espèce (en la distinguant des cigognes) et surtout servi d’argument dans le débat naissant sur l’évolution des espèces — en faveur du fixisme — entre Cuvier et Jean-Baptiste de Lamarck, auteur de la première véritable théorie de l’évolution. Étant le premier à tester cette théorie par ses mesures, Cuvier l’emporta — et eut l’indélicatesse de le rappeler dans son oraison funèbre de Lamarck. Même si Cuvier eut ensuite le « Grand Débat » avec Saint-Hilaire (lui-même soutien des idées de Lamarck) pour savoir si les organismes étaient le résultat des lois naturelles ou de la volonté divine, et que le transformisme de Lamarck continua à faire des adeptes, il fallut attendre Charles Darwin en 1859 pour que l’évolution devienne enfin une théorie majeure des sciences naturelles.
La momie de l’Ibis de Geoffroy Saint-Hilaire. D’après Smith, J. E. H. (2018). The Ibis and the Crocodile: Napoleon’s Egyptian Campaign and Evolutionary Theory in France, 1801–1835. Republic of Letters, 6(1). CC BY-NC-SA 4.0.
La Philosophie zoologique de Lamarck — publiée un demi-siècle avant De l’Origine des espèces de Darwin — comprend les idées suivantes : les espèces changent au cours de l'évolution ; l'évolution est lente et imperceptible ; l'évolution se produit par adaptation à l'environnement ; elle progresse généralement du simple au complexe, bien que dans quelques cas, elle procède en sens inverse ; et les espèces sont apparentées les unes aux autres par une descendance commune. En outre, la théorie de Lamarck intégrait le fait que le monde est ancien et proposait que la vie soit le résultat de l’abiogenèse, c'est-à-dire que l’origine de la vie dérive de la matière inanimée. — D’après Curtis C, Millar CD, Lambert DM (2018) The Sacred Ibis debate: The first test of evolution. PLOS Biology 16(9): e2005558.
Le crâne de Zarafa est celui d’une girafe offerte à Charles X par le vice-roi d’Égypte ottomane Méhémet Ali en 1826. Elle voyage à pied de Marseille à Paris où elle arrive en 1827, en compagnie d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire. Elle est installée à la ménagerie du Jardin des Plantes, où elle meurt en 1845. Dans ses premières années en France, elle a déclenché une véritable « girafomania », avec des objets, des fictions, des images, des caricatures et même des effets de mode à son effigie. C’est seulement en 1985 qu’elle reçoit le nom sous lequel elle est connue aujourd’hui. Ce crâne est tout ce qu’il reste du squelette détruit dans les bombardements à Caen pendant la Seconde Guerre mondiale, la peau a été naturalisée et est conservée au Muséum de la Rochelle.
Edit du 16 décembre 2024 — Durant la visite, pas moyen de voir ce fichu crâne. J’ai pu le rater, mais je n'ai trouvé de crâne isolé de girafe ni dans le troupeau central, ni dans les vitrines latérales. Donc pour ceux qui se demanderaient où j’ai eu cette information, elle vient de cet article, disponible sur le portail Persée :
Rigoulet Jacques. Histoire de Zarafa, la girafe de Charles X. In: Bulletin de l'Académie Vétérinaire de France tome 165 n°2, 2012. Séance thématique: Le bon usage des antibiotiques. pp. 169-176. DOI : 10.4267/2042/48205.
Edit du 9 janvier 2025 — J’ai eu l’information grâce à Julien Barbier pendant un live de Simplex Paleo : il est dans les trophées accrochés au mur sur le côté droit de la galerie, il s’agit du crâne scalpé et sans mandibule.
Espèces disparues ou rares
Le Cerf du père David est une espèce disparue à l’état sauvage, quasiment depuis l’époque de la Chine impériale. Il a été découvert — pour les Occidentaux — par le missionnaire et naturaliste Armand David (également découvreur du Panda géant) en 1865, lorsqu’il regarda par-dessus le mur d’enceinte du parc impérial de chasse de Nanhaizi, au sud de Pékin. Il récupère plus tard des peaux et des animaux vivants qu’il envoie en Europe. Ce troupeau européen assure la pérennité de l’espèce car le troupeau chinois est décimé par une inondation en 1895 et exterminé par les Japonais et les Occidentaux lors de la guerre des Boxers en 1900, et le dernier animal sauvage est abattu en 1939. Aujourd’hui, il y aurait au moins 9 000 animaux rien qu’en Chine, mais il faut encore vérifier la viabilité génétique de l’espèce qui ne descend que de 18 reproducteurs.
La Rhytine de steller était un Dugong avec deux particularités : elle vivait en eaux froides (la mer de Béring) et non tropicales comme ses cousins, et elle était le plus grand Sirénien connu, avec 8 m de long pour 11 t. Découverte en 1741 par Georg William Steller, l’espèce a été chassée pour sa viande et sa graisse, mangée et raffinée en huile. L’animal étant sans agressivité ni méfiance, avec une gestation très longue, la population est passée de 2 000 individus à aucun dès 1768. Si la Rhytine de Steller est un symbole de la chasse jusqu’à l’extinction, elle était déjà en voie de disparition naturelle.
Squelette de la Rhytine de Steller. FunkMonk, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
Le Quagga était une sous-espèce du Zèbre de Burchell vivant en Afrique du Sud, dont il se distinguait par sa robe : son fond était beige, et les rayures présentes uniquement sur l’encolure et l’avant du corps. L’espèce fut exterminée par la chasse par les Boers, le dernier animal sauvage étant abattu en 1878 et le dernier mourant au zoo d’Amsterdam en 1883. Le spécimen conservé au Muséum est un étalon offert à Louis XVI en 1784, et transféré avec succès au jardin des Plantes où il mourut en 1798. Comme le Rhinocéros de Louis XV, son squelette est dans la Galerie d’anatomie et sa peau est naturalisée dans la Grande Galerie de l’Évolution.
L’Hémippe ou Onagre de Syrie est un autre Équidé éteint, le plus petit de la faune moderne avec 1 m au garrot. Cet onagre vivait dans les régions arides du Moyen-Orient où il était présent en grands troupeaux, avant de se raréfier en raison de la chasse à partir du XVIIIe siècle, et a également subi les combats de la Première Guerre mondiale. Il a disparu à l’état sauvage comme dans les zoos en 1927. D’autres espèces d’onagres ont été réintroduites dans la région pour le remplacer.
Le Thylacine ou Tigre de Tasmanie est un carnassier marsupial proche du Diable de Tasmanie, éteint en 1936. Avec l’introduction du Dingo par l’Homme pendant l’Holocène, il avait déjà disparu de Nouvelle-Guinée et d’Australie pour ne plus subsister qu’en Tasmanie. Considéré comme un nuisible par les colons, il a été chassé avec primes d’abattage jusqu’en 1930. Le dernier capturé l’a été en 1933, et l’espèce proposée à la protection le 10 juillet 1936. Le 7 septembre, le dernier Thylacine meurt au zoo d’Hobbart des négligences de son gardien.
Squelette de Thylacine. FunkMonk, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
L’Okapi est un cousin des girafes, vivant dans les forêts de la République Démocratique du Congo. Il a été découvert en 1901 par Henri Johnston, même si des explorateurs ont vu des peaux ou des animaux vivants dès les années 1870. C’est un animal discret et solitaire, menacé par la réduction de son habitat et les guérillas.
Le Narval est indirectement connu en Occident depuis le Moyen-Âge, sa « corne » étant vendue comme celle d’une licorne, réputée pour neutraliser les poisons. C’est finalement en 1704 que le Narval est reconnu, et nommé par Linné en 1758 Monodon monoceros. Cette fameuse corne est en fait une canine, poussant chez le mâle, plus rarement chez la femelle, en spirale avec la pulpe à l’extérieur, ce qui en ferait un organe sensoriel plus qu’une arme. Il est actuellement chassé par les peuples autochtones, mais il souffre surtout de la dégradation de son environnement : réchauffement climatique, pollution, bruit des navires…
Le Cœlacanthe est une célèbre espèce relique, découvert vivant alors que son groupe n’était connu que par des fossiles datant au plus récent du Crétacé. Il est retrouvé en 1938 par Marjorie Cortenay-Latimer au milieu de requins capturés au large de l’Afrique du Sud par un pêcheur, et identifié par James Leonard Brierley Smith, qui le nomme Latimeria chalumnae. Depuis, d’autres individus ont été capturés au cap de Bonne-Espérance et dans le canal du Mozambique, au point que cette pratique dut être arrêtée pour épargner la population, et une autre espèce, L. menadoensis, a depuis été découverte en Indonésie en 1998. Le Cœlacanthe est remarquable car il est le seul Actinistien vivant, et le seul Sarcoptérygien avec les Riphidistiens (Dipneustes et Tétrapodes). Ses nageoires charnues préfigurent l’évolution des nageoires en pattes, même si les Actinistiens ne sont pas les ancêtres des Tétrapodes.
Le Rorqual commun est le deuxième plus grand Mammifère du monde après la Baleine bleue, avec 70 t pour 25 m. Je n’ai pas retrouvé d’information sur l’origine de ce squelette, mais il n’est probablement pas celui qui a donné son nom au « bâtiment de la Baleine », situé de l’autre côté du jardin des Plantes. Après avoir été chassé de façon industrielle jusqu’au moratoire de 1982, il reste capturé aujourd’hui même si les prises sont rares : le Japon a tué le 11 septembre 2024, le premier spécimen depuis 1976 — ce qui n’empêche pas des prises par d’autres pays, notamment l’Islande. L’espèce est protégée, classée comme vulnérable par l’UICN avec 100 000 individus en 2018, tout en étant la baleine la plus fréquente de Méditerranée. Outre la chasse, il reste menacé par la pollution chimique et sonore, et les collisions avec les navires.
Vue d’ensemble du Cétacéum, avec entre autres les squelettes du Rorqual commun (centre), de la Baleine franche australe (au fond à gauche) et le crâne de la Baleine à bec d’Arnoux (au premier plan à droite, partiellement dissimulé par le Grand Cachalot). Pannini, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons.
Étages : paléontologie
Organisation
La galerie de paléontologie comprend deux niveaux. Le 1er étage présente les Vertébrés. Le troupeau central montre leur évolution, avec le Paléozoïque près de l’entrée et l’Holocène au fond. Parmi les vitrines latérales, les premières à droite détaillent également l’évolution quand les autres regroupent les fossiles par groupe taxonomique et par gisement fossilifère.
Le 2e étage présente les invertébrés. On y entre par la salle d’Orbigny, qui comprend les fossiles d’invertébrés du Bassin parisien. Puis sur le balcon, on retrouve sur la cloison à droite les premiers organismes, sur celle de gauche la fossilisation, au mur du fond la paléobotanique. Le reste du balcon présente les groupes taxonomiques. À noter la copie d’une des fresques rupestres de Lascaux, le panneau de la Licorne de la salle des Taureaux.
Vue d’ensemble de la galerie de la paléontologie, depuis le balcon vers la salle d’Orbigny, avec le Diplodocus de Carnegie au premier plan. Pannini, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons.
Fossiles historiques
Le Diplodocus de Carnegie est le moulage en plâtre d’un spécimen composite reconstitué après la découverte en 1898 d’ossements de Diplodocus carnegii, de pattes de Camarasaurus et de crâne de Galeamopus — on ne connaît actuellement aucun crâne de Diplodocus. Acheté par le magnat de l’acier Andrew Carnegie et surnommé Dippy, le spécimen est exposé au Muséum d’Histoire naturelle du Carnegie Institute, à Pittsburgh. Le premier moulage est demandé par le roi Edward VII du Royaume-Uni pour le British Museum, où il est resté jusqu’en 2017. Dix autres moulages sont faits pour d’autres musées d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Amérique du Sud, Carnegie espérant promouvoir la paix entre nations à travers ce geste. Celui de Paris est arrivé en 1908 et est encore exposé dans la position originale, avec la queue traînante. Diplodocus carnegii atteignait 25 m et vivait aux États-Unis au Kimméridgien (155 à 150 Ma).
Si des restes sont trouvés en Algérie dès 1947, le crâne de Sarcosuchus est découvert à Gadoufaoua (Niger) en 1965 par des géologues du CEA. Le reste du squelette exposé a été retrouvé sur le même site en 1973. Si Sarcosuchus fait partie d’une autre branche des Crocodiliens que ceux modernes, cet animal de 9 à 12 m avait un mode de vie similaire à nos crocodiles et alligators : chasseur embusqué des rivages, ses proies il y a 155 Ma étaient des dinosaures herbivores comme Ouranosaurus — même s’il préférait probablement les jeunes aux adultes.
Montage du squelette de Sarcosuchus. patrick janicek, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons.
L’Archéoptéryx de Berlin est le moulage d’un Archaeopteryx découvert en 1873 et actuellement conservé au Musée d'histoire naturelle de Berlin. C’est le troisième spécimen connu, après celui de Haarlem et surtout celui de Londres qui permit dès 1861 à Darwin d’en faire une forme transitoire et à Huxley de faire l’hypothèse de dinosaures à sang chaud. Celui de Berlin est le plus connu et le plus complet ; il fut d’abord mis en vente comme un Ptérosaure, mais une fois complètement dégagé, il fut proposé à 36 000 marks, et ne put être acquis à 20 000 marks par le Musée de Berlin qu’avec l’aide de l’industriel Werner von Siemens en 1880. Archæopteryx est bel et bien un Oiseau, capable de voler, mais d’une branche voisine de celle menant aux Oiseaux modernes. Il a vécu en Allemagne de 155 à 150 Ma.
Le spécimen de Berlin original. H. Raab, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
L’Iguanodon de Bernissart est un moulage d’un des 43 Iguanodon retrouvés en 1878 dans la mine belge de charbon de Bernissart, et dont plusieurs squelettes sont exposés à Bruxelles. Connu depuis 1824, cette découverte redessina ce dinosaure de gros lézard à corne en kangourou à écailles. Plusieurs de ces animaux sont reconstitués ainsi par Louis de Pauw d’après ce qu’on savait alors de Hadrosaurus. On sait maintenant qu’Iguanodon était plutôt un quadrupède, vivant en troupeaux en Europe et en Amérique du Nord au Crétacé inférieur.
Squelette de l’Iguanodon, vu depuis le balcon. LadyofHats, domaine public, via Wikimedia Commons.
Le Grand Animal de Maastricht est le deuxième crâne connu de Mosasaurus, découvert comme le premier à Maastricht, aux Pays-Bas, en 1780. Il est identifié comme un crocodile, puis par Petrus Camper (celui des animaux du Stathouder de Hollande) comme une baleine et emporté comme tel par les armées révolutionnaires françaises en 1794. En 1800, Adriaan Gilles Camper, fils de Petrus, l’identifie comme proche des Varans. Cela est confirmé par Cuvier — il fait en effet partie des Squamates, mais sa place est encore débattue — qui tire de cet animal sans équivalent moderne la preuve que les espèces n’ont pas toujours été les mêmes au fil du temps et l’explique par la théorie du catastrophisme, qui s’oppose au transformisme de Lamarck. Mosasaurus vivait dans l’océan Atlantique du Maastrichtien, à la toute fin du Crétacé. C’était un prédateur pouvant atteindre 12 m de long.
Le Grand Animal de Maastricht dans sa vitrine. FunkMonk, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
Le Tricératops de Sternberg est un crâne retrouvé en 1910 par le chasseur de fossiles Charles Sternberg. Sternberg fut un acteur et un témoin de plusieurs épisodes célèbres de la paléontologie, notamment de la « guerre des os » (1877-1892) entre Othniell Charles Marsh et Edward Drinker Cope, qu’il soutient. Cette querelle vit les deux paléontologues américains se disputer des découvertes, se voler voire détruire des os, afin de discréditer et ruiner l’autre. Plus tard en 1908, ce sont Charles Sternberg et ses trois enfants qui découvrirent la première momie de dinosaure, un Edmontosaurus.
La Sarigue de Cuvier a été retrouvée en 1804 à Montmartre. Ce petit marsupial vieux de 30 Ma va servir à Georges Cuvier pour vérifier la corrélation des parties : chaque os est corrélé aux autres os du squelette, permettant de reconstituer l’apparence générale de l’animal complet à partir de quelques os voire d’un seul morceau. Lors de la découverte de la tête, Cuvier remarqua la ressemblance avec celles des Opossums modernes, et prédit que le reste du squelette ressemblerait à celui d’un Opossum ou tout du moins correspondrait à celui d’un Marsupial (notamment les os épipubiens). Il valida ainsi l’intérêt de l’anatomie comparée.
Vitrine de la Sarigue de Cuvier. Kintaro, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.
Le Chalicothère et le Mastodonte de Sansan sont issus du site miocène du même nom, dans le Gers. Découvert en 1834, ce site est fouillé systématiquement dès 1847, acheté par le Muséum en 1848, et a fourni ces squelettes du Mastodonte Archaeobelodon en 1851, le premier reconstitué en Europe, et du Chalicothère Anisodon en 1890 — même si l’étiquette dit encore Macrotherium sansaniense. Le site a été épuisé en 1999 et abrite maintenant un sentier paléontologique ouvert au public.
Le Chalicothère de Sansan, conservé dans sa matrice. Ghedoghedo, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
Le Mammouth de Durfort est un Mammouth méridional déterré de 1869 à 1873 dans le Gard. Largement complet, certains os sont en plâtre (comme le crâne) ou en bois (quelques côtes). Il est d’abord exposé dans la Rotonde de la ménagerie du Jardin des plantes, puis dans le bâtiment de la Baleine, et enfin à son emplacement actuel en 1898. Il est restauré en 2022 et 2023, avec ses pieds d’origine et sa position et son anatomie corrigées — le crâne, bien qu’incorrect, est laissé tel quel. Mammuthus meridionalis a vécu en Eurasie au Pléistocène. Celui de Paris date d’il y a 1,5 Ma, et était un juvénile : les adultes auraient pu atteindre les 5 m au garrot, faisant d’eux les plus grands Proboscidiens connus.
Le Mammouth de Durfort, avant restauration. Le Mammouth de Lyakhov est visible en arrière-plan. Shadowgate from Novara, ITALY, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons.
Le Mammouth de Lyakhov est un Mammouth laineux retrouvé en 1908 et offert au Muséum par le comte Stenbock-Fermor en 1912. C’est le seul squelette authentique de Mammouth laineux hors de Russie en raison d’une interdiction d’exporter de tels restes décrétée quelques années plus tard. Ce jeune adulte a été retrouvé momifié, avec la tête et les extrémités des quatre membres encore recouvertes de chair et de toison. Le squelette est monté entre les années 1940 et la fin des années 1950. Il est alors placé dans le hall d’entrée de la Galerie au rez-de-chaussée et arrive à sa place actuelle en 1998. C’est cette espèce qui est représentée en statue devant la Galerie.
La salle d’Orbigny regroupe la collection de fossiles d’invertébrés (hors foraminifères) réunie par Alcide Dessalines d’Orbigny (1802-1857), fondateur de la micropaléontologie et de la biostratigraphie. Il se passionne pour les foraminifères puis suit les cours de Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, Brongniart, de Blainville… De 1826 à 1834, il voyage en Amérique du Sud à la suite de Humboldt ou Bonpland, d’où il rapporte de quoi remplir 9 tomes de mémoires et une collection de 9 000 espèces. Il écrira aussi une Paléontologie française et une Paléontologie stratigraphique universelle inachevées, et un Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques. Après sa mort, sa collection paléontologique de 100 000 spécimens arrive au Muséum en 1858, et est exposée dans la salle actuelle à partir de 1898.
Autres fossiles remarquables
Scabambaspis janvieri, en plusieurs exemplaires. Ghedoghedo, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
- Sacabambaspis, Ptéraspidomorphe de l’Ordovicien moyen (env. 460 Ma) d’Amérique du Sud et d’Australie, à l’époque unies dans le continent Gondwana. C’est le plus vieux des Arandaspides, eux-mêmes les premiers Vertébrés ossifiés connus — même si leur squelette interne reste cartilagineux.
- Dunkleosteus, Placoderme (poisson cuirassé) du Dévonien supérieur (372-359 Ma) d’Amérique du Nord, d’Europe et du Maroc. Grand prédateur des eaux côtières dont on ne connaît que la tête ; longtemps médiatisée à 9 m, sa taille a été ré-estimée entre 3 et 4 m en 2023.
- Eryops, Temnospondyle du Carbonifère supérieur et du Permien inférieur (323-273 Ma) d’Amérique du Nord. L’un des plus grands prédateurs de son milieu, vivant à terre mais se nourrissant dans les eaux douces.
- Limnoscelis, Cotylosaurien du Permien inférieur (280 Ma) d’Amérique du Nord. Tétrapode proche des premiers Amniotes, c’était un prédateur terrestre assez lent, tirant sur ses pattes plutôt que poussant.
- Pareiasaurus, Parareptile du Permien d’Afrique du Sud. Cet herbivore massif a été supposé un temps parent des Chéloniens (tortues).
- Lystrosaurus, Dicynodonte du Permien supérieur au Trias moyen (259-247 Ma) d‘Afrique du Sud, d’Inde et d’Antarctique. Connu pour avoir fourni par sa répartition une preuve de la dérive des continents, il a survécu à l’extinction Permien-Trias malgré la disparition des espèces de grande taille.
- Ichtyosaurus, Ichtyosaure du Jurassique inférieur (201-184 Ma) d’Europe. Connu depuis sa découverte par les adelphes Joseph et Mary Anning en 1814, il est un exemple d’évolution convergente avec les dauphins et les grands requins, notamment par son hydrodynamisme et sa viviparité.
- Cryptoclidus, Plésiosaure du Jurassique supérieur (166 à 145 Ma) d’Europe et d’Amérique du Sud. Ses dents fines impliquent soit une alimentation de petits poissons et de calmars, soit une alimentation par filtration.
- Allosaurus, Théropode du Jurassique supérieur (155 à 145 Ma) d’Amérique du Nord et d’Europe. Il fut parmi les premiers grands dinosaures carnivores bien connus du grand public, en même temps que Tyrannosaurus.
- Pteranodon, Ptérodactyle du Crétacé supérieur (85 Ma) d’Amérique du Nord. C'est le fossile suspendu. Cet animal attrapait des poissons en mer avec son bec édenté ; la fonction de sa crête est encore débattue.
- Carnotaurus, Théropode du Crétacé supérieur (env. 70 Ma) d’Argentine. Prédateur comptant sur la rapidité pour rattraper et tuer ses proies, ses cornes n’étaient pas assez solides pour des combats.
- Tarbosaurus, Théropode du Crétacé supérieur (70 à 66 Ma Ma) d’Asie. Il est très semblable à Tyrannosaurus, bien qu’un peu plus petit, au point que les deux genres ont pu être proposés comme synonymes.
- Tyrannosaurus, Théropode du Crétacé supérieur (66 Ma) d’Amérique du Nord. Je ne présente pas, tout le monde connaît. C’est la tête au bout de la queue du Diplodocus de Carnegie.
- Uintatherium, Dinocérate de l’Éocène inférieur à moyen (56 à 37 Ma) d’Amérique du Nord et d’Asie. Les Dinocérates sont les premiers Mammifères de cette taille et les premiers animaux terrestres aussi grands depuis l’extinction des dinosaures non-aviens.
- Cynthiacetus, Cétacé de l’Éocène moyen à supérieur (41 à 34 Ma) des côtes américaines. C’est le plus ancien Cétacé à être entièrement marin.
- Glyptodon, tatou de l’Oligocène au Pléistocène (30 à 0,01 Ma) d’Amérique du Sud. Contrairement au tatous modernes, il était herbivore.
- Titanochelon, Chélonien du Miocène et Pliocène (23 à 2,5 Ma) d’Europe et Anatolie. Tortue terrestre atteignant les 2 m de longueur de carapace, rivalisant avec les tortues géantes modernes.
- Hipparion, Équidé du Miocène au Pliocène (13 à 0,13 Ma) très répandu : Amérique du Nord, Europe, Asie dont Inde, Afrique. Il a pourtant disparu sans descendance, l’ancêtre de Equus étant Dinohippus.
- Megatherium, paresseux terrestre du Pliocène et Pléistocène (5-0,01 Ma) d’Amérique du Sud. Il est représenté appuyé sur une branche ; il était surtout quadrupède, même si on a retrouvé des traces de pas d’un probable Megatherium bipède.
- Smilodon, Félin du Pléistocène d’Amérique du Nord et du Sud. Aussi connu sous le nom de « tigre à dents de sabre », il chassait de grands herbivores — dont Megatherium et le Mammouth laineux.
- Megaloceros, Cervidé d’Europe et d’Asie depuis 0,5 Ma, disparu il y a 7 000 ans. Aussi connu sous le nom de « Grand Cerf d’Irlande » car il a été retrouvé dans les tourbières de cette île.
- Æpyornis, Ratite de l’Holocène de Madagascar. Aussi appelé « Oiseau-éléphant », il a disparu vers l’an 1000, probablement à cause de la chasse ou de maladies apportées par l’Homme. Ses œufs étaient les plus grands du monde, plus grands même que ceux des reptiles du Mésozoïque.
Ce billet par Manutherium est sous licence CC BY 4.0