Hier, une sortie avec quelques membres de ma famille a engendré un échange courtois mais animé sur la société consumériste et la nécessité de changer d'orientation. Si nous étions d'accord sur les constats, l'argument constamment avancé pour défendre l'idée qu’« on ne peut rien y faire » me hérisse. Cet argument consiste à pointer la nature humaine comme la cause de notre incapacité à changer de direction. Or donc, tous ceux qui sont prêts à se contenter de moins pour que chacun puisse vivre décemment ne seraient pas naturels? C’est en réalité une manière commode de masquer sa propre résistance au changement. Il serait plus honnête de reconnaître que le problème relève de l’acquis plutôt que de l’inné. Apparaît dès lors une possibilité embarrassante, celle de pouvoir « y faire quelque chose » à condition de se libérer de l’emprise consumériste qu’exerce la société sur nos esprits.
Les intérêts politiques et financiers étant ce qu'ils sont, et les mass-médias trop dépendants d'eux pour jouer le rôle d'éveilleurs de consciences, j'ai pris mon parti du fait que la société court droit vers son effondrement. J’en vois tous les jours la progression, avec résignation, à peine étonné par la vitesse du processus. Ce qui aurait pu être une opportunité vers une société du mieux-être sera malheureusement source de souffrances et de mort faute d'avoir choisi et préparé sa mutation. Il est maintenant clair que la société ne se remettra en question que bien trop tard, si elle y arrive un jour.
Contre toute attente ma résignation ne touche pas mon moral, peut-être parce qu'ayant entamé le deuil de la société de consommation depuis plusieurs années, je dépasse maintenant le stade de la colère pour atteindre l'acceptation. Celle-ci me pousse à vouloir profiter du bonheur de vivre tant que c'est possible dans un environnement social et écologique qui tient encore debout. Elle me conduit aussi à accepter l'incapacité de mes proches à dépasser le discours bien-pensant du développement durable et à laisser ma déception au vestiaire pour mieux pouvoir leur dire: “Je vous aime”. Qu’ils sachent cependant que mon mode de vie, bien qu’il leur paraisse radical, reste tout-à-fait confortable. Il ne me manque que le sentiment d’être autant à ma place parmi eux que dans d’autres cercles plus engagés que j’ai la chance de fréquenter.