8 mois

Ce matin, cela fait 8 mois que mon amoureux est mort. C'est étrange comme je me suis attachée à cette date, dont je n'oublie aucune occurrence depuis 8 mois, un peu comme un bébé dont on fête les “moisiversaires”. Je crois que c'est lié à cette idée lue ici et là qu'un deuil dure à peu près un an, 12 mois donc, et je fais mon décompte, l'air de rien. C'est d'autant plus stupide que je sais qu'il n'en sera rien, que parfois c'est moins et souvent aussi beaucoup plus. Et que par conséquent rien ne sert de compter, il me suffit de vivre et c'est déjà pas mal.

Il y a donc 8 mois qu'il est mort et cette semaine, j'ai fait une offre pour acheter une maison, qui a été acceptée. Je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'en penserait mon amoureux, de la maison, de l'achat, du fait que je veuille quitter cet appartement où nous avons été si heureux (et moi, si malheureuse depuis qu'il est mort dans la cuisine). Je pense qu'il aurait été terrifié par l'ampleur du projet, qu'il temporiserait au maximum parce que c'est une sacrée dépense. Mais je pense aussi qu'il aurait aimé cette maison, avec ses vieilles pierres, son jardin, sa vue surplombante (il aurait dit “Là, on peut bien être confiné, hein ?”). Je ne peux m'empêcher de me demander s'il m'en voudrait de partir, de tourner une nouvelle page, de construire un nouveau nid.

8 mois après, il est toujours là, dans l'air que je respire, dans les notes de musique du concert d'hier, dans le goût de cette crêpe au chocolat, dans le parfum du lilas, dans mes pensées, tout le temps et même sur le mur du hall de mon collège où les élèves ont graffé cette semaine le titre du journal scolaire dont mon amoureux m'avait soufflé la graphie, pour faire plus moderne.

8 mois après, il est toujours dans mon cœur, dans la forêt de sapins, dans le souvenir de cet amour extraordinaire que nous avons eu la chance de vivre et qui a été si court, putain, c'est pas juste que cela ait été si court.

8 mois après, je pleure toujours sa disparition mais je chéris aussi le souvenir de ce que nous avons eu. Et puis je guette inconsciemment un signe de sa part qui me donnerait sa bénédiction pour les projets que je forme, pour ce que j'ai envie de construire, sans lui désormais. Signe qui peut-être ne viendra jamais, comment, de toute façon ?

Et puis je me dis qu'il n'est plus là pour donner son avis mais qu'il serait sûrement heureux de voir que je me bats et que je suis toujours debout, et qu'il m'a d'ailleurs laissé un peu de bien pour que je poursuive la route sans lui.

Hier, j'ai croisé plusieurs personnes pas vues depuis quelques mois. Toutes m'ont trouvée “rayonnante” (alors que sincèrement, je suis vraiment crevée). Et toutes se sont réjouies que j'aille mieux et que j'aille de l'avant. N'est-ce pas plutôt là le signe que j'attends, la route à suivre ?