Ce qu'on dit
Ce matin, à la question automatique “Ça va ?”, j'ai répondu tout aussi automatiquement “Oui” puis immédiatement après “Non”. Mon interlocuteur est sympa, il sait pour mon amoureux, il était là pour la dispersion des cendres, il s'est tout de suite excusé pour sa question qui est plus une politesse d'usage qu'une vraie question. Et je me suis également excusée pour ma franchise mais bon, j'en ai marre de dire ça va quand ça ne va pas, et encore plus quand ça ne va pas du tout. On a fini par en sourire.
Dans les messages de condoléances reçus de collègues de mon amoureux, deux m'ont fait tiquer et pourtant, je sais que ça partait d'un bon sentiment, authentique et sincère. Elles me disaient en substance être heureuses qu'il ne soit pas mort seul mais avec moi et dans un endroit qu'il aimait. J'avoue ne pas avoir répondu à cet argument en particulier. Oui, bien sûr que c'est peut-être mieux que j'aie été avec lui dans ce moment douloureux plutôt qu'il soit mort tout seul ou dans une chambre impersonnelle d’hôpital mais, pardonnez mon langage, bordel de merde, pour moi, c'est un traumatisme dont il est probable que je ne me remettrai jamais. D'ailleurs, je l'avais un peu évacué les premières semaines mais depuis que j'en ai parlé ici, j'y repense tout le temps et ça me fait un mal de chien (une vraie douleur physique, localisée dans la poitrine).
“Tu verras, ça va être long, un deuil, on peut mettre plusieurs années à s'en remettre”. Je sais. J'ai eu la chance de ne pas encore passer par là mais je sais. C'est gentil de prévenir. Moi, ça ne fait même pas 2 mois et j'ai déjà envie de crever, je n'avais pas tellement besoin qu'on me mettre une échéance. “Le temps va faire son œuvre”, c'est vrai aussi, en tout cas, c'est ce qui est écrit dans les livres. On m'avait aussi dit ça quand mes enfants ont décidé de ne plus me parler quand j'ai quitté leur père et 4 ans plus tard, l'un d'eux n'a toujours pas bougé d'un iota, y compris quand il a appris que je venais de perdre mon compagnon dans des conditions brutales. Alors le temps reste quelque chose dont je me méfie, qu'il va falloir que j'apprivoise.
J'ai la chance d'être entourée de personnes qui ont de bonnes intentions, qui sont sincèrement touchées par mon deuil, qui le partagent aussi parfois et le vivent aussi douloureusement que moi. Je reçois de petits gestes extrêmement touchants, parfois de la part de personnes dont je n'étais pas particulièrement proches ou de gens dont je m'étais éloignée. Je me sens choyée et je leur suis tellement reconnaissante. Mais en même temps, en ce moment où je ne vais vraiment pas bien, je crois que je me sens plus proche de ceux qui ne savent pas quoi dire et donc ne disent rien. Est-ce que c'est une nouvelle phase du deuil ? (c'est une vraie question)