La culpabilité
Je sais, le sujet est à la mode depuis que Mona Chollet a commis un bouquin sur le sujet. Il faudrait probablement que je le lise, même si je sais déjà que je vais me reconnaître dans beaucoup de situations. Je suis quelqu'un qui se sent coupable tout le temps, c'est inscrit dans mon patrimoine génétique. Et ce sentiment de culpabilité est apparu avec la maternité, tiens donc.
Concernant la mort de mon amoureux, la culpabilité a refait surface plusieurs fois. J'en ai déjà parlé mais imaginez si je découvre un jour, à la lecture du rapport d'autopsie, que j'aurais pu faire quelque chose pour qu'il ne meure pas. J'y pense tout le temps. “Et si tu l'avais mis en PLS de l'autre côté ? Et si tu avais entamé le massage cardiaque tout de suite et plus fort ?“
Si je remonte quelques jours avant le décès, lors de notre panne automobile sur la route des vacances qui l'a mis dans un stress incroyable : et si j'avais pris les choses en main ? Et si j'avais été plus rassurante, plus constructive ? (je ne l'ai pas fait parce que d'expérience, quand il est dans cet état, il n'écoute rien et devient agressif).
Je me sens également coupable d'avoir immédiatement fait prévenir son père, qu'il appelait “son connard de père”, auquel il n'avait plus donné signe de vie depuis 13 ans et d'avoir passé des heures aux téléphone avec lui, pour parler de son fils et de ces dernières années dont il avait été tenu éloigné. J'entendais mon amoureux me souffler à l'oreille de laisser tomber, de l'envoyer balader mais moi, ça me faisait du bien de l'évoquer avec son seul parent encore vivant et de combler les blancs de son histoire traumatique. J'ai quand même réussi à imposer les conditions des funérailles parce que j'ai senti que je m'en serais voulu de le faire enterrer dans le caveau familial et heureusement, son père m'a entendue et laissé faire parce qu'il a compris qu'il y avait une véritable histoire d'amour derrière.
Aujourd'hui, je me sens coupable de trier ses vêtements et d'avoir jeté au recyclage ses t-shirts d'il y a 35 ans, troués sous les bras et usés à la corde, coupable de jeter sa collection de “Libé” et une partie de ses archives constituées d'articles découpés de journaux dont je ne sais que faire, lui seul avait la clé et savait pourquoi il les avait gardés.
Coupable de rester dans le même appartement, d'avoir terminé seule la série qu'on avait commencée la veille de sa mort, coupable de sourire parfois, de continuer à préparer le voyage prévu le mois prochain avec mes parents et mes sœurs, coupable de continuer à vivre presque comme avant mais tout est dans le presque.
Coupable d'être vivante alors que lui non (encore que bien souvent, j'ai l'impression d'être morte à l'intérieur de moi)