La valise
Hier, j'ai fini par retirer les portraits de mon amoureux qui étaient dans des cadres à droite à gauche dans mon appartement. Notamment la grande photo de lui qui trônait sur ma table de nuit. Cela faisait un petit moment que je pensais le faire mais j'ai enfin passé le cap de l'action. Je les ai dépoussiérées, caressées, puis j'ai expliqué à mon amoureux – qui me regardait, droit, fier et avec un soupçon de rire au fond des yeux – que je faisais pas cela pour me débarrasser de lui, ni parce que j'avais envie ou besoin de l'oublier mais juste qu'actuellement, le voir tous les matins, tous les soirs, partout, cela ne m'aidait plus à avancer. Cela a été le cas au tout début, quand j'ai fait imprimer ces photos mais c'est terminé. A vrai dire, le voir tous les soirs en me couchant me déchire le cœur...
Alors j'ai rangé toutes ses photos dans la petite valise de souvenirs de lui, avec celle de sa maman (celle qui ne le quittait jamais, elle était au sommet de la Dune du Pyla, 2 jours avant l'AVC qui l'a laissée lourdement handicapée et dont mon amoureux ne s'est jamais vraiment remis non plus). J'en ai profité pour ressortir de la valise le calendrier 2024, celui que je ne n'étais pas parvenue à jeter. Ses illustrations – encadrées – feront sûrement de très chouettes décos dans ma nouvelle maison.
J'ai aussi fait un peu de ménage par le vide dans ses journaux, ceux qui avaient échappé au premier tri. Ce faisant, j'ai retrouvé un carnet de notes préparatoires à ses émissions de radio. Revoir son écriture, relire ses mots m'a bouleversée. Je sais ce que moi, j'ai perdu (un amour extraordinaire, un homme merveilleux) mais soudain m'est apparu le fait que le monde entier a aussi perdu quelqu'un, un passionné de blues, un être hors du commun qui aimait partager, rire, blaguer, discuter, vivre. C'est absolument déchirant de penser à ça.
Un mot me pèse particulièrement, ces jours-ci, c'est le mot “seule”. “Oui, j'achète seule cette maison”, “Oui, je vis seule”, “Oui, je suis seule à assumer les charges du foyer”, “Non, je n'ai pas besoin de tout, cela fera trop pour moi toute seule”.
Je suis seule, je me sens seule, même bien entourée, par ma famille, par mes collègues, mes ami•e•s, ma petite communauté en ligne. Il y a des tas de moments où je n'y pense pas mais surtout des tas d'autres où cette solitude me fait comme un grand trou dans le ventre.
Mais, à bien y réfléchir, je ne sais pas encore si c'est la solitude en tant que telle qui me pèse ou si c'est l'absence de lui qui est toujours insupportable...