La vie au ralenti
Si l'on excepte les tout premiers jours où j'étais sous cloche, chez mes parents, dans un état second d'incrédulité totale par rapport à ce qui venait d'arriver, j'ai repris peu à peu pied dans le monde, mais je suis dans une sorte de ralenti. Un comme dans un film très très lent où il ne se passerait pas grand chose mais où chaque mouvement est décomposé à l'extrême.
Je passe de longs moments à regarder dans le vide, plongée dans mes pensées, sans même en avoir conscience (ce sont mes proches qui m'ont raconté). Et puis c'est reparti, je tiens une conversation “normale”, je ris à une blague ou je m'énerve sur un truc lié à l'actualité ou à la politique, avant de replonger dans cet état second où je ne suis plus là.
Mon cerveau tourne lui aussi au ralenti. J'avais souvent cette impression-là quand mon amoureux était là, parce que le sien carburait à une vitesse bien supérieure au mien (on en riait souvent). Aujourd'hui, je mets plus de temps pour prendre une décision, je fais répéter des choses à mes collègues, à mes élèves, pour être bien sûre de ce que je fais, voire je demande un délai de réflexion, ce qui était rare chez moi auparavant. Je tourne au ralenti comme une convalescente qui n'aurait pas encore retrouvé toutes ses forces.
C'est d'ailleurs ce que je suis, finalement. Un deuil, ça assomme, ça casse, ça tabasse. J'ai eu des jours (notamment ceux après les cérémonies funéraires) où je me suis effondrée physiquement, juste bonne à me rouler en boule dans mon lit et essayer de dormir (sans y parvenir, mais c'est une autre histoire).
Depuis quelques jours, ça va un peu mieux. Le rythme du boulot m'aide à reprendre mes repères, l'énergie que réclament mes élèves aussi. Le plus dur, après une journée difficile, c'est de savoir que mon amoureux ne sera pas là pour me faire un câlin, alors que c'est justement de ça dont j'ai besoin et de rien d'autre. Quelqu'un pour me prendre dans ses bras et me réconforter.
Je me répète comme un mantra “Il ne sera plus jamais là”, “plus jamais là”, “plus ja-mais” pour être certaine de bien intégrer l'idée. Cela finira peut-être par fonctionner, à la longue...