L'amour plus fort que la mort

Dans les premiers messages reçus après l'annonce du décès de mon amoureux, j'ai eu beaucoup de choses sur le fait que l'amour était plus fort que tout, qu'il survivait à la mort et qu'il serait éternel, quoi qu'il arrive. J'avoue avoir tiqué plus d'une fois, jusqu'à l'agacement, voire la colère.

Notre histoire d'amour était encore récente, nous étions (malgré notre âge “canonique”) un jeune couple, encore dans les émois des débuts, dans les frissons de l'amour toujours, dans les promesses d'une vie ensemble qui ne faisait que démarrer. Cet amour, nous nous le disions tous les jours, plusieurs fois par jour, nous nous le montrions tout le temps, les gens qui nous voyaient ensemble nous en parlaient.

Cet amour, nous l'avons construit dans l'adversité. Lui divorcé et blessé, moi piégée dans un mariage qui ne m'apportait plus d'amour. Nous nous sommes rencontrés par hasard sur les internets et vraiment, cette rencontre relève du miracle (lui, pas geek pour un sou et d'une méfiance absolue envers les réseaux sociaux). Et pourtant, l'alchimie a pris. En quelques semaines, nous nous sommes rendus compte que ce qui était né là, par messages interposés, c'était de l'amour. Pas une historiette à la con, pas juste un crush, non, un truc fou et d'une immensité vertigineuse. C'était comme si nous nous connaissions depuis des dizaines d'années.

Mais l'adversité n'était pas terminée : par un coup du sort incroyable, notre première rencontre en chair et en os aurait dû avoir lieu le 19 mars 2020. “Nous sommes en guerre”, interdiction de sortir de chez soi, de se déplacer, la pandémie a confiné chez elle la moitié de l'humanité... Et nous, chacun chez soi, à 450 km de distance. Les appels en cachette, les photos échangées, les visios finalement, parce que nous en avions besoin. L'histoire a pris un tour inattendu et a finalement donné une profondeur à cet amour, qu'il n'aurait sans doute pas atteint sans ça. Notre première rencontre en juillet a été d'une beauté absolue et a scellé l'histoire, définitivement.

J'ai quitté mon mari, il a quitté son boulot pour venir me rejoindre et voilà, nous vivions enfin l'amour fou. Chaque moment de la journée était preuve d'amour, même les jours de tensions. Chaque journée commençait dans les rires et les baisers, chaque soirée se terminait dans la promesse du lendemain et de l'avenir, du plus tard, du quand on sera vieux.

Alors quand il est tombé et qu'on m'a annoncé qu'il était mort, j'ai eu du mal, pardonnez-moi, à croire à l'amour par-delà la mort. Comment je pouvais aimer quelqu'un qui n'est plus là, qui ne sera plus jamais là, quelqu'un que je ne pourrai plus serrer dans mes bras, que je ne pourrai plus embrasser, caresser. Non vraiment, c'étaient des conneries, ces histoires de l'amour plus fort que tout. J'ai refusé d'en entendre parler plus longtemps.

Plus d'un mois a passé, je commence tout juste à l'accepter. Oui, il est mort mais je l'aime encore et probablement que je l'aimerai toujours. Je le lui ai promis quand il était allongé sur le sol de la cuisine, allongé sous son drap. Il fera toujours partie de moi, de mon histoire, il restera dans mon cœur à jamais, même si un jour, peut-être, quelqu'un d'autre arrive dans ma vie.

Il adorait me dire (et m'écrire) qu'il m'aimait pour toujours. Je le trouvais bien présomptueux, eu égard à nos expériences respectives de mariages ratés. En fait, il avait raison. Il m'aimera pour toujours et la moindre des choses que je puisse faire pour honorer notre histoire, c'est de lui rendre la pareille.

Moi aussi, je t'aime pour toujours, mon amour merveilleux.