Le chemin
Je pleure moins. Moins souvent, jusqu'à 8 jours d'affilée, ce qui n'était jamais arrivé depuis “le jour où” et moins en quantité. Parfois, les larmes montent aux yeux et elles restent là, en bordure de mes paupières, indécises et fragiles. Je pleure moins, donc. *
Pour autant, je ne sais pas si c'est vraiment un soulagement. Pour ma vie sociale et professionnelle, sans aucun doute. Je peux parler de mon amoureux sans pleurer, je peux parler de nous deux, de notre histoire, de notre amour incroyable, du destin sans pleurer. Je peux parler de sa mort (du moment où il est mort, je veux dire) sans pleurer mais il ne faut pas trop insister. La limite est là. J'imagine que pour mes proches, c'est un vrai mieux.
Pour mon chemin de deuil (parce que je préfère ce mot à celui de travail), je ne sais pas dire si c'est bénéfique, il est sûrement trop tôt pour le dire. Je continue à faire exister mon amoureux à travers mes souvenirs, les objets et les traces qui me restent de lui, je continue à vivre mon chagrin mais d'une autre façon que dans ces torrents de larmes que j'ai versés pendant des mois. Je pense à lui, souvent, surtout en cette période de grands changements (achat d'une maison, préparation de mon déménagement). Mais je lui parle moins à voix haute.
De temps en temps, mes yeux viennent chercher les siens sur l'unique photo de lui que j'ai laissée au mur, au-dessus de mon bureau, les autres ayant rejoint la valise de souvenirs. Sur cette photo, nous posons tous les deux, le long du sentier douanier breton. Derrière nous, la mer et des rochers, et des bruyères en fleur. Le ciel est gris mais nous avons l'air heureux. Et ses yeux se plissent comme pour sourire, c'est tellement lui sur cette photo !
Je le regarde et je soupire. C'était le temps heureux du premier été que nous avons passé ensemble, un temps heureux pour toujours, même s'il n'est plus là maintenant. J'aurai pour toujours ce moment ainsi que tous les autres où nous avons été heureux.
“Pour toujours”, c'est ce qu'il disait depuis le tout début à propos de nous deux. Il ne le savait pas mais pour lui, il avait raison. En ce qui me concerne, mon amour pour lui est encore là, intact (ce qui me laisse parfois sans voix tant cette chose me paraissait impossible les premiers jours), mais “pour toujours”, je ne peux évidemment pas l'affirmer.
Et c'est ce qui me terrifie le plus sur ce chemin de deuil, d'envisager la fin de mon amour pour lui, un jour. Je ne suis pas prête.
- il va sans dire que j'ai beaucoup pleuré en rédigeant cette note, surtout la fin, ouf !