Les maux du corps
Ce matin, j'en discutais avec un soignant, j'ai comme le sentiment que mon corps me parle. J'ai la chance d'avoir toujours eu une santé plutôt bonne, des petits bobos par ci par là, rien de bien méchant mais depuis quelques mois, j'accumule. A part le problème péricardiaque qui m'a valu une dizaine d'heures aux urgences (finalement assez bénin), ce ne sont pas de gros pépins. Mais j'ai commencé à cesser de les ignorer et à consulter, ce qui n'est pas rien pour moi (je suis une procrastineuse médicale de longue date). Et par conséquent, je passe ma vie chez les toubibs, dentistes, ostéopathes, kinés, radiologues, laboratoires d'analyse et j'en oublie peut-être.
Je gère un truc, un autre survient. Alors je recommence le circuit de prise de rendez-vous et je continue. C'est usant. Encore plus dans la ruralie où je vis, encore que j'ai la chance de ne pas devoir faire 300 km pour trouver un hôpital digne de ce nom.
Je réalise que tous les petits maux délaissés ces dernières années ne se sont pas effacés par miracle et qu'il faut les prendre à bras le corps pour espérer s'en débarrasser. Et je crois que je le fais maintenant parce que je ne veux pas qu'il m'arrive ce qui est arrivé à mon amoureux, qui négligeait les signaux et qui a fini par y laisser sa vie.
Non, je ne veux toujours pas mourir.
Je me bats donc avec “mon” hernie hiatale, “ma” péricardite, “ma” tendinite calcifiante, “mes” infections dentaires, je me bats pour ce corps dont j'ai l'impression qu'il me trahit, parce que je ne veux pas mourir et parce que je veux lui montrer que c'est moi qui ai le contrôle (idée stupide, je le sais).
Tout cela me demande une énergie folle, au bout du compte. D'autant que cela s'ajoute à la charge mentale induite par l'achat de la maison et de la préparation de mon déménagement. Je me rends compte qu'il n'y a quasiment pas de moments où je ne doive pas penser à telle ou telle formalité, telle ou telle chose à faire. Ma vie est devenue une “to-do list” géante. A peine ai-je coché une case qu'une autre apparait.
C'est extrêmement fatigant. J'essaie de ménager des pauses mais c'est compliqué, chaque item de la liste est important et/ou comporte une date butoir.
Je me demande s'il est possible que mon corps soit en train de me crier sa fatigue d'avoir tenu bon depuis “le jour où”. Je ne me suis pas effondrée, je n'ai pas manqué un jour de boulot, j'ai tenu bon pour me relever après ce deuil abominable – certains disent “courageusement” – et maintenant, mon corps serait en train de me renvoyer physiquement la douleur qui est la mienne et que j'avais camouflée jusque là ?
Dieu sait que j'ai pourtant laissé la place à mon chagrin, qu'est-ce que j'ai pu pleurer (et encore maintenant, tous les putains de jours). J'ai écrit ici pour laisser s'exprimer ce qui me traversait, j'ai formulé des choses à voix haute (à la psy, à des amis, à ma frangine), j'ai traversé (et je traverse encore) les étapes du deuil en conscience de ce qui m'arrive, je n'occulte rien, je fais face. J'ai écouté les conseils qui m'étaient donnés, je me suis écoutée, vraiment, comme jamais auparavant et pourtant, mon corps me dit “stop” ?
Je suis un peu perdue.
Mais en parlant avec ce soignant ce matin, j'ai réalisé que je parlais aussi de “mon” deuil, comme je parle de “ma” tendinite. Je l'ai intégré, il fait partie de moi et de mes problèmes. Peut-être devrais-je le considérer lui aussi comme une maladie et m'occuper de le réparer ?
Note à moi-même : quand j'aurai réglé le reste, essayer de trouver un·e psy.