S'en aller
Ce déménagement est très compliqué, beaucoup plus que ce à quoi je m'attendais. Il ne s'agit pas juste de faire des listes de choses à faire, à ne pas oublier, de formalités administratives, de rendez-vous bancaires ou chez le notaire et de commandes de meubles, il s'agit aussi de mettre une partie de la vie de quelqu'un en cartons et en l’occurrence, ce ne serait que ma vie, ce ne serait pas un problème, j'ai l'habitude. Non, c'est la vie de mon amoureux, et c'est notre vie commune aussi et bon sang, c'est infiniment plus difficile.
Chaque objet qui lui appartenait contient en lui-même une charge émotionnelle pour moi, qu'il faut que j'encaisse avant de décider si je garde, je donne, je jette. Je trie, je classe et je finis par faire mes cartons en pleurant comme une madeleine sur les souvenirs brassés au passage, sur cet amour disparu en un clin d’œil. Ce n'est pas hyper efficace, j'use un certain nombre de mouchoirs et parfois, au bout de 3 cartons, je suis épuisée nerveusement.
J'ai terminé hier ses cartons de livres et c'est presque un soulagement. Il me semble que le reste sera plus facile. Évidemment, je ne suis pas à l'abri d'un marque-page qui traine, d'un bout de note griffonnée de sa main dans un de mes bouquins, d'un gadget retrouvé dans un endroit incongru ou d'une photo de lui qui surgit sans prévenir mais le plus gros est fait. Mes livres, à côté, c'est peanuts.
Ce travail de préparation du déménagement et sans doute, l'approche de l'anniversaire de sa mort rendent mon amoureux très présent dans ma vie, comme il ne l'avait plus été depuis quelques mois. Je rêve de lui plus fréquemment, sans jamais le voir mais il est là, sans aucun doute. Il est aussi là quand je vais au concert, il marche à mes côtés sur les sentiers et pas juste au pied de l'arbre du souvenir. Il est là et c'est douloureux.
Alors je suis déchirée entre le réconfort de le sentir toujours présent et le chagrin que cela me cause. Il m'arrive de formuler à voix haute des phrases comme “Maintenant, j'aimerais que tu t'en ailles, que tu me laisses vivre le reste toute seule, parce que ça fait trop mal” et aussitôt, je les regrette. J'aimerais parfois ne plus penser à lui mais je refuse catégoriquement de l'oublier.
C'est très difficile, cet entre-deux. Je suis perdue. Et je ne sais pas si je veux être là le jour anniversaire ou s'il serait mieux que je parte prendre l'air ailleurs.
En fait, je crois que ce jour-là me terrifie.