Toutes les premières fois

On m'a prévenue : “Tu verras, les premières fois sans lui, ça sera difficile”. Là, j'anticipe déjà les premières fêtes de Noël sans lui et rien que d'y penser remplit mes yeux de larmes, surtout qu'on va le passer comme les deux années précédentes dans ma famille, dans ce gîte un peu kitsch qui a l'immense avantage que nous soyons tout près de mes tantes âgées (dont l'une en EHPAD). Mais lui ne sera pas là, il ne sera plus jamais là, décidément je ne me fais pas à l'idée.

Il y a eu un jour cette semaine où je n'ai pas pleuré, pas du tout, même pas les yeux humides. Je l'ai réalisé seulement le lendemain matin, brusquement et je me suis dit que j'étais sur le bon chemin. C'était la première fois depuis le 12 août. Quelques heures plus tard, je ruinais mon mascara au collège, en salle des profs, l'équilibre était rétabli.

Mais passer Noël sans lui, fêter quoi que ce soit sans lui (la fête des Lumières, le Nouvel An, Pâques, mon anniversaire) me semble une épreuve insurmontable, là, tout de suite. Je n'arrive même pas à concevoir la chose dans ma tête, quelque chose bloque. Je ne serai pas seule, je serai au milieu des miens, dans le bruit et l'agitation, on va faire des jeux de société, on va cuisiner à tour de rôle, on va aller se balader s'il fait beau mais sans lui, bon sang... Sans lui, quel sens trouver à tout ça ?! Comment se réjouir, faire la fête alors que le chagrin est toujours là, au creux de mon ventre, de mon cœur, au fond de mes yeux, qu'il a jeté un voile gris sur toute mon existence et qu'il me piège comme un insecte dans une toile d'araignée ?

Hier, j'ai réalisé que je commençais parfois à m'habituer à son absence et cela m'a horrifiée. Je crois que je suis dans cet entre-deux où je veux aller de l'avant, quel que soit le temps que cela va prendre, et où en même temps je refuse de m'habituer à sa mort, de l'accepter.

Vivre sans lui, je ne sais pas comment je vais faire. Je préfère ne pas trop y penser de peur d'avoir juste envie de lâcher prise et me laisser couler.