Un goût de larmes

Ce matin, j’ai pleuré en regardant un écureuil virevolter autour du tronc d’un arbre, par la fenêtre du collège. Mon amoureux, c’était mon écureuil roux, mon feu follet. Il sautait du coq à l’âne, tout le temps, avec brio et intelligence, me perdant en route la plupart du temps mais j’avais fini par me faire une raison : cet homme était définitivement bien plus brillant que moi, à sa manière atypique et déroutante. La vie avec lui était un feu d’artifice permanent (ou presque), c’était stimulant.

Le fait que cet amoureux de la vie, cet esprit vif, toujours en mouvement, soit tombé comme ça, d'un coup et qu'en moins de 15 min, il soit parti est proprement inconcevable pour moi. Le vide qu'il laisse est vertigineux. Le simple fait de penser qu'il ne sera plus jamais là me suffoque et fait déborder mes yeux.

Au début, c'était tout le temps. Aujourd'hui, un mois après, il y a des moments où j'ai l'impression d'avoir intégré l'idée. Et puis elle me rattrape violemment et en fait non, je n'ai pas du tout accepté cette réalité, elle me broie le cœur, encore et toujours.

Je me demande encore comment je vais faire sans lui. Le risque est grand que je ne trouve plus goût à rien. C’est le cas actuellement. Je n’ai plus envie de cuisiner, de me balader, de regarder une série (même celle que nous avions commencée ensemble, la veille de sa mort), je n’ai même plus goût à la lecture, ce qui ne m’est jamais arrivé en près de 50 ans. Je me force, un peu.

Tout à l'heure, en rentrant du boulot, j'ai vu un autre écureuil roux. Mort, celui-là, sur le bord de la route. J'ai pleuré encore. Et encore une fois en ouvrant la boite aux lettres, vide. Et en ouvrant la porte sur laquelle son nom est écrit.

La vie a un goût de cendres et de larmes, c'est de la merde, je n'en veux pas.