Elle a 23 ans, il en a 22, elle est française, il est sans papiers. Ils se sont rencontrés dans un foyer. Aujourd’hui, ils sont les parents d’une petite fille de 18 mois.

Monsieur s’est fait contrôler près de la gare le 11 septembre – près des gares, pas besoin de raison.

Il n’a pas encore son titre de séjour même s’il y a droit. Il est le père d’une enfant française et contribue à son entretien et à son éducation (il ne suffit pas de vivre avec l’enfant, il faut apporter des preuves, attestations des organismes publics ou privés – crèche, école, médecin, enfin qui voudra bien le faire et à qui on raconte sa situation) Aussi, la Préfecture exige un certificat de nationalité française de l’enfant (même si un des parents est français et donc qu’il n’y a aucun doute sur la nationalité de l’enfant, il faut ce certificat, c’est long pour l’obtenir)

Les démarches pour le titre de séjour sont en cours auprès d’une « agence privée ». Oui, il n’y a plus d’accès possible, en personne, au guichet de la Préfecture – les étrangers ne sont pas des administrés comme les autres. Tout est dématérialisé. (Au passage, l’« agence privée » se gave, les délais pour être « aidés » sont longs, la procédure dématérialisée imbitable et régulièrement en carafe).

En audition police, Monsieur explique sa situation, administrative et familiale.

L’audition part chez la Préfète, qui décide en quelques heures d’une obligation de quitter le territoire français et d’une interdiction de retour en France pour un an (oui triple peine mais c’est légalement prévu) : « Monsieur n’a pas de carte de séjour, il n’a pas déposé de demande, il n’apporte pas les justificatifs au soutien de ses déclarations (à aucun moment la police ne demande aux personnes de réunir les justificatifs et de les transmettre, les préfectures se dépêchent, une retenue ne peux pas durer plus de 24h, et autant aller vite pour ajouter une petite barrette, une oqtf, une barrette, on fait du chiffre et on est bon élève auprès du Ministère de l’Intérieur)

La préfète décide aussi du placement en centre de rétention de Monsieur – oui, il a dit qu’il ne voulait pas rentrer dans son pays de nationalité pour rester auprès de sa famille – il présente un risque de fuite, alors on l’enferme (encore une petite barrette) en attendant d’organiser son renvoi.

Nous sommes le 12 septembre.

Il présente un recours le 14 septembre contre les décisions de la Préfète, il est accompagné par une association de juristes qui bossent dans le centre de rétention.

Audience le 18 septembre.

96 heures pour réunir ce qu’on peut, sachant que pour bosser correctement, on a besoin des pièces de la procédure, que la Préfecture transmet le 17/09 à 18h30 et son mémoire en défense qu’elle balance le 18 septembre à 9h45 , 15 minutes avant l’audience.

L’audience est difficile pour Madame et Monsieur. Il arrive encadré par la police, il est inquiet et fatigué, 7 jours dans un centre de rétention c’est long et difficile (En France on peut garder les gens enfermés 90 jours au maximum dans des conditions indignes et insécures le temps d’organiser leur renvoi), le représentant du Préfet ne connaît pas le dossier, il s’en fout, il défend avec des lieux communs et des préjugés insupportables, c’est dur à entendre pour Madame et Monsieur. Il ajoute de la violence à la violence et à la violence..

Puis mise en délibéré, la juge, unique, rendra son jugement bientôt, ce soir ou demain ou après demain, bientôt quoi. Encore de la violence à la violence.

Monsieur repart au centre rétention, Madame et la petite à la maison. Maintenant il faut attendre.