Les différentes approches pour travailler un chien réactif
#Animaux #Chien Je suis allée au séminaire de Ken Ramirez pratiquement que pour cette conférence. Je n'ai pas été déçue, et le reste du séminaire était tout aussi génial 😍.
De quoi parle-t-on ?
Selon Ken Ramirez (KR), un chien réactif est un chien qui est agressif sous certaines conditions. Dans le monde des animaux sauvages en zoo, on ne parle que d'agression, jamais de réactivité.
1. Différencier les principes d'apprentissage des techniques d'éducation / rééducation
J'ai beaucoup apprécié que KR revienne systématiquement aux principes d'apprentissage pour expliquer le fonctionnement, les avantages et les limites de chaque technique. Il nous a proposé un tableau que j'ai traduit et adapté pour cet article.
Ce tableau montre que pour lui, toutes les techniques mettent en jeu plusieurs principes d'apprentissage, et systématiquement à la fois du conditionnement simple et du conditionnement opérant.
1.1 Les types de conditionnement en jeu.
- Dans le conditionnement simple, un stimulus est associé, ou non, à des choses agréables, neutre ou désagréables pour l'animal. Ici, les choses renforçantes (agréables, neutres ou désagréables) ne sont pas liées à un comportement de l'animal mais à un stimulus dans l'environnement. Ce mécanisme permet de changer les émotions associées au stimulus.
- Dans le conditionnement opérant, un comportement de l'animal est associé à des choses agréables ou désagréables pour celui-ci. Ce mécanisme permet de changer le comportement de l'animal.
1.2 Les principes dans le conditionnement simple
- L'habituation : L'animal régulièrement soumis à un stimulus qui ne déclenche aucune conséquences (ni positive ni négative) finit par ne plus réagir à ce stimulus. Un exemple est le cheval qui s'habitue au bruit des coups de feu ou aux voitures qui passent au bout de son champ.
- Le contre-conditionnement : Lorsque l'animal est soumis à un stimulus qui l'inquiète, il reçoit une récompense. Progressivement, il associe le stimulus à l'arrivée de la récompense et donc à un évènement positif.
- L'immersion : l'animal est soumis à un stimulus qui l'inquiète mais il n'a pas la possibilité de s'enfuir ni de “combattre” ce stimulus. L'animal finit par lâcher prise et se soumettre. Cette procédure qui a été beaucoup utilisée dans le join up par exemple est très nocive pour le bien-être mental de l'animal.
1.3 Les principes dans le conditionnement opérant
- Le renforcement positif : il s'agit d'apprendre à l'animal à réaliser un comportement en associant une récompense lorsqu'il réalise le comportement. On peut alors utiliser ce qui fait peur à l'animal comme une distraction par rapport au comportement enseigné.
- La punition : il s'agit d'ajouter un inconfort à l'animal lorsque celui-ci présente un comportement indésirable. Il s'agit par exemple de tirer sur la longe, ou crier, lorsque un chien aboie.
- La redirection : Il s'agit de faire en sorte que le stimulus génère un comportement différent du comportement indésirable. Il y a plusieurs types de redirection, et je n'étais pas familière avec les acronymes que je suis donc allée regarder :
- DRI : Differential reinforcement of an Incompatible Behaviour. Il s'agit d'entrainer un comportement qui va être incompatible avec le comportement indésirable. Mon chien ne peut pas par exemple en même temps venir quémander de la nourriture à table ET être couché sur son tapis. Dans l'idéal, le comportement incompatible doit permettre à l'animal de remplir la même fonction que le comportement indésirable. Par exemple, si le but est d'éloigner l'intrus qui fait peur, un bon comportement de substitution à l'attaque est le fait de s'éloigner ou de se mettre derrière une personne ou un objet.
- DRD : Differential Reinforcement of Disminished rate of Behavior. Si mon chien aboie en permanence, puis se met à aboyer toutes les quelques secondes, je vais renforcer ce nouveau comportement.
- DRL : Differential reinforcement of Lower intensity behaviour. Si mon chien aboie en tirant sur la longe quand le livreur dépose un colis, je peux récompenser le moment où il aboie sans tirer sur la longe par exemple. Pour moi DRD et DRL ça ressemble beaucoup à ce qu'on fait lorsque l'on façonne un nouveau comportement. Ici ça ressemble beaucoup à partir du comportement indésirable pour façonner progressivement un nouveau comportement.
Maintenant qu'on a fait le tour des différents principes d'apprentissage, on peut passer aux techniques utilisées par les éducateur·trices du monde canin.
2. Les différentes techniques de gestion de l'agressivité
Avant de regarder les différentes techniques en détail, KR nous a présenté le cadre de Jean Donadlson qui présente 4 manières de gérer l'agressivité :
- Jouer sur la chimie du cerveau, via la médicalisation. C'est parfois nécessaire.
- Gérer l'environnement pour éviter les déclenchements.
- Changer l'association faite par le chien avec un certain stimulus, et pour ça on utilise le conditionnement simple.
- Changer les conséquences associées aux comportements proposés par le chien, c'est à dire utiliser le conditionnement opérant.
Dans son séminaire, KR ne parle que des leviers 3 et 4 même si évidemment la priorité c'est de gérer l'environnement (management) et d'aider le chien avec de la chimie s'il en a besoin.
2.1 La manière Ken Ramirez de gérer l'agressivité
Sa méthode, c'est de quasiment tout faire pour ne jamais se trouver dans une situation où l'animal est agressif.
- Comprendre les scénarios de déclenchement Pour Iggy c'est quand une personne arrive au loin, ou bien qu'une personne proche le fixe ou se penche vers lui.
- Reconnaître les précurseurs de l'agression Pour Iggy, il va figer, arrêter de remuer la queue, fermer la gueule. Il grogne rarement. À distance, quand il est libre, il grogne parfois, il aboie en général avant de partir attaquer. À proximité, il ne grogne jamais et n'aboie pas non plus avant de déclencher.
- Utiliser la redirection (cf ci-dessus) et/ou utiliser une stratégie d'entraînement
- Tout faire pour éviter l'agression
- Prendre des notes sur ce qu'il se passe pour pouvoir objectiver la progression (*track progress)
Voyons maintenant les stratégies d'entraînement (j'avoue que ce début de matinée était comme une perpétuelle mise en bouche 😆)
2.2 La punition
Ça marche, par définition de la punition dans les théories de l'apprentissage puisqu'une punition est une action qui diminue la probabilité qu'un comportement se reproduise dans le futur.
KR nous a dit une phrase que j'ai beaucoup aimé. « Si ça ne marche pas, c'est que vous êtes juste en train d'être méchant avec votre animal. »
Mais il y a des (bonnes) raisons pour refuser d'appliquer cette technique :
- Ça abime la relation que l'on a avec l'animal
- Ça peut créer des comportements de redirection, avec par exemple l'animal qui va mordre son entraineur.
- On peut blesser l'animal, surtout quand la punition est physique.
2.3 Le conditionnement classique
Il y a beaucoup de très bonnes présentations sur comment faire du conditionnement classique par Kathy Sdao, ou Patricia McConnel , ou encore Jean Donaldson. Note à moi même : plein de références à aller regarder encore ! Souvent les techniques associées n'ont pas eu le droit à un fancy name mais KR pense que les entraîneurs sous-estiment l'importance du conditionnement simple.
En regardant quelques vidéos sur le sujet, je me rends compte que je suis un peu passée à côté du conditionnement classique. Je ne donne jamais assez de récompenses, c'est-à-dire à un rythme assez élevé, quand je veux changer l'association avec un stimulus.
2.4 Le « Look at that » game
Dans cette stratégie, on enseigne à l'animal à regarder un objet pour recevoir une récompense. L'avantage c'est que quand le chien a peur d'un humain, ou qu'il a envie de courir après un lapin, il a envie de regarder. Ce jeu l'encourage à le faire, mais avec un cadre. Avec le temps, le chien se relaxe en présence du stimulus.
À la base ce n'est pas un traitement de l'agression, mais de nombreuses personnes ont trouvé ce jeu utile pour des formes modérées d'agressivité. Il faut réussir à rester en permanence sous le seuil de déclenchement.
Ressource : Control unleashed: reactive to relax.
2.5 CAT : Constructional Agressive Treatment
Cette procédure a été théorisée par l'équipe du chercheur Jesus Rosales Ruiz lors de la thèse de son étudiante Snider. Il s'agit d'une technique basée sur le renforcement négatif. Dans cette procédure, on considère que le comportement indésirable du chien (aboyer, charger, mordre, ...) a comme fonction d'éloigner la personne ou le chien qui lui fait peur. Du coup, la stratégie de renforcement sera d'éloigner ce qui fait peur lorsque le chien adopte le comportement souhaité. Le point très intéressant de cette procédure, c'est qu'à un moment, le chien change de comportement envers ce qui lui fait peur. Au lieu de montrer des signes d'inquiétude, il se met à montrer des signes amicaux et à indiquer qu'il souhaite rencontrer la personne / le chien dont il avait peur au démarrage.
Une procédure controversée
Cette procédure a été longtemps très controversée. Elle est efficace, mais dans ses premières versions, les premières expositions du chien à son déclencheur se faisait au dessus du seuil de déclenchement. Le chien était donc en réelle détresse pendant la première partie de l'entrainement. Aujourd'hui, les tenants de cette procédure recommandent de ne jamais dépasser le seuil de déclenchement de l'animal. La vidéo de démonstration que nous avons vue était particulièrement convaincante, le chien étant toujours dans un état qui me semblait éthiquement tout à fait acceptable.
L'avis de KR
C'est une procédure très efficace qui peut avoir des résultats notables en quelques jours (à comparer aux quelques mois – voir plus – nécessaires avec les autres procédures). Pour KR, cette procédure est justifiée pour des chiens qui vont de toutes manières rencontrer régulièrement leurs stimulus déclencheurs. Pour autant, ce n'est pas une procédure simple à appliquer. Il faut un·e entraîneur·se très expérimenté·e, du temps, et un·e assistant·e qui comprend bien ce qu'on attend. Il y a un travail de généralisation à faire qui n'est pas nécessairement évident. Enfin, les parents de cette procédure refusent d'utiliser de la nourriture car ça pourrait masquer la peur, mais KR n'est pas d'accord avec ce point. Il n'a pour autant pas développer comment il utiliserait lui la nourriture dans ce type de procédure.
Ressources :
- Tawzer dog videos :
2.5 Click to Calm
Cette technique peut s'utiliser quand le chien a déclenché, et c'est l'une des grosses différences avec toutes les autres techniques que l'on a vues jusqu'à maintenant.
L'idée est de récompenser toute réduction, même minime, de l'agressivité.
Comment ça fonctionne ?
Cette technique fait partie de la famille des techniques de redirection dans le champ du conditionnement opérant : « Diifferential reinforcer of lower intensity behavior ». Évidemment, cette technique fonctionne aussi grâce au contre-conditionnement puisqu'on associe de la nourriture à la vue du stimulus déclenchant.
Souvent, on s'inquiète de renforcer l'aboiement en donnant des friandises quand le chien est dans cet état. En réalité, quand le chien est vraiment au dessus de son seuil de déclenchement, il ne mange pas. La nourriture ne renforce pas l'émotion, mais le fait d'arrêter d'aboyer, même quelques secondes juste pour avaler une récompense ou pour respirer.
L'avis de KR
C'est une technique que l'on va utiliser quand la réaction du chien est tellement intense qu'on n'a pas de distance à laquelle commencer où le chien serait en dessous de son seuil de déclenchement. C'est d'ailleurs la seule procédure qu'on peut utiliser lorsque le chien a déclenché.
C'est une technique qui demande beaucoup d'expérience. Emma Pearson propose pas mal d'astuces dans son livre pour aider des débutant·es à se l'approprier.
Enfin, c'est la technique qui prend le plus de temps parmi toutes celles que qui sont présentées ici. Et selon KR c'est une technique qui prend trop de temps pour l'utiliser pour lutter contre la prédation.
Ressource : New click to calm book
2.6 Entrainer un comportement incompatible avec l'agression
Au départ, il ne s'agit pas de changer la réponse émotionnelle, mais juste « d'empêcher » le chien d'agresser. Il y a plusieurs comportements que l'on peut entraîner :
- Watch me ! Demander au chien de nous regarder
- U turn game : Demander au chien de faire demi-tour. L'avantage est que ce comportement sert la même fonction que l'agression : augmenter la distance avec le déclencheur
- Rappel : Demander au chien de revenir
L'avis de KR
Ces stratégies fonctionnent sur le principe des techniques de redirection, en particulier il s'agit de : Differential reinforcement of an Incompatible behavior. L'objectif est de sortir l'animal d'une situation dangereuse, mais pas de diminuer sa réactivité. Ce n'est pas une procédure qui doit être utilisée seule pour gérer la réactivité d'un chien.
Pour autant, ce sont des techniques très utiles au quotidien qui ont l'avantage de se focaliser sur ce que l'on veut comme comportement et pas sur ce que l'on ne veut pas.
2.7 BAT : Behavioural Adjustement Theory
C'est une procédure originellement basée sur le protocole CAT (de renforcement négatif) mais qui a été adaptée pour donner davantage de choix à l'animal.
L'idée est de permettre à l'animal de répondre à ce qui lui fait peur en s'éloignant, et quand il s'éloigne, lui permettre d'avoir accès à des choses qu'il veut, comme renifler des odeurs.
L'avis de KR
C'est une procédure qui semble efficace et plus rapide que le click to calm mais qui demande d'avoir des grands espaces accessibles et qui est assez complexe. L'avantage de cette technique est que, comme le CAT, elle traite le problème de l'agression à la source.
Ressource : livre BAT 2.0
Conclusion
La conclusion de Ken Ramirez sur cette partie du séminaire est :
Ces techniques marchent ! On peut aider un chien agressif.
Pour autant, l'agression n'est jamais oubliée, et il y a toujours un risque de retour en arrière.
De mon côté, je suis sortie de ce séminaire avec une bien meilleure compréhension de ce que j'avais fait jusqu'à maintenant avec Iggy. Ça m'a donné aussi plein de pistes et de nouvelles idées à mettre en œuvre... Je décrirai ça dans de prochains articles j'espère. Et surtout, le truc incroyable, c'est que tout ça, ce n'était qu'une demi journée sur les 6 du séminaire !!!