Frustration en renforcement positif

#Animaux La frustration, c'est LE gros sujet dans notre travail avec Amalhia depuis un an. Et je sais que c'est un sujet aussi pour beaucoup de personnes qui travaillent leurs chevaux en renforcement positif. Dans cet article, j'essaie de démêler un peu où j'en suis pour voir ce que je veux faire dans les semaines qui viennent.

Notre problématique avec Amalhia

De la décontraction à cheval, de la frustration à pied

Amalhia est super agréable montée en carrière. Elle est décontractée, elle bosse vraiment bien, c'est un bonheur. Pourtant, au départ, il n'y avait pas une séance sans 2 ou 3 énormes écarts. Mais en répétant la même chose séance après séance, en restant calme sur ses écarts, et en récompensant dès qu'elle se décontractait un peu, elle a énormément progressé. Elle est d'ailleurs bien plus avancée que ne l'était Néli.

Par contre, elle est super tendue dans le travail à pied. Elle frustre extrêmement vite, et elle a très vite une sale tronche.

J'ai longtemps ignoré ces signaux, et ce qu'ils voulaient dire. De toutes façons je n'ai qu'un mini paddock pour travailler en liberté qui ne permet pas le mouvement, et j'aime aller monter au club. J'ai aussi ignoré son attitude car par ailleurs, elle coopère très bien, elle fait parfaitement les comportements que j'attends d'elle, à part pour les séances de parage avec la maréchale.

Mais depuis qu'elle a été opérée pour sa colique, et qu'elle a failli mourir, j'ai décidé de me donner comme objectif qu'on arrive à avoir la même décontraction au travail en clicker à pied qu'à cheval. Ma priorité c'est de réussir à construire une belle relation, et on part de loin.

Et je sais pourquoi je ne m'étais pas attelé à ce sujet plus tôt : c'est super dur. J'ai l'impression de tourner en rond, j'ai l'impression de passer beaucoup de temps pour rien, et j'ai l'impression que quasiment personne dans mon entourage cheval ne peut comprendre ce que je vis. J'en parle peu car je n'ai pas envie de remarques condescendantes, ou jugeantes en mode : tu te prends la tête pour pas grand chose, je n'ai pas non plus envie de conseils non sollicités de personnes qui ne savent pas exactement ce qu'on vit, ce qu'on a déjà fait etc. Et je peux compter sur les doigts d'une main les personnes à qui je peux parler de ce sujet sans recevoir de conseils derrière. Donc je ne veux plus en parler en vrai. Mais l'écrit m'aide à réfléchir. Donc j'écris ici.

Les signes de tension chez Amalhia

Dans le travail à pied

Amalhia est une jument, et donc elle ne montre pas son excitation ou sa frustration en dévergeant voir en entrant en érection comme beaucoup de hongres ou d'étalons. Par contre, elle va facilement avoir les oreilles en arrière, les naseaux pincés, la mâchoire contractée (on lui voit un genre de ride quelques cm au dessus de la commissure des lèvres), l'encolure un peu haute, la respiration un peu courte. Si elle a quelque chose dans la bouche, elle ne mâche pas, ou bien juste un peu et elle s'arrête. Pour les oreilles, elle peut les avoir un peu en arrière, ou complètement plaquées. Quand elle sort de son état figée, elle peut aussi bailler, soupirer, se gratter l'antérieur avec le nez. Elle peut aussi se mettre à lécher compulsivement. Elle m'a repeint quelque fois le manteau.

Quand je ne suis pas sûre de si elle est décontractée, ou bien si elle est figée-tendue, je la caresse sur l'encolure :

En extérieur

Amalhia est une jument qui n'a jamais vraiment aimé les balades. Je crois qu'elle était OK quand elle était en dextre derrière Néli. Mais depuis, elle n'est quasiment jamais sereine en extérieur, sauf sur le chemin qui mène de chez nous au club quand on y va régulièrement. C'est-à-dire pas en ce moment.

Je vois qu'elle n'est pas sereine parce qu'elle marche trop vite, elle est tendue, elle respire court. Et surtout, si je l'arrête à un endroit avec de l'herbe, elle veut repartir. Au mieux, elle va grapiller 3 brins, et puis avancer. Quand elle est bien détendue, elle reste brouter.

Ce qui empire, ou améliore, son état de tension

L'orientation dans le paddock

Dans le paddock, elle est plus facilement détendue quand elle regarde vers le Nord (vers les grands pré et la forêt) que quand elle est dans l'autre sens. Elle est aussi plus détendue si Néli n'est pas trop proche d'elle.

Mes demandes

Il y a des demandes qui vont quasiment systématiquement la contrarier comme :

Il y a des demandes qui sont beaucoup plus faciles :

Les différentes techniques qui aident Amalhia à s'apaiser

Marcher jusqu'à s'apaiser ou s'ennuyer

Je me rappelle que quand je l'ai eue il y a 7 ou 8 ans, quand elle est arrivée dans les monts du Pilat, elle était tendue dès que je lui mettais le licol. Je me rappelle la faire marcher un ou deux tours dans le pré en licol, sans rien lui demander, juste en marchant. Au bout de 2 ou 3 tours, elle se mettait à respirer normalement et à se détendre après avoir soufflé un coup.

On faisait ça facilement dans le Pilat car on avait des prés pratiquables toute l'année. Ici, on a que le petit espace du paddock dans lequel marcher. Dans les bois et les prés, on a la boue l'hiver on a la boue, les insectes et les taons l'été. D'ailleurs, en général, si je lui propose d'aller marcher en dehors du paddock, elle refuse et reste plantée devant le passage boueux qui sert de sortie.

Brosser la crinière

Souvent, Amalhia n'aime pas qu'on la brosse. Par contre, je crois qu'elle est toujours OK avec le fait qu'on lui brosse la crinière, et c'est plutôt une activité dans laquelle elle se détend. C'est peut-être parce que c'est quelque chose que j'ai bien travaillé au début, en attendant de la décontraction pour récompenser ?

Une autre chose qui marche bien, c'est quand Amalhia a envie qu'on la gratte quelque part. En ce moment elle a un genre de dermatophilose que je n'investigue pas, mais qui donne lieu à des bonnes séances de grattouilles où elle fait sa tête de girafe contente. J'essaie d'intercaler ces séances de grattouilles comme des moments d'interaction libre qui sont parait-il si important pour construire une bonne relation. Et c'est vrai que c'est cool de pouvoir passer un moment avec elle sans prise de tête. C'est bon pour nous 2.

Par contre, si on la gratte ou on la caresse quand ça ne la gratte pas, elle met les oreilles en arrière et peu aller jusqu'à menacer sérieusement de morsure. Elle déteste qu'on la touche sauf quand elle veut qu'on la touche. Bon, je suis un peu pareil je crois... Je la comprends, le consentement toussa.

Désensibilisation à ma présence – attendre qu'elle lâche l'affaire

Dans ses podcasts, Shawna Karrasch explique que tant que le cheval n'est pas calm and relax ça ne sert à rien d'aller plus loin que la statue. Si le cheval s'énerve, elle propose d'attendre qu'il lâche l'affaire avant de démarrer la séance et de commencer à cliquer et à récompenser. C'est une sorte de désensibilisation à la présence de l'humain.

J'ai fait ça avec Amalhia.

Les premières fois elle est restée 45' à côté de moi à attendre que je lui demande quelque chose. Extrêmement concentrée sur moi, frustrée, ultra pincée dès que je la touche. D'autres fois, elle est restée à lécher mon manteau plus de 10 minutes d'affilée.

C'était extrêmement frustrant pour toutes les deux. Mais il y a eu de sérieux progrès. Je n'ai plus jamais de session où elle reste bloquée frustrée quoi que je fasse pendant 30 minutes. Mais c'était dur et pas du tout épanouissant ni fun, ni pour elle, ni pour moi.

Maintenant, je ferai évidemment ça avec un nouveau cheval : Attendre qu'il soit relax pour demander quelque chose. Que ce soit un pré-requis pour le travail. Mais avec Amalhia, j'ai trouvé ça hyper dur, hyper frustrant pour toutes les deux. J'ai aussi l'impression que quand elle lâche l'affaire et que je récompense, alors c'est du renforcement intermittent. Justement le truc qui crée davantage de frustration comme j'en parlais dans cet article : Casino et frustration .

J'ai l'impression d'avoir pas mal de progrès les premiers mois. Et puis après on a stagné. Par contre, ce qu'on a gagné définitivement, c'est qu'Amalhia hennit dès qu'elle me voit, et qu'elle revient de n'importe où du pré dès que j'arrive.

Protocole de relaxation à la Karen Overall

Nous avons vu beaucoup de vidéos de travail au clicker lors du stage avec Ken Ramirez. J'ai été marquée par le fait qu'il récompense énormément pendant les séances de travail. Beaucoup de récompenses quand il clique, et aussi des récompenses gratuites quand l'animal attend dans son comportement par défaut.

En rentrant, j'ai repris le travail avec Amalhia en lui demandant la statue à un endroit où elle n'avait pas l'habitude d'être travaillée. Je me suis rendue compte que ce comportement n'était pas clair pour elle. Elle détournait la tête puis faisait une sorte de yoyo. J'ai donc repris cet exercice avec comme but qu'elle ait la tête immobile d'abord une seconde, puis deux secondes etc.

Amalhia avait une super tête sur cet exercice, à cet endroit. Donc j'ai décidé de conserver cet exercice, mais d'allonger la durée entre deux clics, ou bien d'ajouter un peu de mouvement (en gros, de rajouter de la distraction et de la durée au comportement de la statue). J'ai rangé ce travail sous le nom de protocole de relaxation car je trouve que ça ressemble énormément au protocole de relaxation de Karen Overall. L'idée est de récompenser le chien qui reste assis 1 seconde, puis 2 secondes, puis 5 secondes, puis 3 secondes en faisant un pas de côté, ou en bougeant les mains etc.

On a fait cet exo pendant environ un mois. Il y a même eu quelques séances où elle a été de très bonne humeur tout du long. J'essaie d'introduire des nouvelles choses (toucher le corps, donne ton oeil, baisse la tête, je m'éloigne d'un pas, ...) en suivant la règle que j'ai retenu du séminaire : Entourer un comportement coûteux de comportements faciles .

Mais maintenant, peut-être parce que j'essaie de l'amener à d'autres endroits, ou d'autres positions, peut-être parce que je mixe avec des choses plus difficiles, peut-être parce que c'est moins nouveau et moins fun, on ne progresse plus trop. Enfin, ce n'est pas complètement vrai. On peut avoir : Amalhia qui fait grave la tête, je lui demande de me suivre et on va ailleurs, et ensuite on a Amalhia qui est souriante sur quelques clics. Et en vrai, c'est un énorme progrès.

Pendant longtemps elle a été confortable (en restant les oreilles en avant) juste 2 ou 3 secondes entre 2 clics. J'ai fait un travail systématique sur l'augmentation de la durée, et maintenant elle est OK pour 5 à 10 secondes, mais ça dépend quand même d'où on en est dans la séance, et d'où on est dans le paddock.

De nouveau, je crois qu'on atteint un plateau, et je me rends compte que je doute et que donc je recommence à mélanger les techniques et à boudiguer. C'est aussi pour ça que j'ai écrit cet article. J'ai besoin de clarifier ce que je fais pour moi-même.

Il faudrait peut être que j'aille lire davantage sur le site de Karen Overall, ou que je trouve des vidéos. De mon côté j'attends d'avoir de la relaxation pour progresser, mais peut être qu'il faut juste regarder le comportement = pas bouger ? (question rhétorique, je n'attends pas de réponse)

Click to calm (on the mat)

Avec Iggy, on a travaillé en click to calm sur son excitation (quand on était en extérieur et qu'il avait très envie d'aller manger des crottes de chat, ou des chats), et sur sa peur. L'idée est de l'avoir en longe, d'amener un tapis, et d'attendre qu'il se pose sur le tapis. Je récompense chaque comportement qui se rapproche d'une attitude décontractée : s'assoir, avoir le regard moins figé, se coucher, poser la tête sur ses pattes...

Les premières séances ont été très longues, mais ça a vraiment bien marché pour lui. Quelque part, ça ressemble un peu à ce que fait Shawna Karrasch, sauf que Shawna attend la décontraction pour démarrer la séance, et que là on récompense sur le chemin de la décontraction.

Conclusions temporaires

Click to calm et statue

Aujourd'hui, je trouve difficile pour Amalhia d'alterner le travail de statue et le travail de click to calm. La situation ressemble beaucoup : dans les deux cas je suis à côté d'elle à ne rien faire. En y réfléchissant à mesure que j'écris, je me dis que je pourrais différencier les deux situations en faisant :

Guidelines personnelles

Je profite aussi de ce moment de réflexion par écrit pour me faire une petite liste de comment continuer le travail dans les semaines qui viennent :

À suivre !

NB : j'écris ces lignes pour moi, et pour partager si vous rencontrez des problématiques similaires. Je ne souhaite pas de conseils, je ne souhaite pas que vous me proposiez d'essayer quelque chose. Par contre, j'accueillerai avec plaisir de lire vos expériences avec vos chevaux, ce que vous faites, ce qui a marché pour vous, ou ce qui n'a pas marché pour vous.