Comptons ensemble
Déjà plus de 18 mois que ce flacon est vide ? Et il s'en est passé des choses, pourtant ! Pas ici, non non, mais des choses sur lesquelles j'aurais pu m'étaler, des choses qui ont bouleversé le pays, les internets, l'ordre établi, l'opinion... Voilà une orientation que cet espace ne prendra probablement pas : celle d'un blog d'actualité !
Un top 5 des événements marquants que vous n'avez pas découverts ici ? Allons-y ! 5 – La dissolution et ses innombrables conséquences ; 4 – La réponse sanglante de Tsahal aux attentats du 7 octobre, et ses innombrables conséquences ; 3 – La réélection de Donald Trump et ses innombrables conséquences ; 2 – Ma prise de conscience que, oui, pour beaucoup, “plutôt hitler que le front populaire”, ça marche encore aujourd'hui ; 1 – Cette toute petite pétition dont tout le monde parle.
Vous remarquerez le choix éditorial dans la hiérarchisation des sujets ? À vrai dire, ce top 5 serait plutôt à regarder comme un compte à rebours, une suite d'événements menant à l'inéluctable. Toujours est-il que j'aurais pu en choisir d'autres, et ce choix vous éclaire sans doute sur ce qui m'anime !
Mais quand même, cette pétition, dans la hiérarchisation... ? Et ma prise de conscience ? C'est du 2 poids 2 mesures, par rapport aux 3 autres, non ?
Hé bien pas pour moi, et je vais vous expliquer pourquoi !
Commençons par la fin : depuis quelque temps, je ne peux m'empêcher de faire le lien entre les arguments fumeux des défenseurs de la loi Duplomb, et ceux qu'on a entendus pendant les longs mois précédents le vote du référendum de 2005. J'avais, à l'époque, tout comme vous je pense, 20 ans de moins. Mais déjà une conscience politique. Peut-être moins rodée, plus hésitante, mais quand même déjà bien ancrée. Je parlais assez peu de ce que je comptais voter, en dehors de mon cercle très proche et familial, au sein duquel le “non” était une évidence. Mais en dehors, ce “non” me semblait ambigu, suspect, je craignais de devoir l'expliquer, me justifier. “Mais non je ne suis pas contre l'euro”, “mais comment ça, refermer les frontières ?”, “la guerre avec l'Allemagne ? Sérieux ?”.
Le souvenir le plus ancien que j'avais gardé de Michel Barnier, il y a 20 ans, et donc bien avant qu'il ne devienne l'un des premiers ministres les plus éphémères de la Ve République, c'était sa manière toute particulière de défendre l'importance de ce traité. Plus il parlait, plus j'étais convaincu. Plus il m'insultait, plus il cherchait à m'invisibiliser, en noyant mon intention de vote contre la “concurrence libre et non faussée” dans la mare immonde des arguments éclatés du fn, et plus ma certitude était déterminée. J'aurais voté non dans tous les cas, mais son mépris m'a permis de l'affirmer, de le revendiquer, de l'expliquer. Surtout après le résultat, soyons honnête !
Maintenant pourquoi établir un lien entre ces deux événements si éloignés, dans le temps, dans leur fond et dans leur forme ?
Pour cela, faisons un petit saut en arrière. Juin 2024, il y a à peine un an et pourtant on a l'impression de ne plus vivre dans le même monde ! Pardon de remuer ce douloureux souvenir, mais le parti à la flemme nationale venait de dépasser les 30% de suffrages aux élections européennes, auxquels on peut ajouter le score de reconquête pour parachever cette ambiance de déprime. À ce stade, je commençais (très sérieusement) à douter de ma certitude totalement affirmée et assurée depuis de nombreuses années (des décennies, n'ayons pas peur des mots !), selon laquelle le rn (ou fn) n'arrivera jamais au pouvoir, parce qu'on n'est pas un pays de racistes, parce qu'on est relativement instruits, parce qu'on a une forte conscience politique, etc etc.
En juin 2024, tout le paysage politique disait le contraire.
Notez l'emploi de l'imparfait, à l'image de cette situation.
En fin de compte, je m'étais trompé : on est bien dans un pays de cons, on a laissé les chaînes d'information continue nous abreuver de faits divers encore plus orientés que ce qu'on reprochait à TF1 dans ses pires moments des années 90/2000, on a laissé s'ouvrir de plus en plus grande la fenêtre d'Overton, on a fini par banaliser, dédiaboliser, normaliser, accepter, le rassemblement national. 30%, et même 35, c'est à dire une personne sur 3. Une personne sur 3 quand je vais faire mes courses, une personne sur 3 parmi mes collègues, une personne sur 3 sur mon lieu de vacances, une personne sur 3 dans la salle de cinéma, sur la plage en été, à la caisse du Super U, pour commenter le dernier épisode de ma série préférée, ...
Pour la première fois depuis la claque de 2002, je pensais que l’extrême droite pouvait arriver au pouvoir en France.
*Notez l'emploi de l'imparfait, à l'image de cette situation.²*
La dissolution est venue parachever cette quasi-certitude. Le moment était idéal pour l'extrême-droite... et idéal pour Macron, pour qu'ils fassent la démonstration de leur incompétence d'ici 2027. Comme si on pouvait leur donner le pouvoir sans qu'ils n'aient le temps, en plus de 2 ans, de changer suffisamment de choses pour s'assurer de le garder ?
La stratégie de Macron me paraissait claire, mais dangereuse. Osée mais pas courageuse, puisque ce n'est pas lui, ni la plupart de ses soutiens, qui seraient la cible d'une politique d’extrême-droite.
C'était donc inévitable, la honte.
Vous avez noté l'emploi de l'imparfait ? et puis... il s'est passé ce que l'on sait, et quelle que soit la situation à ce jour et les incertitudes pour demain, ce moment fait partie de l'Histoire.
Qui aurait pu prédire que le PS retournerait sa veste ? Qui aurait pu prédire que certains anticiperaient déjà l'APRÈS ? Et qui aurait pu croire qu'un an à peine après cette union qui nous a sauvés de l'extrême-droite, on en soit revenus aux mêmes querelles de “toute la gauche sauf LFI” contre l'indésirable Mélenchon ?
En 18 mois, LFI n'a jamais cédé, jamais lâché, jamais renié leurs convictions, qui sont pourtant partagées par les électeurs des verts, du PCF et affiliés, et sans doute de nombreux électeurs dépolitisés, que leur diabolisation a laissés indifférents.
Il s'en est passé des choses en 18 mois. Les accusations d''antisémitisme, les injonctions de laisser la place à une union plus “large”, les assimilations honteuses avec l'extrême-droite, les moqueries envers le “selfie-boat”, une censure du gouvernement, suivie de plusieurs échouées (PS : merci pour votre soutien), les mensonges, la manipulation, l'acharnement médiatique sur tous ceux qui soutiennent un réel rééquilibrage, une véritable justice sociale, une vraie politique de redistribution, un acharnement sans vergogne par tous ceux à qui profite le système actuel, et qu'un gouvernement encore un peu plus autoritaire ne ferait pas trembler.
Quand j'observe tout ça, depuis plus d'un, et quand au détour d'une conversation entre collègues, on en vient à parler politique, c'est toujours le même refrain que j'entends : “de toutes façons c'est tous les mêmes, c'est magouille et compagnie, ils pensent qu'à leur carrière, ...” etc etc.
La désinformation fonctionne à plein régime.
Cette phrase je l'avais entendue depuis longtemps mais je l'avais snobée. Plutôt hitler que le front populaire ? N'exagérons pas ! Au bout du compte, il y a toujours une digue, un “barrage républicain”, un sursaut.
Du peuple, oui. Mais pas de nos élites !
Si lors des législatives post-dissolution, il y a eu de la part de certains droitards une clarification, un aveu que, malgré leur acharnement, bien sûr que la France insoumise n'a rien à voir avec le rn, on observe depuis lors une campagne à grande échelle de minimisation de tout ce qui devrait rendre l'extrême-droite indésirable aux yeux de n'importe quelle personne censée, associée à une perpétuelle diabolisation de LFI.
Pour le parti médiatique, c'est une évidence, plutôt Marine que Jean-Luc, plutôt Jordan que Sandrine, plutôt Éric (choisissez parmi votre raciste préféré) qu'Aymeric, etc etc.
Dans toute cette ambiance nauséeuse, la réélection de Trump aurait pu rappeler à chacun ce qu'est l'extrême-droite, et que le rn est d'extrême-droite : incompétence manifeste, racisme crasse, rejet des minorités, recul de la science. Mais on observe un paysage médiatique totalement compatible avec cette vision du monde.
Le projet de société de l'extrême-droite peut se résumer ainsi : “N'embêtons pas ces braves gens avec des histoires compliquées, il faut laisser les élites gérer les affaires courantes, ces gens n'y comprennent rien. “
Chaque levier de contre-pouvoir devient alors une obscure agence payée avec de l'argent public pour faire on-ne-sait-pas-vraiment-quoi, l'école publique devient alors un mammouth agonisant qu'on ferait mieux d'achever, France TV un gouffre qui devrait être racheté par un milliardaire, le parlement un gaspillage manifeste des impôts des braves gens, etc etc.
Mais si ce discours semble prendre, dans la population, si la diabolisation de LFI semble trouver autant d'écho dans les classes populaire que cette idée absurde selon laquelle le rn serait “proche des gens”, on a parfois des moments d'espoir, qui nous rappellent qu'on n'est pas dans un pays de cons.
Le non de 2005 en était un. Le non à l'extrême-droite de 2024 en était un autre. Le non à la loi Duplomb vient se glisser ici, comme une étincelle dans un tunnel sombre et sans fin, pour nous rappeler qu'on est là, qu'on est nombreux, qu'on ne cède pas et qu'on ne lâchera rien.
Alors, comptons nous ! En tout cas moi je compte sur vous ✊🏻
Je vous avais prévenu.