Et puis vint Spécial Strange 33
Cet article est paru ici sous le pseudo de Radagast
Enfant, je dévorais les histoires de superhéros. Strange, Spécial Strange, Spidey, Nova : autant de revues publiées alors par les éditions Lug et qui ont largement contribué à forger mon imaginaire. J’adorais également Tintin ou Astérix, mais les superhéros apportaient une dimension feuilletonnante et proposaient un univers partagé où L’Araignée pouvait croiser les X-Men ou bien Iron-Man, tout ça me ravissait.
Parmi ces personnages, les X-Men ont toujours eu une place particulière pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il en existait deux versions qui étaient publiées simultanément, les anciens X-Men dans Spidey étaient des rééditions et présentaient des héros débutants. Les nouveaux X-Men paraissaient dans Spécial Strange et étaient déjà des adultes bien plus sûrs d’eux et dont les histoires allaient prendre une ampleur qui obsèderait littéralement mon enfance, mon adolescence et reste aujourd’hui encore dans mon panthéon personnel.
Mais au fait, qui sont donc ces X-Men ? Dans l’univers Marvel, on distingue trois types de héros : les héros sans pouvoirs, ceux dont les pouvoirs sont acquis et ceux dont les pouvoirs sont innés et apparaissent à l’adolescence. Les X-men sont de cette dernière catégorie qu’on appelle les mutants. Ils se retrouvent dans l’école du professeur Xavier, où ils apprennent à maîtriser leurs capacités, protégés d’un monde qui les craint.
Nous allons nous intéresser aujourd’hui aux nouveaux X-Men, écrits par Chris Claremont et dessinés par John Byrne, lui-même assisté de Terry Austin à l’encrage. Nous sommes aux environ du Spécial Strange 17... La vie des personnages a déjà connu des soubresauts importants, notamment lorsque Jean Grey, membre fondateur de l’équipe, a hérité de pouvoirs cosmiques et est devenu Phénix, un des personnages les plus puissants de l’univers. Au moment où je prends en route les aventures des personnages, ceux-ci ont été enlevés et sont devenus des bêtes de cirque. Un ancien membre de l’équipe les retrouve et c’est l’occasion pour moi de faire la connaissance de ces nouveaux X-Men dont je ne connais que les plus anciens qui restent : Cyclope et Jean Grey, sa petite amie si puissante. Et là, c’est un feu d’artifice, un homme qui se transforme en acier, une femme qui commande à l’orage, un diable bleu et un personnage enchaîné qui répond au nom de Serval. Toute cette troupe va se libérer (évidemment) pour tomber régulièrement de Charybde en Scylla.
L’équipe va se retrouver séparer et pendant que Cyclope et le gros de la troupe se retrouve chez des dinosaures. Les 2 autres X-Men les croyant morts, ils vont tenter de réapprendre à vivre. Il faudra un certain temps pour que tout le monde se retrouve et pendant ce temps, Jean se retrouvera peu à peu sous la coupe d’un maître de l’illusion qui la manipule pour la transformer en Reine Noire du club des damnés.
Alors, lui... On l'aime pas !!!
Serval... On allait voir ce qu'on allait voir...
Les X-Men triompheront pour constater que Jean est corrompue par son pouvoir et devient le Phénix noir, entité folle qui part dans l’espace et détruit volontairement un soleil, provoquant la mort des planètes satellites avec leurs populations.
Bien sûr, les X-Men ramèneront Jean à la raison, mais juste au moment où tout ce petit monde est enlevé par des extra-terrestres qui veulent condamner le Phénix à mort. Pour leur amie, les héros acceptent un duel contre une autre équipe de héros. Et là débute Spécial Strange 33... Mon monde ne serait plus jamais le même après ça. Du haut de mes 9 ans, j’en eus tout de suite la certitude.
Depuis Spider-Man et les 4 fantastiques, les comics Marvel ont toujours eu une tendance au soap opéra et à la surdramatisation des enjeux. Tout ceci peut paraître péjoratif, pourtant, jamais des personnages de papiers ne m’avaient paru si humains, chaque personnage (et ils sont nombreux) avait une profondeur qui magnifiait leur héroïsme : chacun mesurait ce qu’il avait à perdre et choisissait tout de même le sacrifice. L’héroïsme quoi !
Dans ce fameux épisode, chaque personnage mettait en balance son amitié pour Phénix, la nécessité ou non d’un procès, la question de la peine de mort et le fait que leur équipière avait tué des millions de gens.
Cyclope... Le héros par excellence...
Enfin le duel commença sur la lune. Duel assez largement perdu jusqu’au réveil de Phénix. Et là... L’impensable ! Se rendant compte que son pouvoir la corrompt petit à petit, Jean explique à Cyclope qu’elle doit mourir et choisit de se suicider. J’avais 9 ans, j’en ai 42 aujourd’hui et j’en frissonne encore (l’hypothèse que je sois resté un grand enfant est exclue bien sûr :–)
Le traumatisme ! Ma vie venait de changer tout jamais...
Chris Claremont, le scénariste, restera 17 ans sur le titre et réussira à maintenir un niveau de qualité globale constant, ponctuant son passage d’autres moments mémorables. La notoriété des X-Men lui doit tout. Quant à John Byrne, il signera de son côté plusieurs bandes importantes des comics grand public (notamment les 4 fantastiques ou bien encore Superman pour la concurrence).
Après le départ de Claremont en 1991, les X-Men vivront encore des aventures, dont certaines assez plaisantes, mais ils auront perdu leur voix, une humanité et une cohérence après laquelle tout le monde court depuis. Les intrigues tourneront plus autour de quelques personnages, laissant aux autres un rôle de figurants. Chez Claremont, tout le monde vivait. Le scénariste a tenté plusieurs retours, mais la greffe chez les lecteurs n’a plus repris... Ce que je regrette personnellement.
Ces épisodes, notamment le Spécial Strange 33, sont une sorte d’îlot vers lequel le reviens régulièrement me ressourcer... Mes enfants me prennent pour un fou, mais tant pis, j’assume...
À l'époque, la couverture de Jean Frisano m'était apparue si réaliste que j'étais persuadée qu'il s'agissait d'une image de film...