De tout un peu

Le blog de Frédéric Ferrare

Cet article est initialement paru ici sous le pseudo de Radagast

Vers la fin des an­nées 80, je li­sais as­si­du­ment la revue Strange et ses pe­tites sœurs. J’étais ab­so­lu­ment fondu de bandes des­si­nées de super héros et je com­men­çais à m’in­té­res­ser à tout ce qui gé­né­ra­le­ment avait trait à la BD. Je m’étais acheté un livre de poche qui s’ap­pe­lait 93 ans de bandes des­si­nées par Jacques Sa­doul. Ce livre for­mi­dable dres­sait une his­toire in­ter­na­tio­nale de la BD et par­lait éga­le­ment des œuvres les plus ré­centes et mar­quantes pour l’époque. Parmi celles qui m’avaient in­ter­pelé se trou­vait la pré­sen­ta­tion de Bat­man, the Dark Knight re­turn, par Frank Mil­ler. Ce der­nier était à l’époque en France sur­tout connu des lec­teurs de Strange pour avoir ré­vo­lu­tionné Da­re­de­vil, le su­per­hé­ros de chez Mar­vel, avec des his­toires net­te­ment plus sombres et réa­listes (au­tant que c’est pos­sible dans des his­toires de ce genre). Frank Mil­ler s’at­ta­quait à Bat­man, je ne pou­vais pas rater ça. Et pour un choc, ce fut un choc.

Tout, dans le scé­na­rio et le des­sin (la mise en scène ?), rom­pait avec l’ap­proche tra­di­tion­nelle du per­son­nage en pous­sant au bout la lo­gique du su­per­hé­ros. C’était à la fois un récit hé­roïque, une cri­tique au vi­triol de la so­ciété amé­ri­caine et aussi une vi­sion assez ef­frayante de l’idéo­lo­gie du su­per­hé­ros.

Je ne sais pas si je vais par­ve­nir à vous le choc que ce fût pour l’ado­les­cent de 15 ans que j’étais. Ni Bat­man ni moi ne nous en sommes remis.

La série de 4 épi­sodes dé­bute dans un futur proche où Bat­man a dé­cro­ché et où Bruce Wayne s’étour­dit de loi­sirs dan­ge­reux. L’homme semble avoir la cin­quan­taine, il fête avec le com­mis­saire Gor­don l’an­ni­ver­saire de la re­traite de Bat­man. On ap­prend qu’il s’est fâché avec Robin et qu’il n’a plus de contact avec lui. La ville de Go­tham City est de­ve­nue un enfer où la vio­lence et la peur sont le quo­ti­dien des ha­bi­tants. Les images sont en an­glais, mon vieux scan­ner m’a lâché jus­te­ment au­jour­d’hui où j’en avais be­soin…

Vous de­vi­nez assez vite ce qui va se pas­ser, Bruce va re­mettre le masque… Oui, sauf que psy­cho­lo­gi­que­ment, on com­prend assez vite que le vrai masque est celui de Bruce Wayne et que Bat­man est sa vé­ri­table per­son­na­lité et qu’elle lutte pour se li­bé­rer. Une schi­zo­phré­nie contrô­lée qui, face à la vio­lence alen­tour va voler en éclat et nous ré­vé­ler tout ce qu’est Bat­man et com­ment il sus­cite l’exis­tence de ses en­ne­mis, le Joker en tête qui sort de son état ca­ta­to­nique en voyant Bat­man à la té­lé­vi­sion.
La té­lé­vi­sion est om­ni­pré­sente, al­ter­nant faits di­vers sor­dides et ex­perts pour les ana­ly­ser (toute res­sem­blance avec notre époque est for­tuite… ou vi­sion­naire). La ville est ter­ro­ri­sée par le gang des mu­tants, des jeunes gens pau­més qui se cherchent un guide et com­mettent des crimes atroces.

Bat­man est un vieil homme et son re­tour va être phy­si­que­ment très dif­fi­cile : Son cœur souffre, il prend des coups, saigne et ses ad­ver­saires sont ont la force de la jeu­nesse. Il y a un peu de Clint East­wood dans ce Bat­man. Un super héros res­tant super par na­ture, il va vaincre de­vant tout le monde le chef des mu­tants. Les jeunes se re­con­ver­tissent en chantres de la jus­tice ex­pé­di­tive et se font dé­sor­mais ap­pe­ler les fils de Bat­man.

Bat­man est oc­cupé à pour­chas­ser le Joker et per­sonne ne sait ce qu’il en pense. À la té­lé­vi­sion, les ex­perts dé­battent du fas­cisme sup­posé de ce héros qui com­bat le crime, mais s’af­fran­chit des lois. Les dé­bats sont hou­leux et Bat­man sus­cite à la fois es­poir et ad­mi­ra­tion à Go­tham. Em­ballé par une his­toire ha­le­tante de son héros, le lec­teur va cher­cher à dif­fé­rer sa propre ré­ponse et sa­chant qu’il ne pourra pas tou­jours l’élu­der, tremble un peu.
Pa­ral­lè­le­ment à ce qui se passe à Go­tham, la guerre froide entre Amé­ri­cains et Russes va connaitre un épi­logue nu­cléaire, mais l’in­ter­ven­tion de ce qui se fait de mieux après Dieu selon un Rea­gan qui os­cille entre ca­bo­ti­nage et té­lé­van­gé­lisme va per­mettre d’in­tro­duire un su­per­man à la solde de l’oncle Sam dans notre his­toire.

L’apo­ca­lypse nu­cléaire plus ou moins évi­tée, Su­per­man va être chargé de par­ler à Bat­man pour le convaincre d’ar­rê­ter, sinon il sera en­voyé pour le stop­per. Bat­man, qui a main­tenu l’ordre dans Go­tham pen­dant les per­tur­ba­tions nu­cléaires en fé­dé­rant au­tour de lui et de sa cause la jeu­nesse per­due de Go­tham re­fuse. Le duel sera bien­tôt in­évi­table. Bat­man gagne, mais ma­quille sa mort. Il aban­donne son cos­tume et fonde une sorte de mi­lice à qui il va ap­prendre à pro­té­ger la ville selon ses pré­ceptes : sans armes, mais avec des gnons… et bien sûr en de­hors de tout cadre légal. Le tout avec la bé­né­dic­tion de Su­per­man et du gou­ver­ne­ment qui ferme les yeux tant que c’est dis­cret.

Ce qui est très fort dans cette mi­ni­sé­rie, c’est que l’idéo­lo­gie très droi­tière ap­pa­rait clai­re­ment, mais sans être as­sé­née. Lue au pre­mier degré, c’est une très bonne his­toire de super héros. Au se­cond degré, c’est, au choix une glo­ri­fi­ca­tion des mé­thodes de Bat­man ou un pam­phlet qui les dé­nonce. L’évo­lu­tion d’un au­teur comme Frank Mil­ler oblige à se poser la ques­tion. Le ri­di­cule de Rea­gan dans l’œuvre a long­temps conduit à pen­ser que c’était un pam­phlet à charge contre les ré­pu­bli­cains. Les dis­cours et l’évo­lu­tion de l’œuvre de Mil­l­ler ces der­nières an­nées rendent cette ana­lyse plus dif­fi­ci­le­ment te­nable.

Il n’en reste pas moins que l’œuvre est ébou­rif­fante par les ques­tions qu’elle sou­lève, son in­ten­sité dra­ma­tique, sa dé­me­sure gra­phique son dé­cou­page et son éner­gie. Presque trente ans après, le Dark knight a pro­fon­dé­ment mar­qué le per­son­nage et son ca­rac­tère, le genre des super héros éga­le­ment.
Voilà pour au­jour­d’hui, j’es­père vous avoir donné envie de la dé­cou­vrir. Le livre est dis­po­nible chez Urban co­mics.

Cet article est initialement paru ici sous le pseudo de Radagast

Il y a quelques années , de pas­sage à Col­mar les Alpes pour quelques jours, j’en ai pro­fité pour me rendre dans ce rêve de li­brai­rie que sont Les Pléiades . J’avais eu l’oc­ca­sion d’évo­quer cette toute pe­tite li­brai­rie dans cet ar­ticle(http://​www.​cuk.​ch/​articles/​17887) sur les cartes de Plonk et Re­plonk. La par­ti­cu­la­rité du lieu tient dans le fait qu’il y a assez peu de livres pré­sen­tés, mais qu’on a envie de tous les ache­ter. Sou­vent, on pré­juge de la qua­lité de l’échoppe en fonc­tion de sa ca­pa­cité à pro­po­ser un choix in­fini. Ici, il me semble que c’est l’in­verse, peu de livres, mais des choix ori­gi­naux qui donnent vé­ri­ta­ble­ment l’im­pres­sion d’avoir de la chance, rien qu’à les contem­pler sur les éta­lages.

Or, ce jour d’été, je tombe sur un titre ex­tra­or­di­naire qui m’a as­piré com­plè­te­ment : Qui­conque nour­rit un homme est son maître. De son au­teur, Jack Lon­don, je n’avais lu que Croc-Blanc en­fant et le livre m’avait beau­coup mar­qué. J’en étais resté là pour­tant de la dé­cou­verte de Jack Lon­don. J’ai en­tendu jadis une émis­sion sur France Inter qui par­lait de lui, avec cette phrase qui cor­res­pond bien à ce que le titre a eu comme effet sur moi et à cette li­brai­rie : Sur les rayons des bi­blio­thèques, je vis un monde sur­gir de l’ho­ri­zon.

Le livre parle de l’écri­vain can­di­dat à la lit­té­ra­ture qui doit ré­soudre le pa­ra­doxe sui­vant : man­ger de son tra­vail ou faire vé­ri­ta­ble­ment de l’art. Lon­don va en­tre­prendre de dé­mon­trer pour­quoi le sys­tème, fondé sur la va­leur ar­gent, rend qua­si­ment im­pos­sible toute so­lu­tion à ce di­lemme. Pour lui, l’écri­vain can­di­dat à la gloire ne peut épan­cher son âme d’ar­tiste dans un tra­vail et échan­ger ce tra­vail contre du pain et de la viande.

Si les ma­ga­zines pré­fèrent vendre du scan­dale et du ra­co­leur, c’est parce que la pu­bli­cité fait ren­trer de l’ar­gent, le ti­rage condi­tionne la pu­bli­cité et le ma­ga­zine existe par son ti­rage. Dès lors, qu’im­pri­mer dans le ma­ga­zine qui puisse in­duire un gros ti­rage qui ap­porte la pu­bli­cité qui fait ren­trer l’ar­gent ? Dans ces condi­tions, on n’im­prime que ce que le lec­teur veut lire, sans cher­cher à l’éle­ver, on le flatte pour s’as­su­rer qu’il re­vienne.

Or, selon l’au­teur, un des pro­blèmes pro­vient du fait que l’éman­ci­pa­tion ré­cente des pauvres par l’ob­ten­tion du droit de vote ne veut pas dire que la po­pu­la­tion juste de­ve­nue ci­toyenne est de­ve­nue culti­vée en même temps. Un ou­vrier de­venu un homme libre, mais à qui on a à peine ap­pris à lire et à pen­ser, et à qui on donne 3 $ par jour pour le tra­vail de ses bras, n’a pas une de­mande cultu­relle très exi­geante au dé­part.

Comme la so­ciété re­pose sur l’ar­gent, Lon­don ré­flé­chit aussi sur le rap­port des masses avec ce­lui-ci. Des po­pu­la­tions pré­caires doivent faire le choix entre consa­crer tout leur ar­gent à des be­soins pri­maires (se nour­rir, se vêtir, se loger) ou bien de consa­crer une part de cet ar­gent à l’achat d’un ma­ga­zine. Dans l’hy­po­thèse de cette se­conde op­tion, quelle somme peuvent-ils consa­crer à cet achat ? Et com­ment les convaincre d’ache­ter votre ma­ga­zine ? En de­ve­nant le porte-pa­role de ces gens. Ces lec­teurs sont l’es­sen­tiel du ti­rage et comme Qui­conque nour­rit un homme est son maître, on leur donne ce qu’ils veulent lire.

Enfin, Jack Lon­don parle des cri­tiques éclai­rés, ceux qu’il com­pare au maître d’école d’un ni­veau moyen. Les élèves ont beau trou­ver plus de plai­sir au bour­don­ne­ment d’une mouche verte qu’à la ra­cine cu­bique, le maître d’école mar­tèle, mar­tèle, mar­tèle jus­qu’à leur faire en­trer la ra­cine cu­bique dans la tête. Le cri­tique doit avoir une vi­sion de long terme. Jack Lon­don consi­dère ces cri­tiques rares, puisque, comme les can­di­dats à la lit­té­ra­ture, ceux-ci doivent sou­vent cri­ti­quer des œuvres qui sont en pu­bli­cité quelques pages plus loin...

L’au­teur est-il condamné à pro­po­ser une vé­rité at­té­nuée, une vé­rité di­luée, une vé­rité in­si­pide, in­of­fen­sive, une vé­rité conven­tion­nelle, une vé­rité éla­guée pour être lu ? Peut-être ou peut-être pas, c’est le pro­blème de l’écri­vain, pas celui du ré­dac­teur en chef du ma­ga­zine.
Ce qui m’a frappé dans ce petit texte, c’est son ac­tua­lité et son acuité. On re­trouve avec cent ans d’avance des thèmes comme le temps de cer­veau dis­po­nible pour Coca-Cola cher à Pa­trick Le Lay, la cri­tique que l’on peut faire d’émis­sions à fortes au­diences comme celles de Cyril Ha­nouna, voire celles d’émis­sions sa­ti­riques qui ont lar­ge­ment pris le pas sur des émis­sions de fond. Quelques chaînes ou jour­naux ont le luxe (ou le mé­rite) de s’af­fran­chir de la pu­bli­cité et de la dic­ta­ture de l’au­dience, mais cela de­meure somme toute mar­gi­nal. En un sens, la ré­flexion de Jack Lon­don pré­fi­gure une par­tie de la pen­sée de Noam Chom­sky dans La fa­brique du consen­te­ment.

À l’époque de Lon­don, l’écri­vain est pu­blié dans les ma­ga­zines, mais ce qu’il ex­plique est lar­ge­ment trans­po­sable à notre belle époque, à la té­lé­vi­sion et aux ré­seaux so­ciaux de type Fa­ce­book.

Vous l’au­rez com­pris, je vous re­com­mande chau­de­ment la lec­ture de ce petit livre dont voici la cou­ver­ture :
quiconque-nourrit-un-homme

Cet article est paru ici sous le pseudo de Radagast

En­fant, je dé­vo­rais les his­toires de su­per­hé­ros. Strange, Spé­cial Strange, Spi­dey, Nova : au­tant de re­vues pu­bliées alors par les édi­tions Lug et qui ont lar­ge­ment contri­bué à for­ger mon ima­gi­naire. J’ado­rais éga­le­ment Tin­tin ou As­té­rix, mais les su­per­hé­ros ap­por­taient une di­men­sion feuille­ton­nante et pro­po­saient un uni­vers par­tagé où L’Arai­gnée pou­vait croi­ser les X-Men ou bien Iron-Man, tout ça me ra­vis­sait.

Parmi ces per­son­nages, les X-Men ont tou­jours eu une place par­ti­cu­lière pour plu­sieurs rai­sons. Tout d’abord, il en exis­tait deux ver­sions qui étaient pu­bliées si­mul­ta­né­ment, les an­ciens X-Men dans Spi­dey étaient des ré­édi­tions et pré­sen­taient des héros dé­bu­tants. Les nou­veaux X-Men pa­rais­saient dans Spé­cial Strange et étaient déjà des adultes bien plus sûrs d’eux et dont les his­toires al­laient prendre une am­pleur qui ob­sè­de­rait lit­té­ra­le­ment mon en­fance, mon ado­les­cence et reste au­jour­d’hui en­core dans mon pan­théon per­son­nel.
Mais au fait, qui sont donc ces X-Men ? Dans l’uni­vers Mar­vel, on dis­tingue trois types de héros : les héros sans pou­voirs, ceux dont les pou­voirs sont ac­quis et ceux dont les pou­voirs sont innés et ap­pa­raissent à l’ado­les­cence. Les X-men sont de cette der­nière ca­té­go­rie qu’on ap­pelle les mu­tants. Ils se re­trouvent dans l’école du pro­fes­seur Xa­vier, où ils ap­prennent à maî­tri­ser leurs ca­pa­ci­tés, pro­té­gés d’un monde qui les craint.

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Nous al­lons nous in­té­res­ser au­jour­d’hui aux nou­veaux X-Men, écrits par Chris Cla­re­mont et des­si­nés par John Byrne, lui-même as­sisté de Terry Aus­tin à l’en­crage. Nous sommes aux en­vi­ron du Spé­cial Strange 17... La vie des per­son­nages a déjà connu des sou­bre­sauts im­por­tants, no­tam­ment lorsque Jean Grey, membre fon­da­teur de l’équipe, a hé­rité de pou­voirs cos­miques et est de­venu Phé­nix, un des per­son­nages les plus puis­sants de l’uni­vers. Au mo­ment où je prends en route les aven­tures des per­son­nages, ceux-ci ont été en­le­vés et sont de­ve­nus des bêtes de cirque. Un an­cien membre de l’équipe les re­trouve et c’est l’oc­ca­sion pour moi de faire la connais­sance de ces nou­veaux X-Men dont je ne connais que les plus an­ciens qui res­tent : Cy­clope et Jean Grey, sa pe­tite amie si puis­sante. Et là, c’est un feu d’ar­ti­fice, un homme qui se trans­forme en acier, une femme qui com­mande à l’orage, un diable bleu et un per­son­nage en­chaîné qui ré­pond au nom de Ser­val. Toute cette troupe va se li­bé­rer (évi­dem­ment) pour tom­ber ré­gu­liè­re­ment de Cha­rybde en Scylla.

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L’équipe va se re­trou­ver sé­pa­rer et pen­dant que Cy­clope et le gros de la troupe se re­trouve chez des di­no­saures. Les 2 autres X-Men les croyant morts, ils vont ten­ter de ré­ap­prendre à vivre. Il fau­dra un cer­tain temps pour que tout le monde se re­trouve et pen­dant ce temps, Jean se re­trou­vera peu à peu sous la coupe d’un maître de l’illu­sion qui la ma­ni­pule pour la trans­for­mer en Reine Noire du club des dam­nés.

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Alors, lui... On l'aime pas !!!

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8 Ser­val... On al­lait voir ce qu'on al­lait voir...

Les X-Men triom­phe­ront pour consta­ter que Jean est cor­rom­pue par son pou­voir et de­vient le Phé­nix noir, en­tité folle qui part dans l’es­pace et dé­truit vo­lon­tai­re­ment un so­leil, pro­vo­quant la mort des pla­nètes sa­tel­lites avec leurs po­pu­la­tions.

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Bien sûr, les X-Men ra­mè­ne­ront Jean à la rai­son, mais juste au mo­ment où tout ce petit monde est en­levé par des ex­tra-ter­restres qui veulent condam­ner le Phé­nix à mort. Pour leur amie, les héros ac­ceptent un duel contre une autre équipe de héros. Et là dé­bute Spé­cial Strange 33... Mon monde ne se­rait plus ja­mais le même après ça. Du haut de mes 9 ans, j’en eus tout de suite la cer­ti­tude.

De­puis Spi­der-Man et les 4 fan­tas­tiques, les co­mics Mar­vel ont tou­jours eu une ten­dance au soap opéra et à la sur­dra­ma­ti­sa­tion des en­jeux. Tout ceci peut pa­raître pé­jo­ra­tif, pour­tant, ja­mais des per­son­nages de pa­piers ne m’avaient paru si hu­mains, chaque per­son­nage (et ils sont nom­breux) avait une pro­fon­deur qui ma­gni­fiait leur hé­roïsme : cha­cun me­su­rait ce qu’il avait à perdre et choi­sis­sait tout de même le sa­cri­fice. L’hé­roïsme quoi !

Dans ce fa­meux épi­sode, chaque per­son­nage met­tait en ba­lance son ami­tié pour Phé­nix, la né­ces­sité ou non d’un pro­cès, la ques­tion de la peine de mort et le fait que leur équi­pière avait tué des mil­lions de gens.

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13 Cy­clope... Le héros par ex­cel­lence...

Enfin le duel com­mença sur la lune. Duel assez lar­ge­ment perdu jus­qu’au ré­veil de Phé­nix. Et là... L’im­pen­sable ! Se ren­dant compte que son pou­voir la cor­rompt petit à petit, Jean ex­plique à Cy­clope qu’elle doit mou­rir et choi­sit de se sui­ci­der. J’avais 9 ans, j’en ai 42 au­jour­d’hui et j’en fris­sonne en­core (l’hy­po­thèse que je sois resté un grand en­fant est ex­clue bien sûr :–)

14 Le trau­ma­tisme ! Ma vie ve­nait de chan­ger tout ja­mais...

Chris Cla­re­mont, le scé­na­riste, res­tera 17 ans sur le titre et réus­sira à main­te­nir un ni­veau de qua­lité glo­bale constant, ponc­tuant son pas­sage d’autres mo­ments mé­mo­rables. La no­to­riété des X-Men lui doit tout. Quant à John Byrne, il si­gnera de son côté plu­sieurs bandes im­por­tantes des co­mics grand pu­blic (no­tam­ment les 4 fan­tas­tiques ou bien en­core Su­per­man pour la concur­rence).

Après le dé­part de Cla­re­mont en 1991, les X-Men vi­vront en­core des aven­tures, dont cer­taines assez plai­santes, mais ils au­ront perdu leur voix, une hu­ma­nité et une co­hé­rence après la­quelle tout le monde court de­puis. Les in­trigues tour­ne­ront plus au­tour de quelques per­son­nages, lais­sant aux autres un rôle de fi­gu­rants. Chez Cla­re­mont, tout le monde vi­vait. Le scé­na­riste a tenté plu­sieurs re­tours, mais la greffe chez les lec­teurs n’a plus re­pris... Ce que je re­grette per­son­nel­le­ment.

Ces épi­sodes, no­tam­ment le Spé­cial Strange 33, sont une sorte d’îlot vers le­quel le re­viens ré­gu­liè­re­ment me res­sour­cer... Mes en­fants me prennent pour un fou, mais tant pis, j’as­sume...

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À l'époque, la couverture de Jean Frisano m'était apparue si réaliste que j'étais persuadée qu'il s'agissait d'une image de film...

Cet article est paru ici sous le pseudo de Radagast

Parmi les au­teurs que j’ap­pré­cie dans le monde de la bande des­si­née, Wil Eis­ner tient une place à part. Mais peut-être dois-je au­pa­ra­vant vous ex­pli­quer com­ment je l’ai dé­cou­vert. Cer­tains d’entre vous se sou­viennent peut-être que je suis grand dé­vo­reur d’illus­trés et en par­ti­cu­lier de co­mic-books. Vers 1987 ou 1988, entre 13 et 14 ans, un petit livre aux édi­tions j’ai lu se trou­vait perdu dans les rayon­nages du rayon li­brai­rie de l’hy­per­mar­ché que fré­quen­taient mes pa­rents.


C’est dans ces mêmes rayon­nages qu’à l’âge de 11 ans, j’avais déjà sup­plié mes pa­rents de m’of­frir les trois tomes en livre de poche du Sei­gneur des An­neaux , j’y re­ve­nais donc ré­gu­liè­re­ment avec ap­pé­tit. Ce livre s’in­ti­tu­lait 93 ans de bande des­si­née par Jacques Sa­doul et pré­sen­tait une his­toire mon­diale de la bande des­si­née. Ce livre, que je tiens au­jour­d’hui en­core pour un des meilleurs, m’a ou­vert des pistes de lec­tures et pré­senté des au­teurs que j’al­lais re­cher­cher et dé­vo­rer. Je crois que je l’ai tel­le­ment lu que je connais presque par cœur. Bref, dans ce livre, on pré­sen­tait Will Eis­ner comme étant un des papes de la bande des­si­née. Moi qui vé­né­rais tous les au­teurs de Strange et consorts, lui je ne le connais­sais pas. Or à l’époque, il ne sem­blait pas tra­duit. Mais en 1995, ac­cé­lé­ra­tion car­diaque in­tense (vé­ri­dique) je croi­sai Drop­sie Ave­nue dans une li­brai­rie. Étu­diant re­la­ti­ve­ment im­pé­cu­nieux, mais ayant le sens des prio­ri­tés, je l’ache­tai im­mé­dia­te­ment. Ce fut au-delà du choc que j’avais fan­tasmé (oui, je fan­tasme beau­coup sur les livres qui m’at­tirent, ne cher­chez pas Doc­teur). Drop­sie Ave­nue est un roman gra­phique, dont Will Eis­ner est un des pré­cur­seurs. Après une riche car­rière dans les co­mic-srip (bandes qui pas­saient dans les jour­naux) avec son héros The Spi­rit, Will Eis­ner a théo­risé son art dans L’art sé­quen­tiel (dans le genre, on lira aussi avec in­té­rêt L’Art in­vi­sible de Scott Mc­Cloud ).


Drop­sie Ave­nue pré­sente la vie d’un quar­tier de New York au cours du XXe siècle. Il n’y a pas vrai­ment de héros, mais on y croise des per­son­nages qui tra­versent la vie du quar­tier au fil des époques.

Eis­ner ana­lyse com­ment un quar­tier évo­lue, de simple ferme à quar­tier bour­geois à quar­tier dé­classé. Le quar­tier ac­cueille dif­fé­rentes vagues mi­gra­toires qui conduisent les ha­bi­tants pré­cé­dents à par­tir par peur que les nou­veaux ne dé­classent le quar­tier.


Les ten­sions com­mu­nau­taires ali­men­tées sou­vent par les conflits dans les­quels l’Amé­rique est en­ga­gée, les drames per­son­nels, la crise de 29, par­fois les ma­riages mixtes ponc­tuent un récit qui n’est ja­mais dé­mons­tra­tif, tant Eis­ner sait cro­quer en quelques des­sins (la no­tion de case est ici assez re­la­tive) l’hu­ma­nité, les am­bi­tions et les dé­tresses des per­son­nages.

Si les dia­logues res­ti­tuent sou­vent les en­jeux du quar­tier, cer­taines sé­quences muettes mettent en scène des tra­gé­dies in­times d’une façon que je trouve poi­gnante.

Cer­tains per­son­nages se re­trouvent par mo­ments avec une réelle nos­tal­gie d’un quar­tier en per­pé­tuelle évo­lu­tion.


Cha­cun finit par se re­con­naître de Drop­sie Ave­nue, même si les uns et les autres n’ont pas les mêmes sou­ve­nirs.

Dans un des tomes du Combat Ordinaire de Manu Larcenet, un des per­son­nages fus­tige le pa­trio­tisme de quar­tier des jeunes qu’il croise et cela avait fait écho en moi à Drop­sie Ave­nue, où fi­na­le­ment, votre quar­tier peut vous mar­quer et de­ve­nir un vec­teur de re­con­nais­sance, de so­li­da­rité, d’ac­cep­ta­tion ou bien de rejet de l’autre. Un petit monde en mi­nia­ture en somme.



Le Com­bat Or­di­naire T.4

Si le Com­bat Or­di­naire crée des connexions en moi avec Drop­sie Ave­nue, je m’en vou­drais aussi de ne pas vous citer mon film fa­vori, Vincent, Fran­çois et les autres de Claude Sau­tet où la scène le plus cé­lèbre du filme m’évoque éga­le­ment le livre de Will Eis­ner.

Au dé­part, il y a peut-être peu de rap­ports entre toutes ces œuvres, mais ce sont peut-être ces connexions in­vi­sibles qui, au bout du compte, contri­buent à créer ce Pan­théon per­son­nel où les œuvres qu’on aime se ré­pondent.