
buissons émergeant
du léger voile de brume
les souvenirs épars
ne tracent aucune piste
les pas sur le sol givré
s'aimantent vers les collines
à portée de marche
à mesure que le matin s'étire
très lentement
les ombres
diminuent
photo © @FFShukke_reboot@framapiaf.org

dans l'entrelacs confus
des cordes retorses
chercher le fil qui libère
trancher par le sabre
ne fera que multiplier
les tronçons de serpents
plutôt dénouer
avec une rage patiente
jusqu’à s'en faire saigner les doigts
chaque nœud serré
qui nous étrangle
photo “Au port, cordages et filets, Ullapool, Ross and Cromarty, Ecosse, Grande-Bretagne, Royaume-Uni.” by Bernard Blanc is licensed under CC BY-NC-SA 2.0.
je suis soufflé sifflé par le vent
troué par la pluie à la surface du ruisseau
tordu par la branche fatiguée de l'arbre
ce n'est pas moi qui parle
c'est la colline sur mon épaule
qui raconte en hérissant ses sapinières
ce sont les ronces en moi
qui se redressent pour déchirer
je ne lance pas les nuages
ils s'échappent de mes joues
courent où ils veulent malgré moi
je n'imagine pas le chemin
il me tourne entre les entrailles
vraiment je vous assure
ce n'est pas moi qui invente

son arc noir tendu
fait flèche de son bec
virage sur l'aile
pour franchir le froid
nulle autre proie que flocons
brins blancs trompeurs
aussitôt changeants
vain tournoiement
de nos sombres pensées
dans le nu cruel de l'hiver
photo “Flying in the snow” by @pixel.fabian is under license CC BY-NC-SA
on essaie de retrouver
le dessin d'ensemble
on s'éloigne
trop ou pas assez
pour mieux voir
rien à faire
des formes quelconques
des couleurs qui se mélangent
ou pas de couleurs du tout
tout ça ne veut rien dire
ça ne dit rien à personne
ce qu'on croit avoir vécu
alors on abandonne
les souvenirs perdus
Photo “Papillon machaon” by @pixel.fabian, under license CC BY-NC-SA

le plateau s'élève
vers les nuages
l'ombre
en vain
s'allonge
elle n’atteindra l'horizon
qu'à la nuit tombée
pas une herbe de la steppe
n'en gardera trace
« Une ombre solitaire sur la steppe mongole » par Ludovic Hirlimann is under license CC BY-SA

fantôme de givre
dans la pâleur de la plaine
l'arbre qui s'en va
sous le ciel qui devient blanc
il choisit de disparaître
*
murmure d'adieu
dans le silence glacé
je laisse à l’automne
branches faibles et cassantes
je laisse au printemps
surgeons fiers et racines vives
photo © @BAM8782@pixelfed.social