
sous la rage du vent
froissement de feuilles
sifflement de branches
vibration de troncs
d’un trop faible souffle
nouer leurs couplets
fredonner leur refrain
du bout des lèvres
langue à peine frémissante
à l'intérieur
paroles perdues de la forêt
si sur la page glisse
une langue à peine mobile
au bout du stylo
#photo #poésie
“Wind in the Oak Tree” par Peter E. Lee, licence CC BY-NC 2.0.
ma mue de printemps
je deviens
lourdes eaux limoneuses
à ma surface mouvante
reflets dorés
du soleil de mars
je deviens
amère amande blanche
par mon poison rapide
les lèvres se révulsent
en un crachat
je deviens
sciure de bois tendre
ma poussière retombée
boit la boue noire
d'une flaque
nous marchons en secret sous un rideau de pluie
dans l'ombre de nos pas les ronces se redressent
les rêves ont perdu pied sous les paupières closes
au bout du chemin on a laissé quelque chose
ni lueur ni mystère
ni chansons ni regrets
océan trop grand trop proche horizon
vie trop pleine et trop vide aussi
des heures que l’on place
sur un grand tableau vide
comme pions sacrifiés
le long de l'eau
où rien ne reste
sur le bord au plus près
on mord à même le flot
puis on boit à grands traits
un autre monde coule entre les lèvres
sans que son eau glacée nous désaltère
chaque rivière que nous suivons
a son fil de terres et de sang

mille branches là-haut
autant de plombs pour les vitraux
d'un jour peint à la grisaille
surgissement furieux d’arbres noirs
en chœur hargneux leur hymne à contre-ciel
ne restent que de pauvres fragments de verre terne
où peine la lumière
Photo par Gilles Le Corre
« Dans la forêt, un peu avant le sommet de la T, 15 février 2024 vers 9h 50. »
Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP