adventices

ça pousse comme ça veut

nous sommes mince ruisseau eau vive à peine faible miroir bien peu de fond

eau venue de nulle part qui semble aller au hasard mais nous savons où est la pente où pouvoir disparaître

ni ronflement de torrent ni fracas de déversoir le ruisseau ne chante pas il chuinte et marmonne glousse et pépie entre ses bords sans écho

au fil de l'eau notre filet de voix

nous sommes eau ridée d'un lent tourbillon qui longuement rêve en rond avant de partir invisible vers une autre courbe dans l'ombre d'une branche basse qui frôle sa surface

mince ruisseau faible miroir bien peu de fond

25 avril 2024

#nousSommes


sous la rage du vent froissement de feuilles sifflement de branches vibration de troncs

d’un trop faible souffle nouer leurs couplets fredonner leur refrain du bout des lèvres langue à peine frémissante à l'intérieur

paroles perdues de la forêt si sur la page glisse une langue à peine mobile au bout du stylo


#photo #poésie “Wind in the Oak Tree” par Peter E. Lee, licence CC BY-NC 2.0.


depuis le pont

lourdes eaux limoneuses du fleuve furieux

remous incessants courants bouillonnants dans toutes les directions

œil hypnotisé cœur penché au ras des eaux des heures à les surprendre et à les perdre pour d'autres tourbillons

une journée bien employée

au creux des marais

obstinés fouillant les flaques

les deux oiseaux blancs     le vent achève sa conquête

sur nos sombres eaux ridées

   
Photo “Two White Egrets” par Mike Boswell, licence CC BY 2.0.

il y a toujours un passage ouvert le temps d'un souffle entre deux eaux qui menacent

on se tord les pieds sur de gros galets entre les rochers

sur cette autre terre la vie qu'on espère

là-bas d'autres anses d'autres falaises et le seul horizon d'une mer grande ouverte

il y a toujours un passage

 
Photo par Ian Cylkowski, licence CC BY-NC-SA 4.0


ma mue de printemps

je deviens lourdes eaux limoneuses

à ma surface mouvante reflets dorés du soleil de mars

je deviens amère amande blanche

par mon poison rapide les lèvres se révulsent en un crachat

je deviens sciure de bois tendre

ma poussière retombée boit la boue noire d'une flaque

 


bravement elles poussent dans le désordre du bord — fleurs de rien du tout

sur la pierraille des jours minuscules éclats de ciel

 


Photo jbm CC0

nous marchons en secret sous un rideau de pluie dans l'ombre de nos pas les ronces se redressent

les rêves ont perdu pied sous les paupières closes au bout du chemin on a laissé quelque chose


ni lueur ni mystère ni chansons ni regrets océan trop grand trop proche horizon vie trop pleine et trop vide aussi des heures que l’on place sur un grand tableau vide comme pions sacrifiés

   


de leurs cœurs grand ouverts les fleurs s'élancent dans le bleu

les oiseaux étonnés écoutent immobiles et muets le chant du magnolia vibrer vers le ciel pur

il nous ignore superbement le printemps qui là-haut se dessine

   
Photo “Magnolia tree” par spablab, licence CC BY-ND 2.0.

le long de l'eau où rien ne reste

sur le bord au plus près on mord à même le flot puis on boit à grands traits

un autre monde coule entre les lèvres sans que son eau glacée nous désaltère

chaque rivière que nous suivons a son fil de terres et de sang