Il est une langue qui ne tient pas qu'à la langue, mais à tout le corps. Une langue qui s'appelle bien “langue” et non “langage”, puisque riche d'une culture qui mérite la reconnaissance. L'intelligence n'est pas que l'apanage des mots, loin de là. Et celle qui transpire dans cette langue m'a redonné un nouveau souffle. Cette langue, c'est la langue des signes.

En image: Une manifestation de sourds en 1993, initiée par l'association Sourds en colère.
Nous avons été cruels avec les sourds. Et je m'inclue dans ce “nous”, car ma personne a été marquée par les actes de mes ancêtres, de ma “patrie”, de mes semblables entendants et ignorants. Je vous raconte l'histoire telle qu'on me l'a racontée.
Congrès de Milan, 1880. Un mec qui se réclame du domaine de la santé, présente deux enfants sourds à ses congénères européens. Mais ce qu'il ne dit pas, c'est que l'un des deux est devenu sourd, il n'est pas né tel quel. Il veut démontrer que l'usage du langage verbal ne représente aucune contrainte pour un sourd... La supercherie fonctionne: l'adulte parle à cet enfant, il lui répond oralement. La France fait partie des pays qui a signé cet accord de Milan. Il n'y est pas stipulé clairement que la langue des signes est interdite, mais c'est tout comme.
Documentaire Ouvre l'oeil “Sourds et Malentendus” :
Cette langue est encore trop invisibilisée et sous-estimée. Souvent reléguée à “une aide pour la mémoire du bébé”, elle nous relie pourtant à notre corps et aux autres, qu'importe l'âge ou la nation. Car c'est une langue qui n'a pas de patrie définie, et qui pourtant reste fédératrice. Il existe une langue des signes propre à chaque pays, et elle possède son Esperanto: La langue des signes internationale.
J'ai envie de rendre hommage à cette langue. A cette rencontre du souffle et des corps. Non pas m'approprier la culture des sourds pour la leur voler, au service de mes propres intérêts. Mais plutôt découvrir, et faire connaître ses richesses en profondeur. Plonger dans le silence des sourds, c'est pour moi narguer les bruits du monde. On pourrait y perdre de vue la qualité vitale d'un lien humain, par-delà les différences. J'ai beau ne pas être née dans leur monde, aucune langue n'a pu combler autant mon besoin de connexion que la langue des signes. Je crois qu'elle mérite mieux que le sort que nous lui avons fait subir durant au moins un siècle.
Livre conseillé pour en apprendre davantage sur l'histoire de cette langue : “Il était une fois, les sourds français”, de Patrice Gicquel EAN 9782810613069
Lieux conseillés: -Associations ou organismes qui organisent des activités avec la communauté sourde (par exemple, CSCS44) -Associations ou organismes qui donnent des cours de langue des signes bénévolement (par exemple, les cours du mercredi soir 18h30 au bar du Chat Noir de Nantes) -L'école de référence pour apprendre en identifiant son niveau: STEUM
Evenements : -Spectacles signés, concerts chansignés -Journée Mondiale des Sourds -Handiclap -La Nuit du Slam (Toulouse) etc...
Ressources : -Les chaînes Youtube d'apprentissage de LSF qui sont tenues par des sourds (celles qui sont tenues par des entendants sont majoritairement imprécises) -Les dictionnaires Elix et Spread the sign, mais toujours confirmer le signe avec un sourd de sa région -Les livres d'apprentissage sur les base de la LSF (Exemple: “ABC...LSF”)
Références : -Créations de David Laigre, artiste plasticien sourd qui rend hommage à la LSF dans ses oeuvres (lien Insta vers laigresfactory44) -Chansignés sur YouTube de Albaricate, Vinzslam, Signes à l'Oeil... -Parcours d'Emmanuelle Labory... -Film recommandé: “Sound of Metal” (2019). Il retrace le parcours d'un homme devenu sourd, confonté d'un côté à la communauté sourde, et de l'autre, à l'implant comme promesse de “guérison”.
Ce travail est sous licence CC BY-NC-ND 4.0