
Cet article issu de LGBT-FRANCE.COM te permettra de découvrir le concept du polyamour.
Le mouvement polymaoureux, à mon sens, implique avant tout une lutte de valeurs.
◦ Une lutte contre quoi ?
Contre l'exclusivité du modèle de la famille nucléaire (Ce à quoi les médias, les publicités et les traditions nous incitent), sous pression de ce qu'on appelle l'“ascenseur relationnel” (étapes successives de la rencontre, puis des fiancailles, du mariage, du concubinage). Je précise que je ne rejette pas la monogamie en soi, simplement le fait de l'ériger comme seul modèle de relation intime, aux dépends des autres possibilités.
Socialement, l'exclusivité de ce modèle peut réduire tes rapports femme-homme à la recherche d'une moitié à ne plus quitter de ta vie, au risque de lui sacrifier le soin de tes propres besoins, même si le partenaire n'y est pas ou peu disponible.
La projection de ce modèle sur l'autre comporte aussi un autre risque : celui t'enfermer dans une routine, ou des contraintes qu'il est difficile de briser. Et pas seulement pour cause d'un acte fort comme le PACS, les fiançailles, le mariage ou la prise en charge des enfants.
Ce titre de Neimad, “Roméo ne kiffe plus Juliette”, renommé “La Routine”, en traduit dramatiquement le processus :
Ce que j'observe, c'est qu'elle peut directement partir du concept même de “Couple”. “Le couple référentiel qu'on admire” selon les termes de Lucchini, est souvent assimilé à une stabilité affective qui n'est pas garantie pour autant, sous prétexte qu'on y soit. Etre en couple “stable” suppose implicitement d'y rester aux dépends du reste, et ce qu'importe la situation de chacun, au risque de s'éloigner de ses amis, son travail, ses loisirs, ses ambitions politiques, personnelles ou spirituelles...
Le polyamour ne vise qu'à ouvrir le champ des possibles aux personnes qui cherchent une autre stratégie pour s'épanouir dans leurs relations intimes, sans avoir à sacrifier leurs aspirations.
◦ Définition de “Couple”
Je cite le CNRTL : “Du lat. class. copula « lien, chaîne; groupe de deux personnes liées par l'amitié, l'amour » lat. impérial « groupe de deux choses ».” (Chose comique, le premier sens publié sur le CNRTL c'est deux chiens attachés ensemble, ce qui est loin d'être enviable)
Derrière ce mot plane souvent l'idéal des âmes sœurs, qui est tellement présent dans notre imaginaire collectif qu'on ne compte plus les fictions à son éloge.
Mais l'origine mythologique des âmes sœurs n'a rien de romantique. Il s'agit du mythe grec de l'Androgyne, amené par Platon, dans lequel les dieux imposent la séparation de créatures siamoises comme une punition, une malédiction qui les voue à la souffrance.
Ce mythe a pu aussi influencer Jean Giraudoux. Dans sa pièce Ondine, il exprime l'impossibilité de l'amour pur sur ce modèle, faute d'être à échelle humaine. On le voit spécialement dans le passage sur les chiens de mer, espèce exemplaire en matière de loyauté dans le couple.
Lire Ondine de Giraudoux N.ISBN 978-2035909602
Regarder l'extrait “Ondine – Les chiens de mer – Jean Giraudoux”, joué par TRICHE! de manière savoureusement absurde.
En tant qu'outil, le polyamour n'a pas le pouvoir de briser des couples. Ce qu'il brise, c'est l'exclusivité de son modèle pour en proposer une alternative.
De la même manière, le PCRA (Plan cul régulier affectif) est une recette alternative à celle des relations de couple, sans pour autant avoir le pouvoir de dégrader ceux qui s'en réclament.
Regarder la Vidéo YouTube “Le PCRA (feat. ANTHONY LASTELLA) – Parlons peu...” sur la chaîne Parlons Peu mais Parlons
◦ Quand est-ce qu'on se dit polya?
Je dirais que tu es en polyamour, quand tu es capable d'éprouver un attachement, une affection profonde et des sentiments pour plusieurs personnes en même temps. Si on entend le pratiquer, il s'agit de se projeter avec l'une comme l'autre dans le cadre d'une intimité, physique et affective, séparément ou collectivement.
Pour des questions éthiques, cel.le.ui qui s'engage dans le polyamour (en entretenant plusieurs relations intimes en même temps) ne peut le faire qu'en étant transparent sur sa démarche avec les personnes concernées, et avec leur consentement clair et positif. Difficile de le faire sans une remise en question constante de sa communication, et une énorme clarté quant à ses limites personnelles et ce qu'on désire vivre avec chacun.
◦ Se qualifier de polya?
L'adjectif “polyamoureu.x.se” n'est pour moi qu'une stratégie pratique, pour celleux qui veulent s'identifier comme appartenant à cette communauté.
Prononcer le terme “amoureu.x.se” fait souvent sortir les violons pour idéaliser ou décrier le fait de se donner de l'affection, ce que je refuse. Je considère qu'il s'agit avant tout de se choisir soi-même pour connaitre ses limites et ses désirs, avant de choisir en conscience le mode de relation qui nous correspond, que ce soit la monogamie ou le polyamour. “Aimez-vous juste normal.” (conseil de Solangeteparle dans sa vidéo YouTube “Je ne suis pas une amoureuse”)
Pour ma part, je préfère le terme “polyaimant.e”, car à mon sens, celui de “polyamoureu.x.se” implique un rapport passif à l'amour. Je suis convaincue que l'amour que chacun a la capacité d'exprimer est actif, et de plusieurs manières. Le mot “aimant” suggère cet acte d'aimer à travers son suffixe “ANT”, sans pour autant supposer de confusion avec l'adultère des “amants”.
Cette réflexion m'est venue en lisant Gary Golemann, Les 5 Langages de l'amour. N.ISBN 979-1028500788
◦ Confusions
Le polyamour n'est donc rien pour moi, en dehors d'une manière d'appréhender ses relations intimes.
J'observe pourtant qu'une vague de confusion déferle sur internet en réaction à ce mouvement. Certains confondent les polyamoureux avec les libertins ou les nymphomanes, d'autres les qualifient de malsains, pensent qu'ils ont du temps à perdre pour engager plusieurs relations en même temps, ou qu'ils voleraient les conquêtes des monogames puisque ces derniers ont eux-mêmes leurs propres difficultés à construire une relation.
La meilleure manière de faire connaissance avec le concept n'est pas de les insulter sur les réseaux, mais de venir à la rencontre de leur communauté en toute humilité.
C'est possible sur Nantes à La Maison Café, 19h50 tous les premiers lundis du mois (sans thématique) et tous les troisièmes mercredis du mois (dans le cadre d'un sujet à débattre). Que tu te réclame du polyamour ou que tu y sois confonté, polyacceptant ou simplement curieux du concept, tu y seras accueilli sur des principes de mixité, de respect et de confidentialité.
Rejoindre le groupe (que ce soit en presentiel ou sur facebook, par exemple sur le groupe Café Poly Nantes) demande d'être en accord avec les règles établies en amont.
Ce travail est sous licence CC BY-NC-ND 4.0