Jamais trop tard
Prêté par un ami, Jamais trop tard est un de ces livres que je n'aurais jamais pu découvrir autrement que conseillé par quelqu'un. En effet, je n'en connaissais pas l'auteur, et la quatrième de couverture ne m'aurait sans doute pas convaincue. Pourtant, Jamais trop tard est de ces délices cachés qui ne se dévoilent qu'à force d'intérêt et de patience. Lorsqu'on abaisse les barrières de nos certitudes de lecteur, il se révèle des plus enrichissant.
Contant l'histoire de la disparition impromptue d'une jeune femme, Donna et de la quête incessante de son compagnon, Art, pour la retrouver, Jamais trop tard n'a pourtant rien d'un livre policier ou d'une chronique sentimentale. Construit sans aucune respiration, c'est le récit d'une quête sans fin, sans ordre. La quête d'un signe, d'une aide, d'une compréhension. Plaçant la ville (New York) et ses habitants au cœur de l'intrigue, l'auteur en fait ressortir toutes les discordances. Elle est noire de monde mais bercée d'une indifférence mêlée de violence, elle est foisonnante sans que l'on puisse en suivre les méandres, elle ne s'arrête jamais de vivre mais on peut s'y évanouir sans laisser de trace.
Sillonnant sans interruption ce décor urbain étouffant, notre héros, Art, oscille entre prosaïsme et naïveté touchante et ne cesse de nous étonner, au milieu de tant d'incongruités, par la justesse de certaines de ses pensées.
Car l'absurdité survient, aussi subtile que l'écriture de Stephen Dixon, berçant le récit d'une perspective kafkaïenne qui en réhausse d'autant plus la qualité. Cette chronique ininterrompue prend alors des allures d'épopée fantastique, tragique, à l'image de la noirceur des rues New Yorkaises et nous laisse, finalement, autant de perspectives que de limites.
Note: Lu dans l'ancienne édition des éditions Balland, j'ai préféré indiquer les références de l'édition actuelle, toujours disponible aux éditions Cambourakis.
Jamais trop tard | Stephen Dixon | Traduit par Isabelle El Guedj | Éditions Cambourakis