Knit’s Island, l’île sans fin

Film documentaire insolite, Knit's Island se passe en immersion totale dans un jeu vidéo open world survivaliste plein de zombies (DayZ, pour ne pas le nommer). Dans ce monde qui se joue en ligne, de nombreux individus connectés tentent de survivre. Pour cela, certains s'organisent en véritables communautés. Les trois réalisateurs ont choisi de pénétrer ce lieu sous les avatars d'une équipe de tournage et de passer par ce médium (y passant des centaines d'heures et pas moins de 4 années) pour interviewer les joueurs de ces différents groupes et interroger leur rapport au jeu et au réel.
Ce qui frappe en premier lieu dans ce dispositif, c'est l'humilité et le respect avec lequel les réalisateurs sont allés à la rencontre des joueurs. Sur leur terrain, selon leurs règles, avec patience, discrétion et sans jugement. La profonde désolation qui caractérise l'univers du jeu contribue à rendre cette immersion profonde et troublante. Les paysages sont magnifiquement désolés, l'animation des personnages est parfois hasardeuse... tout cela nous entraîne dans un trouble diffus, que les paroles des différents interviewés ne font que renforcer. Quand on les laisse libres de s'exprimer, les joueurs sont particulièrement surprenants. Les avatars leur permettent de se dévoiler avec une sincérité parfois désarmante, toujours fascinante. Les chemins qu'ils prennent pour survivre dans le monde virtuel s'avèrent extrêmement différents, permettant l'émergence de véritables organisations.
Le parti pris esthétique fort du film doublé par le véritable engagement des réalisateurs font de Knit's Island une réussite à bien des niveaux, véritable passerelle qui gomme complètement la frontière entre le virtuel et le réel, prouvant par là même à quel point elle est mince, presque résorbable.
Knit’s Island, l’île sans fin | Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’Helgoualc’h | 2022