adventices

ça pousse comme ça veut

sol gelé

rameau mort

son bois sec

brisé net

sous le pied

dans le silence

le chant d'hiver

de la forêt

   


ombres même la nuit

nous sommes des ombres
insaisissables sans consistance
fugaces mouvantes et sans limites

tout dévie vers nous
les flux de lumière les plus infimes

ainsi nous formons silhouettes en négatif monstres tournoyants que la nuit même n'interrompt pas

#nousSommes


tracé en secret par le vent

entre fourrés et broussailles

le chemin de feuilles

fragile balisage

pour guider sur leurs pas

les amants de l'automne


Photo par Geneviève Sygan


obscurs signes flottants sans cesse changeants fils lumineux confus dessinés par la lune sur l'eau fuyante

nos indéchiffrables messages instables écheveaux de reflets bientôt noyés dans les eaux noires

Photo “Moon Water” par Bill Jacobus, licence CC BY 2.0


pluie tranquille lente traînée de bruine pluie venteuse folle qui fonce de traviole pluie battante pluie chantante pluie qui crépite sur ma capuche

pluie des trottoirs trempés pluie des flaques pluie qui rigole des chéneaux aux caniveaux aux ruisseaux

pluie des arbres qui s'ébrouent pluie sans nombre et sans horaire pluie qui tombe sur moi sur vous sur tout

visage vers le ciel je tends vers vous mes lèvres et vous bois à pleine gorge

— devenir avec vous millions de gouttes d'eaux !


brume basse arbres hauts

leur liberté défie la pente et troue le ciel

grand désordre vibrant leur puissant chant de vie


Photo par Gilles Le Corre « sur la pente, dans les nuages – 19 octobre 2023 » Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP


silence sous le nuage

le combat a cessé dans la forêt profonde

les troncs s'entêtent encore vers le ciel bas

leurs branches inventent des oiseaux

depuis longtemps partis


Photo par Gilles Le Corre, « la forêt dans le brouillard, au sommet de la T. – 19 octobre 2023 » Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP


les oiseaux sont partis ce matin

avec mille poussières dans les yeux je m'invente un nouveau jeu avec des jetons pour marquer la recette du point perdu

ce matin les oiseaux ont quitté la partie


sans pudeur aucune se dévêtir des lambeaux — beauté sans écorce

l'arbre sait abandonner les blessures des années

dans le miroir inutile mon torse nu ne montre rien

sous l'écorce une autre écorce et bien d'autres encore


Phto pxhere.com licence CC0


lentement

là-haut

nos songes

défilent

 

un océan blanc

les emporte

au-dessus des forêts

 

un seul souffle

dans le ciel

va déchirer le voile

puis crever les torrents

de nuages

 

nous verrons alors

au réveil sur le rivage

se dessiner enfin

d'autres images

   

Photo par @technicaltundra@mastodon.social, licence CC-by-nd 4.0


le pied prend appui

sur l’air

quand le corps

s’envole


le regard perce les parois de la peau

et rejoint

la main

plus court chemin

de l’œil au dessin




Dessin de Gilles le Corre « Étude N° 261 Crayon rouge sur papier vergé 26 x 34 cm Novembre 2023 », – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP


patience des rochers

indifférents à l'eau captive

 

le ciel a renoncé

aux lumières du soir

 

dans le jour qui s'éteint

le sable vibre encore

 

le flux toujours revient

dans la nuit sans personne

 
Photo par Amanda Hinault, licence CC BY-SA 2.0

fièvre des jours rompus

insaisissables filaments

dans le sable aveuglant

traces en pointillés


votre ardeur n’est pas la mienne

je n’ai pour incandescence

que la danse des reflets

sur l’eau vive d’un ruisseau

   


#poésie

étreinte de feu

pour embraser le bois mort

feuillage d'automne

 

irrésistibles torsions

d'un corps ravi par l'amour


Photo © Geneviève Cygan

#poésie #photo

ce n'est pas à vous que je parle

je parle au vieux chien résigné qui ne sortira plus du refuge

je parle au sachet de chips vide qui voltige du fossé vers la route de la route vers le fossé à chaque voiture qui passe

je parle à la main écrasée par le bloc de béton tombé de l'immeuble effondré

je parle à la feuille de platane qui reste seule sur la branche sans rejoindre toutes celles qui sont à terre

je parle à la partie de go entamée jamais achevée avec un ami désormais évanoui

je parle aux tiges de bambou au torrent boueux à la falaise sans nom

je parle aux rafales de vent qui labourent le sable aux sentiers de montagne perdus dans les premiers rochers

je parle aux ombres des poissons aux fleurs saisies par le gel aux oiseaux jamais nés

ce n'est pas à vous que je parle je ne suis même plus là


#poésie

élan farouche

silhouette électrique

torse dressé

pour désarçonner

l'ombre portée

 

mouvement rageur

espace conquis

 

tête secouée

passé déchiré

 

danse ardente

corps indompté


Étude de Gilles Le Corre : « Variation N°2, Modèle : @Neko0001 (2021) Crayon, crayon de couleur bleu et rouge et fusain sur papier vergé 85g/m2, 25,7x36 cm » – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP


#dessin #poésie