Un Spicilège

Mon grand garçon est un court-métrage de Maximilien Gomes que j'ai découvert sur la plateforme Freaks On. Plateforme qui, si elle est dédiée au fantastique et à l'horreur, n'hésite pas à aller taquiner d'autres genres parmi les plus chelous...

Le court-métrage est un genre que j'affectionne particulièrement (comme j'aime les nouvelles en littérature) tant je loue la capacité des créateurs à installer un univers et à mener une idée à bien en peu de temps. Je trouve même qu'il se permet souvent des fantaisies plus extrêmes que le long.
Maximilien Gomes réussit par exemple en quelques plans, quelques secondes à peine, à nous plonger au cœur d'une atmosphère étrange et oppressante, et à nous convaincre qu'il y a quelque chose de bizarre dans l'air.

Le premier plan introduit Mathias, personnage principal du film, assez taciturne, occupé à regarder Fenêtre sur cour à la télévision, tandis qu'en parallèle celle qui apparaît clairement comme sa mère s'acharne à faire disparaître une tache dans la cuisine. On se rend alors compte que les rapports sont sacrément perturbés dans cette famille et l’enchaînement des événements fait rapidement craindre le pire.
Pourtant, et malgré le format, le réalisateur parvient à mener son intrigue sans la précipiter, mais trouve le rythme parfait pour nous présenter ce drôle de conte macabre.
Ce sont avant tout les choix esthétiques de ce film qui m'ont fait lever les sourcils d’intérêt. Tout, dans les plans, les décors, les costumes ou le son, est parfaitement choisi et permet de nourrir l'originalité du récit, et même si la direction d'acteur aurait mérité d'être un peu plus affirmée, le tout forme un ensemble particulièrement captivant.
Si la référence à Hitchcock est flagrante et assumée, Maximilien Gomes a tout de même su, par petites touches, s'extraire un peu des codes et c'est donc avec plaisir que je suivrai la suite de sa carrière.


Mon grand garçon | Maximilien Gomes | 2020

L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau

Le sens de l'odorat, disait-il, je n'y avais jamais pensé. Normalement, on n'y pense pas.
Mais, quand je l'ai perdu, j'ai eu l'impression d'être frappé de cécité. La vie a perdu une bonne partie de sa saveur. On ne sait pas à quel point la saveur est odeur.

Paru en 1985 et moult fois cité depuis comme une référence sur le sujet, L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau est un livre dans lequel le neurologue Oliver Sacks décrit les cas cliniques les plus étranges auxquels il a été confronté. Un peu plus de 20 cas, regroupés en 4 sections et balayant un large spectre de pathologies.
C'est un livre que j'avais envie de lire depuis longtemps, j'ai donc été très contente qu'il me soit conseillé par Dimitri Reigner (j'avoue que ça n'a rien à voir, mais si tu ne connais pas son boulot, n'hésite pas à t'abonner à sa newsletter) dans le cadre de mon challenge 12 mois, 12 livres, 12 (masto)potes.

Livre à la fois passionnant et émouvant, je l'ai dévoré. Oliver Sacks est un excellent vulgarisateur, qui a su choisir avec soin ses anecdotes, offrant une cohérence et un véritable parcours de découverte tout au long de la lecture. Bien qu'il accuse le coup des années (beaucoup d'avancées ont été faite sur ces sujets depuis) il frappe par la formidable bienveillance qui se dégage de ce médecin dont la préoccupation principale n'est pas de guérir ses patients mais plutôt de les rendre heureux.

Plongée passionnante dans les méandres du cerveau humain, il a la grande qualité de mettre en avant une branche de la médecine encore et toujours tenue à l'écart du grand public, et négligée par une société obsédée par la normalité.


L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau | Oliver Sacks | Traduit par Édith de la Héronnière | Points – Seuil

Murder Party

Je suis allée voir Murder Party, le long-métrage de Nicolas Pleskof, après avoir tellement apprécié son court-métrage Zoo (j'en ai parlé ici).

Une jeune architecte (étonnante Alice Pol) se rend dans le manoir de la très particulière famille Daguerre afin d'y présenter son projet de réhabilitation du lieu au patriarche (Eddy Mitchell, qu'il est toujours plaisant de retrouver). Débarquant en pleine murder party, elle est entraînée dans un drôle de jeu de piste quand ce dernier est retrouvé mort...

Murder Party est un film au rythme soutenu et à l'humour prégnant. Je l'ai trouvé certes, encore maladroit sur certains aspects mais tellement original sur d'autres : du ton léger au scénario à tiroirs, du parti pris esthétique (radical) au casting (formidable, même si les seconds rôles éclipsent malheureusement un peu les premiers). Son ton et sa couleur sont tout à fait en harmonie avec une intrigue rocambolesque, le scénario ayant été coécrit avec la romancière Elsa Marpeau.

Il est atypique et distrayant, et même si j'aurais aimé un peu plus de profondeur, m'a donné envie de continuer à suivre les aventures de ce réalisateur.


Murder Party | Nicolas Pleskof | 2022

Underdog Samurai

Hahaha ! Toi aussi, ils t'ont foutu dehors ?
Toujours sur le parking, je me retourne et remarque un vieux clochard assis en tailleur au niveau des bennes à ordure. Il est installé sur un carton taché de vin, la bouteille bien entamée juste à côté. Sa barbe dégouline et ses dents aussi inégales que colorées me dégoûtent. Bon sang, ce n'est vraiment pas le moment.

Heureusement que je ne me suis pas fiée aux retours de lecteurs invoquant Tarantino à tout va (d'ailleurs, arrêtez d'évoquer Tarantino comme la preuve suprême de la qualité d'une œuvre, vraiment, certains sont fragiles à ce niveau-là), tant le premier livre que j'ai lu de Romain Ternaux était impossible à rapprocher du style de qui que ce soit (j'en parle ici, si besoin).
Le sensei alcoolique m'a pour ma part fait penser à Mr Flap (si vous ne connaissez pas, filez regarder cette formidable série !). Vais-je pour autant parler de Underdog Samurai comme d'un mélange de Mr Flap et d'un dimanche aux puces de Saint Ouen ?
Non, parce qu'il est temps d'arrêter les comparaisons foireuses, Underdog Samurai ne ressemble à rien de connu, et c'est ce qui en fait un roman d'enfer.
Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.

Impossible de résumer ce roman sans se perdre dans des circonvolutions infinies : il parle de la sombre histoire de vengeance d'un consommateur trompé sur la marchandise, évoque le Japon (beaucoup), la filiation (pas mal), Jean-Louis Costes (brièvement, mais ça mérite d'être souligné), d'autres choses (innombrables et indicibles)... Je n'ai pas trouvé de meilleure façon de l'évoquer que comme une succession de “ce n'est pas le moment”. Il se passe des centaines de choses dans ce roman et ça n'est jamais le moment.

J'ai adoré retrouver la richesse de l'univers de Romain Ternaux ; son audace, son irrévérence, la façon qu'il a de tordre le temps du lecteur, de l'accélérer jusqu'à le précipiter....
Sa manière, surtout, de partir d'un univers ultra référencé pour le sublimer, pour aller bien au-delà des clichés et inventer d'autres codes. C'est ce qui rend ce livre impossible à rapprocher d'autres œuvres, ça serait passer à côté de son essence même.
Romain Ternaux réussit à nous embarquer dans une farce grotesque, à l'humour trash omniprésent, tout en sachant parfaitement où nous mener avec une maîtrise absolue de son histoire et de son sujet.
Je suis une fois de plus conquise !


Underdog Samurai | Romain Ternaux | Aux Forges de Vulcain

Quarantaines

Quarantaines est film composé d'une série de 10 courts-métrages, chacun issu d'un réalisateur différent, tous réalisés durant le tout premier confinement de 2020 sous l'impulsion du cinéaste Rock Brenner. Rassemblant des créateurs français, mais également italiens, taïwanais ou américains, Quarantaine est un kaléidoscope d'idées qui vont de segments assez classiques aux plus expérimentaux, en explorant par exemple l'animation ou le clip musical.
Le tout est très heureusement combiné par un fil rouge hypnotisant, quand les courts-métrages se répondent sur certains thèmes, certes attendus, comme la solitude ou l'enfermement.

Il n'est pas étonnant que, sur 10 créations différentes, certaines m'aient moins parlé que d'autres mais...

J'ai été conquise par le segment No exit de Julia Patey, et son patchwork halluciné.

J'ai ri face au segment Torture Cam, de Rock Brenner, une farce cruellement drôle et au final très malaisante.

J'ai été emportée par le segment Memory of a solo diary, de Brunno Raciti, aussi onirique que fascinant.

J'ai avant tout vraiment eu un coup de cœur pour le segment Lumen, de Gauthier Humbert, un film d'animation sur prise de vues réelles . En évoquant des thèmes sombres (l'incarcération, l’aliénation) Lumen réussit à être le segment le plus radieux du film, porté par l'univers sonore et la musique signées Guillaume Zenses qui fait ici un remarquable travail d'immersion. D'ailleurs, si vous voulez en savoir un peu plus sur ce court-métrage, vous pouvez retrouver les coulisses de sa création ici. J'ai pour ma part été emportée par tant de poésie...


Quarantaines | Collectif | 2021

Je m'en vais

Je m'en vais, dit Ferrer, je te quitte. Je te laisse tout mais je pars. Et comme les yeux de Suzanne, s'égarant vers le sol, s'arrêtaient sans raison sur une prise électrique, Félix Ferrer abandonna ses clefs sur la console de l'entrée. Puis il boutonna son manteau avant de sortir en refermant doucement la porte du pavillon.

J'ai lu ce livre dans le cadre d'un petit défi que je me suis lancé cette année : pendant les 12 prochains mois, lire 12 livres conseillés par 12 (masto)potes, c'est-à-dire 12 personnes issues de mes contacts sur le réseau social Mastodon (si tu m'y cherches, je suis là). Le but du jeu est de me faire sortir de ma zone de confort, et cela porte ses fruits puisque pour ce tout premier livre, Panais m'a conseillé un monument de la littérature française contemporaine que je n'avais jamais lu : Jean Echenoz, avec Je m'en vais, qui a reçu le prix Goncourt en 1999.

Je me suis rendu compte quand j'ai annoncé être en train de le lire qu'un nombre non négligeable de mes contacts appréciaient beaucoup ce livre, et Echenoz en général. Si mon avis est plus nuancé, je ne peux pas cacher avoir passé un bon moment.

En effet, Je m'en vais est assez déroutant. Je n'ai pas beaucoup accroché au personnage principal et n'ai pas été plus emballée que ça par une intrigue assez mouvante et peu étoffée, en revanche...

En revanche...

Le style de l'auteur a fini par balayer toutes mes réticences. Ce n'est pas tant l'histoire qui m'a plu, mais le ton avec lequel elle est narrée ; la désinvolture, l'ironie, l'humour omniprésent et une écriture particulièrement ciselée. J'ai aimé la façon qu'a eu l'auteur de raconter, sa façon de décrire, de nous faire voyager, le subtil détachement qui émerge de ses lignes lorsqu'il prend du recul sur ses personnages. Certaines phrases sont des bijoux de raffinement, et l'atmosphère générale est des plus réjouissantes. L'ombre d'Echenoz est présente à chaque page.

Le roman étant suivi d'un entretien avec l'auteur (Dans l'atelier de l'écrivain), cela a fini de me convaincre : je n'ai peut-être pas complètement réussi ma rencontre avec Je m'en vais, mais j'ai totalement réussi celle avec Echenoz.


Je m'en vais | Jean Echenoz | Les éditions de minuit

mort

«Bonjour citoyen. Contrôle de l'Allégeance, s'il vous plaît.»
La visière qui lui recouvre intégralement le visage analyse Rasmiyah et débite tout un tas d'informations à son sujet. Rasmiyah dit:
«Oui, oui, je vous le montre. »
Elle sort de sous son vêtement un collier de nouilles. Le policier, impassible, scanne l'objet et dit:
«Date de fabrication ?
– Trois jours.
– Quelle est votre religion ?
– Actuellement je prie Glycon, le Dieu Serpent. »

Mort™ constitue le 3ème et dernier tome de la trilogie Trademark de Jean Baret après Bonheur™ et Vie™. J'aimerais dire qu'il la clôt, mais l'auteur lui-même rappelle qu'il n'y a pas d'ordre de lecture.
J'avoue cependant que l'ordre de parution me parait l'ordre de lecture le plus pertinent. Clore la trilogie par ce tome, particulièrement, permet d'en comprendre les subtilités.

En effet, l'auteur reprend dans ce livre des éléments des deux précédents opus, plaçant au final les deux premiers univers dans le même espace-temps : une mégalopole titanesque divisée en quartiers hermétiquement clos. Apparaît enfin un nouvel univers, celui de l'héroïne Rasmiyah, qui, en tant que citoyenne du quartier de Babel doit obligatoirement appartenir activement à l'une des religions expressément autorisées par les autorités. Nous suivrons son parcours tout au long du récit, ainsi que celui de Xiaomi, journaliste gonzo citoyen du quartier de Mandé-ville (ombre de l'écrivain du même nom) décrit dans Bonheur™, et de Donald Trompe, aka DN4n93xw, citoyen du quartier d'Algoripolis évoqué dans Vie™.
Au croisement de ces 3 univers qui se connaissent en s'ignorant volontairement se trouve la M-Théorie, qui leur promet de changer à jamais leur vision des choses.

Si l'histoire peut sembler complexe, elle est en fait racontée avec une fluidité implacable.
Jean Baret réussit une nouvelle fois à nous entraîner dans une marche forcée vers une fin qui semble inéluctable avec une précision d'horloge, alternant minutieusement (mécaniquement ?) les points de vue.
Il y a une dimension extrêmement philosophique dans l'oeuvre de Baret, et la comparaison ultime de ces trois univers aussi différents que répondant au final aux mêmes impératifs, tout en niant la nécessité de l'existence des autres clos magistralement l'exercice de style entamé dans les premiers romans de la trilogie.
Baret écrit de la SF infiniment contemporaine, extrêmement dérangeante dans la facilité avec laquelle elle réussit à mettre le lecteur dans le même état d'esprit que ses personnages : aliéné, intrigué, et au final résigné. La lecture de Mort™ est en cela particulièrement déprimante car elle ne rend pas triste, non... elle rend “rien”. Inerte, indifférent, apathique...


Mort™ | Jean Baret | Le Bélial'

crash

C'est après ma première rencontre avec Vaughan que j'ai commencé à comprendre la véritable nature de l'accident d'automobile. Propulsée par une paire de jambes de longueur inégale, cousue des cicatrices de nombreuses collisions, la figure hirsute et troublante de ce savant renégat est entrée dans ma vie à une époque où ses obsessions avaient de toute évidence tourné à la démence.

Je ne pouvais pas acheter et lire Crash ! sans penser à l'adaptation sur grand écran qu'en a fait David Cronenberg. Cronenberg est l'un de mes réalisateur préféré, celui qui explore avec brio le genre du body horror. Il est vrai que l'on retrouve une certaine fascination pour les corps meurtris dans Crash !, sans que l'on puisse vraiment rattacher le film à ce genre. Pourtant, son visionnage m'a laissé un sentiment en mi-teinte. Je ne l'ai pas trouvé aussi provocateur qu'on le dit, ni choquant, les corps n'étant pas si malmenés, les scènes de sexes explicites ne suffisant pas, et la véritable profondeur des personnages m'ayant échappé, l'ennui m'ayant gagné... Je suis restée sur l'impression d'avoir loupé quelque chose de plus profond...

À la lecture du roman de James Graham Ballard, c'est tout un nouvel abysse de réflexions qui s'est ouvert à moi.

Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire, Crash ! narre le parcours de son narrateur (Ballard) qui, à la suite d'un accident de voiture lors duquel il a causé la mort d'un homme, se retrouve entraîné à la suite de Vaughan, personnage obsessionnel, dans une course sans fin, mêlant désir, violence et fascination pour la mécanique et l'empreinte qu'elle laisse lorsqu'elle se déchaîne sur les corps.

Si on a coutume de dire que le livre explore la perversion sexuelle, les protagonistes trouvant leur jouissance dans l'exploration des accidents de voiture, il est surtout question d'obsession et de comment celle-ci finit par dominer et conditionner complètement le déroulement d'une vie, entraînant tous les proches vers une fin précipitée et inévitablement tragique. J'ai retrouvé à la lecture ce qui m'avait manqué dans le film : une véritable exploration des sentiments et réflexions de Ballard, une plongée dans la psyché des personnages, permettant de comprendre mieux ce qui les motive et les entraîne.
Sans aucun jugement sur la nature de leur obsession, c'est la domination même des pulsions qu'il est intéressant à suivre alors.

Au final, la lecture de Crash ! fut particulièrement enrichissante, apportant également un angle nouveau à l'adaptation de Cronenberg qu'il me tarde de revoir.


Crash ! | James Graham Ballard | Traduit par Robert Louit | Calmann-Levy/Presses Pocket (Disponible en Folio)

La Corde

La Corde est une minisérie française de 3 épisodes d'environ 50 minutes, disponible sur arte.tv.
Découverte au hasard des mes visites sur la plateforme, Je fus très rapidement happée par son intrigue mystérieuse et la puissance de ses personnages.

En Norvège, un groupe de scientifiques s’apprêtant à confirmer l'hypothèse la plus importante de leur carrière découvrent, dans la forêt qui entoure leur base, une corde, qui semble s'étirer à l'infini dans les profondeurs de la nature. Tandis qu'un groupe décide de la suivre pour découvrir ce qu'elle cache, les autres restent à la base, la série accordant autant d'importance à ceux qui partent qu'à ceux qui restent.

La Corde est une série déroutante. Par son atmosphère, son rythme, son scénario qui frôle l'absurde parfois, ses acteurs, surtout, tous absolument impeccables. Quel pari osé de réaliser une série aussi métaphorique. Pari totalement réussit pour moi qui aie vibré au rythme des circonvolutions de cette corde insensée, qui aie vécu, raisonné, rêvé, explosé de concert avec les personnages. La Corde est une série particulièrement contemplative, aux thèmes subtils et qui laisse une énorme part d'interprétation au spectateur. Si vous aimez avoir toutes les clés, passez votre chemin, ou La Corde se révélera sans doute abominablement frustrante. Si vous aimez avoir matière à réflexion, La Corde vous proposera nombre de pistes. Je fus pour ma part confrontée à l'absurde acharnement que l'on peut avoir à continuer coûte que coûte une tâche sans réel sens, à ce qu'on peut découvrir sur sa propre incapacité à faire demi-tour, à l'importance du voyage bien plus que la destination, à la nécessité parfois de laisser derrière soi ceux qui empêchent d'avancer.

Série au casting international, si je fus plus que ravie de retrouver Jean-Marc Barr, Jeanne Balibar ou Suzanne Clément, je fus également conquise par le jeu du danois Jakob Cedergren et surtout de l’israélien Tom Mercier qui m'a scotchée de bout en bout avec un jeu tellement sensible et en retenue qu'il contraste vraiment avec ce qu'on a l'habitude de voir.

Excellente surprise pour moi que cette série qui, je pense, ne convaincra pas tout le monde tant elle est atypique, mais qui mérite pourtant vraiment d'être regardée.


La Corde | Dominique Rocher | 2022

Feminicid

Première série de crimes : 8 septembre 2001 – 15 mars 2013 Seconde série de crime : débutée le 15 octobre 2018 Nombre de victimes annuelles selon les critères établis par mes soins et détaillés plus bas : 50 à 100

Quel plaisir de retrouver l'univers poisseux de Mertvecgorod dans cette seconde chronique. Après le formidable Images de la fin du monde (dont je parle ici, un de mes plus grands coups de cœur de l'année dernière), Christophe Siébert nous plonge cette fois au cœur de l'enquête du journaliste Timur Domachev, qui, avant sa fin tragique, avait levé le voile sur une série de meurtres ayant pour victimes des jeunes femmes souvent retrouvées horriblement mutilées.

Christophe Siébert réussit une fois de plus à nous plonger dans la lie de l'humanité avec un récit encore une fois hybride, mêlant chroniques, journal de bord, articles et récits. En retraçant l'enquête de Domachev, il nous permet d'en apprendre plus sur des personnages déjà évoqués dans le précédent opus. De ce dédale tortueux, slalomant entre la pitié et le dégoût, Mertvecgorod n’apparaît que plus palpable encore. Vivant organe toxique d'une humanité à la dérive, personnification des déceptions, des cauchemars, des fantasmes tordus de ses protagonistes. En développant encore plus la mythologie profonde de son univers, l'auteur en renforce son intensité autant que sa fascinante attractivité.

S'inspirant de faits réels pour enrichir son récit, piochant également dans la mythologie germanique, il accouche d'une oeuvre encore une fois inclassable, une épopée suffocante, aussi sournoise que dérangeante, dans laquelle le fantastique se mêle à un réel halluciné, creuset idéal permettant à son écriture de développer toute la force de son immense poésie. Je fus encore une fois frappée par le style de Siébert, unique, profond, en parfaite harmonie avec le récit qu'il fait.

Bien loin des romans tape-à-l'oeil, Feminicid défonce les codes. Ici l'horreur est subtile, sournoise, elle colle à la peau et ne te quitte pas tout le long de ta lecture, t'interrogeant sur ton propre plaisir à la lire...


Feminicid | Christophe Siébert | Au Diable Vauvert