Un Spicilège

L'enquête

Là-bas, au contraire, en décembre, la nuit tombe vite, Morvan le savait.

Quelle découverte ! Juan José Saer est, semble-t-il, l'un des plus grands écrivains argentins contemporains. Pour ma part c'est grâce à cette réédition de l'un de ses ouvrages par la formidable maison d'édition Le Tripode que je l'ai rencontré. Intriguée par l'illustration qui orne la couverture (signée Nicolás Arispe), conquise par le résumé, je me suis finalement perdue avec délice dans ce labyrinthe.

Saer s'efforce en effet de brouiller les lignes de la narration dans ce roman où l'on peine à faire la part des choses entre le réel et l'imaginaire. Commençant comme un roman policier, on se rend compte au fur et à mesure de la lecture que cette histoire de tueur en série n'est qu'une partie d'un récit plus large, mêlant retrouvailles, amitiés et non-dits en Argentine.

Dans ce roman gigogne, l'auteur s'en donne à cœur joie : il multiplie les effets de narration, prenant plaisir à perdre son lecteur dans d'innombrables circonvolutions menant parfois à des impasses, étourdissant la lecture, faisant perdre tout repère. Pour donner de l'épaisseur à cette narration tortueuse, il y imprègne un style qui casse aussi les codes, étirant parfois les phrases autant que notre incrédulité pour ensuite alterner récit haletant et description onirique.

Un tour de force des plus réjouissants, tant il est plaisant de s'égarer dans ce roman qui est au final aussi exigeant que divertissant.


L'enquête | Juan José Saer | Traduit par Philippe Bataillon | Le Tripode

Le secret de Copernic

Rheticus se leva et s'approcha de la Melancholia de Dürer, dont il avait déjà vu des reproductions à Nuremberg. Mais cette fois, il la comprenait. Il comprenait d'où venait cette terrible beauté. Le visage sombre de l'archange, c'était celui de Copernic, il y avait quarante ans peut-être, mais c'était lui.

J'ai toujours aimé Jean-Pierre Luminet dont je connais surtout le travail d'astrophysicien. J'ai lu plusieurs de ses ouvrages et vu plusieurs de ses conférences tant j'apprécie son talent de vulgarisateur. Je n'avais cependant jamais lu un de ses romans, j'ai donc décidé de commencer par le premier tome de sa série Les bâtisseurs du ciel, celui consacré à l'astronome Copernic.

De Copernic, on a souvent en tête qu'il fut le premier à avoir défendu la théorie de l'héliocentrisme dans son ouvrage De Revolutionibus Orbium Coelestium, voire qu'il aurait eu des problèmes avec l'église de ce fait (le confondant alors avec Galilée). Grâce à cette biographie romancée extrêmement fournie, Luminet nous compte en détail la vie et l'oeuvre du savant polonais.
Ne vous attendez pas, cependant, à un ouvrage scientifique : j'ai bien eu entre les mains un roman historique, qui m'a plongée dans l'Europe du XVème-XVIème siècle. Car outre sa casquette de scientifique, Copernic était également chanoine et soumis à de nombreuses luttes d'influence.

J'ai particulièrement aimé cette lecture qui m'en a beaucoup appris sur Copernic (que je connaissais finalement peu) mais aussi sur le paysage scientifique, politique et religieux de son époque. Luminet exprime dans ce livre les mêmes qualités que dans ses autres écrits : nous présenter beaucoup de connaissances de la manière la plus intéressante qu'il soit. Je trouve extrêmement important, lorsqu'on s'intéresse à la science, de s'intéresser aussi à son histoire et cette série est un excellent moyen d'y parvenir.


Le Secret de Copernic | Jean-Pierre Luminet | JC Lattès – Le livre de poche

## Le somnambuliste

Le Somnambuliste est une websérie en 6 épisodes de 15 minutes chacun environ que j'ai découvert sur arte.tv.
Elle narre les aventures de Simon, un trentenaire un peu paumé dans sa vie, retourné vivre avec sa mère dans le petit village alsacien de son enfance. Il se découvrira rapidement des crises de somnambulisme qui le feront se réveiller dans des situations de plus en plus critique, tandis que des crimes sont commis, poussant la police à enquêter.
Mêlant thriller, humour noir et absurde, j'ai trouvé Le Somnambuliste particulièrement original. Le scénario est prenant, les personnages attachants, et une bonne part de mystère permet de développer l'intérêt au fur et à mesure du visionnage.
Le ton volontairement léger des premiers temps laisse rapidement place à une atmosphère nettement plus inquiétante, et quand le réalisateur fait tout pour brouiller les pistes entre le réel et le fictif, l'angoisse n'est pas loin.

La série ayant de plus été tournée en Alsace, j'y ai retrouvé quelques plaisant souvenirs de cette belle région.


Le Somnambuliste | Jérémy Strohm | 2021

morts

Alors qu'il venait de mourir, Joseph se réveilla...

Quelle étrange chose que ce roman de Philippe Tessier ! Je l'ai choisi essentiellement pour sa couverture (signée Fabrice Angleraud) ; un peu pour son résumé aussi : un mort qui revient à la vie, se retrouve à déambuler au milieu de squelettes particulièrement vifs en essayant de comprendre ce qu'il se passe...jusqu'à croiser la mort elle-même, qui s'ennuie... à mourir (j'ai presque honte).

MORTS est, je crois, un immense délire tout droit sorti du cerveau déjanté de l'auteur. Une farce féroce et aiguisée se cache sous un roman des plus louches ! J'ai passé beaucoup de temps à me demander ce que j'étais en train de lire, beaucoup aussi à me dire que décidément, ces idées sont sacrément bien vues, il me plaît cet auteur, je lui paierais bien une bière !

Il ne faut pas, je crois, essayer de comprendre où Philippe Tessier veut en venir. Juste profiter de ses bons mots, de sa vision acérée des vivants (qui se devine tellement bien quand il met en scène des morts) et rire ; beaucoup.
MORTS est sans nul doute un des livres les plus bizarres que j'aie lu ces derniers temps... que l'auteur en soit chaleureusement remercié car ça fait du bien !


MORTS | Philippe Tessier | Éditions Leha

L'humain outresolaire en affiches

Félicitations, vous venez d'acquérir un livre.

J'ai découvert Saïd il y a quelques années déjà, alors qu'il menait à bien son projet Horizons parallèles, soit l'écriture de 52 nouvelles, une chaque semaine pendant un an. Je l'ai suivi en dilettante à l'époque, mais certains textes déjà m'avaient donné envie de poursuivre l'aventure.

J'ai appris à aimer Saïd au fil des mois, en suivant son travail, ses réflexions, ses expérimentations.

J'ai été touchée par Saïd en ayant eu la chance de gagner à un de ses concours le très collector (et très épuisé) recueil Au creux des vagues et des dunes, qui rassemble deux de ses nouvelles, représentant 5 ans de sa présence en ligne. J'ai eu le privilège de découvrir alors une autre de ses activités : la reliure, Saïd confectionnant en effet ses livres entièrement à la main. Quel magnifique cadeau j'avais donc reçu ce jour-là et ce livre est l'un des objets les plus chéris de ma bibliothèque (pourtant bien pourvue).

J'ai été emballée par le dernier projet de Saïd : un nouveau livre, entièrement confectionné par ses soins et imprimé en bichromie par risographie. J'ai eu la chance de pouvoir le précommander, le premier tirage ayant été très rapidement épuisé.

J'ai été complètement bouleversée par la qualité de L'humain outresolaire en affiches. Par la qualité de l'objet lui-même, par la qualité de l'œuvre surtout. Saïd a en effet réussi le tour de force de concevoir un livre qui fait partie de l'histoire qu'il raconte.
L'humain outresolaire en affiche se présente en effet lui-même. Après que les supports persistants comme les livres ou les affiches soient tombés en désuétude au profit d'autres technologies, ils finissent par connaître un nouvel élan d'intérêt qui explique l'existence de celui que nous sommes en train de lire. Ce livre propose alors de raconter l'histoire de l'espèce humaine après sa conquête de l'espace au travers de la reproduction d'autres supports persistants vintages : les affiches.

Partant de quelques situations classiques de la science-fiction, Saïd réussit à les évoquer de la manière la plus originale qui soit. Comment serait en effet une affiche de propagande religieuse du futur ? une affiche politique si une autre espèce intelligente faisait irruption dans notre paysage ? une affiche publicitaire pour une société faisant commerce des modifications génétiques ? En répondant à ces questions, il balaye l'évolution de la société humaine pendant près d'un siècle en image aussi bien qu'en mots.

J'ai vraiment été émerveillée par l'aptitude de l'auteur à utiliser l'ensemble de ses talents (écriture, graphisme, impression, reliure – il en a peut-être d'autres d'ailleurs, qui sait...) au service de la même œuvre, donnant alors bien plus de sens à ce livre que celui d'un unique recueil de mots.

Normalement je ne fais pas de lien vers un site de vente dans mes billets mais je fais ce que je veux, alors, il reste encore quelques exemplaires de cet ouvrage disponibles sur le site de Saïd, foncez avant que ce soit trop tard. Vous y trouverez aussi l'ensemble de ses écrits (car toutes ses nouvelles sont sous double licence Art libre/CC BY-SA) ainsi que les affiches issues du livre. Alors surtout... surtout...intéressez-vous au travail de cet artiste qui, j'en suis sûre va continuer à m'étonner.


L'humain outresolaire en affiches | Saïd

Au printemps des monstres

On ne saura certainement jamais ce qui est vraiment arrivé à Luc Taron. Tout ce que l'on peut dire, c'est que Lucien Léger à été condamné – et a passé plus des trois quarts de sa vie d'adulte incarcéré – sans preuve, sans témoin, sans mobile. Hormis ce qu'il a lui-même écrit pendant quarante jours délirants alors qu'il était certain de n'être jamais pris, pas la plus infime preuve, pas le moindre témoin, pas l'ombre d'un mobile. Ce que l'on peut dire aussi, c'est que si tout, de loin, paraît finalement à peu près simple, rien ne l'est. Vraiment rien.

Quel plaisir de retrouver l'écriture unique de Philippe Jaenada depuis tout ce temps. Poursuivant dans son exploration des faits divers, il s'attaque cette fois-ci à une affaire aussi sordide que marquante : l'affaire dite “de l'étrangleur” qui a occupé les gros titres des journaux en 1964. L'histoire débute par la disparition du jeune Luc Taron le 26 mai 1964. Il sera retrouvé mort le lendemain dans les bois de Verrières-le-Buisson dans l'Essonne. Elle se poursuit par l'envoi de 55 lettres anonymes dans lesquelles celui qui se surnomme “L'étrangleur” revendiquera le crime et réclamera des rançons pour éviter une récidive. Les soupçons finiront par se porter sur Lucien Léger, confondu comme l'auteur des lettres, avouant le crime puis se rétractant. Il sera condamné en 1966 à la réclusion criminelle à perpétuité. Il avait alors 29 ans. Il sera libéré en 2005, à l'âge de 68 ans, faisant de lui le plus ancien prisonnier de France.

Rien n'est simple dans cette histoire, comme le dit si bien Jaenada. Vraiment rien. Il n'aura de cesse, pendant les plus de 700 pages que comptent ce livre, de revenir avec une précision chirurgicale sur l'ensemble de l'affaire, des grands faits aux plus infimes détails, avec l'excellence du travail de documentation dont il fait toujours preuve, aérée par toutes ses digressions autobiographiques qui font tout le sel de ses romans. De ce travail colossal, il tire un portrait vibrant de la France des années 60 qui nous est contée dans tous ses paradoxes. S'attaquant un à un à l'ensemble des protagonistes de cette affaire, il ne cesse de démontrer la lâcheté, la veulerie qui sont des traits communs à beaucoup d'entre eux. Il est évident qu'au fil de la lecture, une nouvelle interprétation de ces évènements nous est présentée. L'auteur pointe toutes les incohérences, toutes les failles qui font de ce dossier quelque chose de bien plus complexe que ce qu'on a voulu nous faire croire. Passionnant, oui, abjecte aussi quand on sait que cela a conduit Lucien Léger à passer plus de 41 ans incarcéré. Triste palmarès.

Malgré une certaine baisse de rythme au milieu du récit, Au printemps des monstres est un livre très addictif, formidablement précis et magnifiquement écrit. Particulièrement éprouvant quand il s'attarde sur les pires travers des hommes, il finit cependant de façon assez lumineuse. J'ai vraiment apprécié retrouver Philippe Jaenada, dont le style unique réussit toujours à m'accrocher superbement.


Au printemps des monstres | Philippe Jaenada | Mialet-Barrault

Les fossoyeuses

Avec Senem, j'avais saisi la complexité de son travail sur les os, les histoires de charniers secondaires, de corps mélangés les uns aux autres, toutes ces contraintes à prendre en compte avant d'aboutir à un échantillon ADN analysable en laboratoire. Quand j'écoute Darija, c'est la complexité des vivants qui apparaît, ces vivants qui bougent, qui se taisent, qui coupent des ponts, qui veulent oublier, qui meurent. L'ADN révèle certes le lien de sang, mais il ne dit rien des querelles ou des rancœurs, des blessures ou des reproches, il ne dit rien de l'amour donné ou qui a manqué. Darija ne démêle pas des os, elle creuse dans les histoires familiales et les souvenirs des vivants.

Dans Les Fossoyeuses, la journaliste Taina Tervonen nous raconte comment elle a suivi le travail d'équipes chargées de mettre un peu de lumière sur les ombres que la guerre des Balkans a déployées sur un pays meurtri : La Bosnie-Herzégovine. Sur place, elle rencontre tout d'abord Senem, une anthropologue judiciaire qui doit identifier les ossements humains retrouvés dans les différents charniers mis à nu des années après la fin des conflits. Elle comprend cependant que pour identifier, il faut comparer, et donc partir à la rencontre des familles, ceux qui ont perdu des proches, ceux qui restent. C'est le travail d'enquêtrice de Darija.

En nous partageant le récit du quotidien de ces deux femmes, Taina Tervonen nous raconte tous les obstacles qui se dressent devant ceux chargés de trouver la vérité au milieu d'une population marquée par le conflit armé. Les obstacles techniques tout d'abord : les difficultés à rassembler les ossements mélangés, issus de charniers qui ont pour la plupart été déplacés, les difficultés de l'identification après toutes ces années. Les obstacles humains ensuite : le silence, le mensonge, le traumatisme. Elle raconte le deuil, aussi, et la recherche d'un quelconque apaisement.

Les Fossoyeuses nous plonge au cœur du travail de ces femmes et de leurs équipes. Un travail souvent ingrat, et paradoxalement peu gratifiant, dont le sens échappe parfois à ceux qui les côtoient. Un travail pourtant nécessaire, important pour l'histoire de leur pays et pour les familles qui doutent toujours. Un travail profondément marquant.
Les Fossoyeuses nous fait aussi le portrait d'un pays ravagé par la guerre, d'une population partagée entre le souvenir et l'oubli, le refoulement et la résilience, le déni et la soif de vérité.

Les Fossoyeuses est un récit fort, détaillé et précis, infiniment intéressant. Il raconte la science et les humains et dresse le portrait éclairé de deux femmes passionnantes.


Les fossoyeuses | Taina Tervonen | Marchialy

Pottsville, 1280 habitants

Ce n'est pas parce que je mets la tentation à portée des gens qu'ils sont obligés d'y céder.

Impossible de lire Pottsville, 1280 habitants sans penser à chaque instant au film qu'il a inspiré à Bertrand Tavernier (le formidable Coup de torchon qui m'avait tellement marquée étant jeune) tant les scènes sont identiques.
Roman noir par excellence, qui marque par son ironie et la noirceur de son humour, Jim Thompson l'a doté de l'un des plus formidables antihéros que j'ai eu le plaisir de découvrir.
En effet, à Pottsville, le shérif Nick Corey semble tellement affable qu'on ne cesse d'en profiter, et les humiliations vont bon train, que ça soit des petites frappes, de ses adversaires politiques et même de sa femme. En grattant sous la surface, il semblerait que le bonhomme soit pourtant plus calculateur qu'on ne le pense, et quand tout s'accélère, il devient jouissif de suivre le cynisme de son cheminement.
Ce roman est une véritable satire, une plongée dans ce qu'il y a de plus veule dans l'humain, le tout porté par un ton résolument amusé, faisant tourner l'ensemble à la farce monstrueuse.

J'en conseille la lecture autant que je conseille le visionnage du film, dans lequel Philippe Noiret déploie toute l'étendue de son immense talent.


Pottsville, 1280 habitants | Jim Thompson | Traduit par Jean-Paul Gratias | Rivages/Noir

Sparring

J'ai découvert Sparring dans le 4ème opus de la formidable (tu peux acheter les 4 tomes les yeux fermés) série de livres Le cinéma français c'est de la merde (Livres qui, j'en rajoute une couche, sont vraiment une référence absolue pour découvrir le meilleur du cinéma français), dans un texte de Christophe Chenallet qui ne tarit pas d'éloges sur ce long-métrage.

J'ai retrouvé Sparring lorsque je me suis intéressé à la carrière de Samuel Jouy que j'ai découvert (comme acteur) dans la très bonne (regarde là !) série Ainsi soit-ils, dans laquelle il m'a profondément touché. Sparring est son premier (et seul – pour le moment) long métrage.

Sparring, c'est l'histoire simple d'un boxeur qui, à la fin d'un parcours loin d'être exceptionnel, accepte de devenir de partenaire d’entraînement du grand champion du moment. C'est aussi l'un des films les plus justes que j'ai vu ces dernières années. Le portrait que j'ai trouvé parfait d'un homme simple mais droit, d'une humanité absolue, qui essaie autant que faire se peut de trouver la voie à montrer à ses enfants. La représentation crue du courage de ceux qui ont l'habitude de tomber, et qui se relèveront toujours, malgré ce qu'il en coûte.

Mathieu Kassovitz m'y a cueilli d'un uppercut (c'est le cas de le dire)... Jamais je ne l'avais trouvé aussi profondément impliqué, aussi touchant, aussi vrai...

J'ai retrouvé le même désir d'authenticité dans les représentations que le film fait de la boxe (que j'ai un peu pratiquée), dans un style presque documentaire, et une réalisation épurée qui magnifie vraiment le propos.

Sparring, dans son réalisme et sa pudeur, ma touchée au cœur, et mérite vraiment d'être découvert.


Sparring | Samuel Jouy | 2017

Le voleur de plumes

Le voleur de plumes, ce fut avant tout cette magnifique couverture (signée Guillaume Guilpart) qui m'a sauté aux yeux. La maison d'édition Marchialy met vraiment le paquet sur ses maquettes, et fait de ses livres de vrais beaux objets.

Le voleur de plumes, ce fut ensuite cette histoire complètement folle. Celle de ce jeune musicien virtuose, promis à un bel avenir, qui prend le risque de se lancer dans un cambriolage au musée d'Histoire Naturelle de Londres afin de dérober quelques centaines d'oiseaux naturalisés.
Quelle obsession a donc pu le pousser à un tel geste ? Celle née d'un loisir qui finira par envahir complètement son esprit : l'utilisation de plume d'oiseaux exotiques pour le montage de mouches à saumon victoriennes.
Découvrant cette histoire au hasard d'une discussion lors d'une partie de pêche, le journaliste américain Kirk Wallace Johnson (plus connu pour la fondation qu'il a créé pour venir en aide aux réfugiés irakiens) développera lui-même une véritable obsession pour ce drôle de fait divers, les lacunes dans l'enquête qui a suivi et le milieu des monteurs de mouches.

J'ai beaucoup aimé la plongée qui nous est offerte dans cet univers. Le monde des monteurs est en effet opaque, fait de quelques personnages dévorés par leur but, toujours en quête de plumes rares, sans considération sur les dégâts qu'ils engendrent. L'auteur souligne d'ailleurs beaucoup le décalage qu'il existe entre leur envie de beauté et la destruction de la nature qu'elle engendre.
Au-delà de son enquête, il en dit également beaucoup sur lui, et on découvre en filigrane comment cette histoire lui permet de prendre un peu de recul sur un engagement politique et idéologique qui le laisse au final exsangue.

Très bonne surprise que ce livre dont l'histoire m'a intriguée et dont le traitement m'a fascinée.


Le voleur de plumes | Kirk Wallace Johnson | Traduit par Doug Headline | Editions Marchialy