Un Spicilège

Mes Vrais Enfants

“Oh, Mark... Si c'est maintenant ou jamais, alors...

Lu dans le cadre de mon challenge 12 mois, 12 livres, 12 (masto)potes, c'est bien grâce à Ezelty que j'ai eu la chance de découvrir ce livre de Jo Walton et je l'en remercie beaucoup car je l'ai beaucoup apprécié.
Me voilà un peu partagée au moment d'en parler parce que je me demande s'il n'est pas préférable de ne rien savoir sur ce livre... La 4ème de couverture elle-même en dit trop, à mon avis. Je vais donc prendre le parti de n'absolument rien dévoiler de son intrigue, ni de sa construction. Juste ça : Mes vrais enfants narre l'histoire d'une femme dans l'Angleterre du XXème siècle, et c'est une uchronie. Je vous assure qu'avec ça, je ne soulève rien de ce qui fait de ce livre une œuvre incomparable... ce que je préfèrerais voir découvert à la lecture.

Mes vrais enfants est un livre remarquable dans son écriture comme dans son propos. Un livre ambitieux dans sa construction. Il passe de la dystopie à l'utopie dans un équilibre parfait, mêlant récit personnel et historique dans un subtil mélange. C'est également un récit d'une très grande profondeur sociétale, résolument féministe, et tourné vers la quête de la parentalité et de la transmission.
L'écriture claire et très descriptive de Jo Walton le rend particulièrement agréable à lire, et si j'ai parfois pensé que certains personnages ou situations manquaient de nuances, c'est l'ensemble et ce à quoi il mène qui est admirable.

En effet, l'entièreté du récit est construite pour attirer le lecteur dans une fin bouleversante, le plongeant dans un abîme de réflexions.
Encore une fois, Mes vrais enfants est le type d'ouvrage que j'affectionne particulièrement, car il ne se contente pas de raconter, il questionne aussi beaucoup. J'ai d'ailleurs eu la grande chance d'écouter l'auteur lors de 2 tables rondes aux Utopiales, et je n'ai pas été étonnée de découvrir une personne aussi passionnante à écouter qu'à lire.


Mes Vrais Enfants | Jo Walton | Traduit par Florence Dolisi | Denoël / Lunes d'encre

H Positive

Peut-être avez-vous déjà entendu parler de l'Euthanasia Coaster ? ce concept de montagnes russes imaginé par Julijonas Urbonas et “conçu pour ôter humainement – avec élégance et euphorie – la vie d'un être humain”, selon son concepteur. Il commencerait par une montée de plus de 500 mètres de haut, suivi par une chute brusque et 7 boucles qui plongeraient les passagers dans une hypoxie cérébrale prolongée et donc fatale.

Si le projet en lui-même a le mérite de questionner la fin de vie, le court-métrage de Glenn Paton permet de poser des mots et des images fortes sur ces réflexions. Vraiment court (guère plus de 5 minutes), il met en scène le monologue directement adressé au spectateur de Mark, un homme apparemment riche, puissant et en forme (formidable Roger Barclay) qui, se sachant condamné, se fait construire le funeste Roaler Coaster afin de partir avec panache. Mark n'est pas un homme sympathique, mais l'archétype d'un puissant comme on les imagine : mégalomane, cynique, dénué d'empathie... sa volonté assumée de vouloir maîtriser sa mort pour qu'elle soit aussi hors du commun qu'il estime être sa vie suffit même à dépeindre le personnage.

Doté d'un budget conséquent et d'un montage hypnotique, maitrisé de bout en bout, intrigant, dérangeant et riche de réflexion, H positive est l'exemple par excellence du type d'œuvre que j'adore : très court qui frappe très fort.


H Positive | Glenn Paton | 2015

Traduire Hitler

C'est sur ces bases que le véritable débat s'engagea aussi à la fin 2015 : loin des polémiques s'installa une saine et légitime discussion entre historiens, journalistes et intellectuels. Quelle était l'utilité de publier une nouvelle traduction et une édition critique d'un livre pareil ? Quels en étaient les risques, quels en seraient les avantages ? Et surtout, pourquoi ce livre soulevait-il tant de questions ?

En ces temps troublés en ligne, s'il y a une chose que je dois concéder aux réseaux sociaux, c'est bien la lumière qu'ils m'ont permis de mettre sur un métier auquel je ne m'étais pas intéressé avant d'être blogueuse : la traduction littéraire. C'est en effet en côtoyant des personnes exerçant ce métier et en lisant les retours qu'elles font sur leur travail que j'ai commencé à me rendre compte de l'importance et de l'implication qu'il entraîne.

Olivier Mannoni fait partie de ceux-là. Traducteur de l'allemand, spécialisé dans les textes sur le IIIème Reich, c'est à lui que la maison d'édition Fayard s'adresse quand le projet d'une nouvelle édition de Mein Kampf voit le jour. Le projet de traduction évolue cependant, alors que, sous l'impulsion de l'historien Florent Brayard, nouveau directeur de publication, il lui est demandé, non pas de rendre le texte le plus compréhensible possible, mais plutôt de le rendre à son état d'origine : confus, parsemé de nombreuses fautes, redondances et incohérences, parfois quasiment illisible. Le texte sera alors publié accompagné d'un appareil critique très fourni, sans que son titre apparaisse.
Alors que l'ouvrage est paru en mai 2021 sous le titre Historiciser le mal, Olivier Mannoni revient dans ce court essai sur le long processus de traduction qu'il a demandé et sur les polémiques qui ont jalonné le projet.

Le cas de Mein Kampf ne pouvait être plus parfait pour mettre en avant le travail de traduction tant Olivier Mannoni réussi à nous faire comprendre à quel point le verbe, le style, les expressions d'Hitler sont utilisés pour faire passer ses idées abjectes par de nombreux procédés sémantiques. La traduction avait donc aussi pour enjeu de mettre à jour ces manigances qui se cachent pourtant dans la langue même. Le chemin fut long et éprouvant, et l'auteur évoque précisément les effets que ce travail a eus sur sa vie.

Alors, fallait-il rééditer Hitler ?
La polémique a enflé et l'auteur y répond parfaitement, avec mesure et justesse.
Oui, il fallait le faire.
Oui, il fallait se pencher sur les méthodes d'Hitler.
Oui, il fallait faire en sorte qu'il soit possible de comprendre, et de se souvenir.
En effet, alors qu'il évoque, dans la dernière partie de l'ouvrage, comment des échos lugubres à tout ceci se font de nouveau entendre de plus en plus, son analyse en est d'autant plus pertinente, quand les mêmes procédés rhétoriques semblent entraîner les mêmes effroyables conséquences.

Traduire Hitler est un ouvrage remarquable, aussi intelligent que juste. Le genre d'ouvrage qui réussit avec brio, en un peu plus de 100 pages, à enrichir le lecteur sur de nombreux sujets, éclairant le présent à la lumière de l'histoire.


Traduire Hitler | Olivier Mannoni | Héloïse d'Ormesson

Utopiales

Depuis le temps que je voulais le faire, j'ai enfin trouvé le temps, cette année, d'aller visiter le festival des Utopiales, festival international de science-fiction qui a eu lieu à Nantes pour la 22ème année. Le comble tout de même, pour une Nantaise d'origine, d'avoir mis tant de temps à se décider. J'étais sans doute impressionnée par l'ampleur du bousin, à raison, tant il est riche de contenu.
Sans grande surprise, j'ai rapidement été déstabilisée par la quantité de monde et les contraintes d'organisation mais heureusement surprise par la très bonne ambiance, et l'atmosphère d'ébullition que j'ai ressentie tout au long des 4 jours de festival.
Je ne vais pas revenir sur l'entièreté de mon parcours, c'est un peu long et sans grand intérêt mais mettre en avant ce qui m'a le plus séduit. Sachez cependant que, si j'y allais essentiellement pour les auteurs, livres et bandes dessinées, ce sont d'autres types de contenus qui m'ont le plus épatée.

Marc-Antoine Mathieu

Si j'avais déjà gouté au travail de ce graphiste, c'est vraiment grâce au festival que j'ai pu découvrir l'entièreté de son talent. Il a en effet particulièrement été mis en avant puisqu'il signe l'affiche du festival (que je trouve splendide), et qu'une exposition épatante lui a été consacrée. J'ai adoré plonger dans son univers tortueux, me perdre dans ses labyrinthes absurdes dans lesquels on est confronté au manque de sens et à l'ineptie de la vie. J'ai de plus eu l'occasion de l'écouter lors d'une table ronde de grande qualité ayant pour sujet Kafka (avec les également très brillants Xavier Mauméjan et Christophe Siébert (lisez ses livres !)) et j'ai beaucoup apprécié la pertinence de ses propos et l'intelligence de ses réflexions.

planche

Le ciné-expérience Cell Worlds

Incroyable évènement qui a eu lieu le samedi après-midi et qui a mobilisé une foule de curieux. La fil d'attente s'est étirée bien avant l'heure et j'ai eu l'impression que l'organisation semblait un peu débordée par le succès. Très bonne ambiance cependant et j'ai vraiment été ravie de voir une salle pleine à craquer pour découvrir le court-métrage dont je vous ai parlé il n'y a pas si longtemps. En plus de l'expérience de projection pendant laquelle les commentaires étaient dits en direct, nous avons pu assister à un échange avec des chercheurs et à un concert de Youenn Lerb, qui signe la bande originale. Coup de cœur pour cet artiste aussi talentueux que généreux, découvrir des chansons et images inédites fut l'apothéose de cette session !

Les courts-métrages

Mon seul regret du festival est de n'avoir assisté qu'à deux des sessions de courts-métrages sur les 4 qu'il a compté (d'autant plus que je n'ai pas vu le court-métrage qui a raflé tous les prix !) tant la sélection que j'ai vue m'a plu. C'était qualitatif et éclectique, mélangeant des petites productions à des projets plus ambitieux, balayant beaucoup d'univers différents, allant de la science-fiction pure et dure au fantastique en passant par la fantasy, l'horreur, l'humour... et pour beaucoup une première diffusion en France. Parmi ceux qui m'ont particulièrement marquée :

  • Apotheosis, de Max Pierce, une histoire ingénieuse de course à la performance mettant en opposition humains naturels et génétiquement modifiés.
  • While Mortals Sleep, de Alex Fofonoff, une fable horrifique dérangeante et absurde, qui commence comme un thriller pour basculer vers quelque chose de beaucoup plus perturbant !
  • Jeff, de Walter Woodman, qui parvient à nous faire entrer en empathie avec un drone de livraison sur fond de désespérance.
  • Fieldtrip, de Paul Arion & Soren Bendt Aaboe Pedersen, une excellente histoire qui réussit brillamment à condenser la lutte d'un homme contre les machines et ceux qui les emploient.
  • La machine d'Alex, de Mael le Mée, mon grand coup de cœur, parce qu'il est drôle et barré, et qu'il mêle érotisme et body horror... Seul court-métrage français que j'ai vu (les autres étaient dans les autres sessions, zut !), j'ai aimé son sujet farfelu et la façon dont il est traité, les jeunes acteurs, certes en devenir, étant particulièrement attachants.


Viking

Seul long-métrage de la compétition que nous sommes allés voir (je pense que nous avons bien choisi car il a remporté le prix du jury), Viking, du canadien Stéphane Lafleur raconte le projet loufoque d'une équipe de recherche comportementale. Alors que la première mission habitée débute sur Mars, elle est reproduite sur Terre avec autant de personnes censées être les “jumeaux émotionnels” des astronautes, afin de prévenir les éventuels problèmes que la promiscuité pourrait déclencher là-haut.
Porté par des acteurs absolument excellents (Steve Laplante en tête), c'est un petit bijou de finesse et d'humour décalé, qui appuie tout en subtilité sur de véritables considérations comme le décalage entre les rêves et leur réalité (magnifiquement illustré par la différence de moyens entre les deux missions) ou les conséquences réelles de la poursuite d'un but fantasmé.
Nous avons beaucoup, beaucoup ri tout en réfléchissant sérieusement, dans un équilibre parfait !

viking
C'en est donc fini pour cette année, et cela m'a clairement donné envie de remettre ça l'année prochaine, si les circonstances le permettent. Vous pouvez retrouver toutes les informations autour du festival sur leur site.

Le Soldat désaccordé

En un instant, toutes les permissions refusées défilèrent. La voix du médecin qui me dit avec la plus grande douceur dont il pouvait faire preuve que j'allais me remettre de cette amputation, que j'allais apprendre à vivre autrement et que j'allais pouvoir retourner chez moi quelques jours. Et moi. Non. Retourner chez moi. Impossible. Ma place est ici.
Ma
Place
Est
Ici.
Ma saleté de place est ici.

Entre deux guerres, un ancien combattant trop esquinté pour rester soldat est chargé de retrouver un fils perdu sur les champs de bataille. En découvrant la grande histoire d'amour de ce disparu, il se jette à corps perdu dans cette quête insensée, à la recherche d'un homme, de l'amour, de la rédemption dans un monde glissant vers une prochaine guerre.

De cette histoire bouleversante, Gilles Marchand tire un roman d'une grande poésie et d'une profonde mélancholie. Mêlant judicieusement le récit de guerre à l'enquête et à une idylle passionnée, il réussit à nous emporter dans les méandres de la progression de son personnage principal, obsédé tout autant par ses investigations que par ses propres démons.
Il réussit également parfaitement à retranscrire l'impact de la guerre sur les corps et les âmes, et l'ambiance si paradoxale de l'après-guerre, sa profonde transformation de la société.
L'écriture de Gilles Marchand est inventive et colorée, s'adaptant à merveille au réel comme à l'onirisme. Évocatrice, aussi...

Je l'ai déjà dit, les histoires d'amour m'emmerdent le plus souvent. Celle du Soldat désaccordé va cependant tellement au-delà d'une simple romance. C'est un récit aussi désespéré qu'optimiste, un véritable vortex de sentiments. Une lecture très émotionnelle.


Le soldat désaccordé | Gilles Marchand | Aux Forges de Vulcain

Entre ciel et terre

Ils avancent à vive allure — juvéniles jambes, feu qui flambe — , livrant également contre les ténèbres une course tout à fait bienvenue puisque l'existence humaine se résume à une course contre la noirceur du monde, les traîtrises, la cruauté, la lâcheté, une course qui paraît si souvent tellement désespérée, mais que nous livrons tout de même tant que l'espoir subsiste.

En Islande, il y a un siècle, un pêcheur, trop absorbé par les vers du Paradis perdu de Milton, en oublie sa vareuse avant de prendre la mer, et meurt de froid. À terre, le gamin qui le considère comme son meilleur ami, se lance dans un voyage sans autre sens que la recherche du deuil, pour rendre le livre incriminé à son propriétaire.

J'ai lu Entre ciel et terre dans le cadre de mon challenge 12 mois, 12 livres, 12 (masto)potes. Il m'a été recommandé par Septie que je remercie beaucoup. Je ne connaissais absolument pas le livre, ni l'auteur, ma lecture n'en a été que plus déroutante.
C'est, je pense, (pour le moment, du moins) le livre dans lequel j'ai eu le plus de mal à rentrer. Peut-être en raison du roman lui-même, peut-être en raison de mon état d'esprit du moment, en proie à la fatigue morale et intellectuelle qui me touche souvent à cette période. Toujours est-il que les mots et le récit de Jón Kalman Stefánsson m'ont fait entrer dans une profonde mélancolie qu'il a été compliqué de dépasser pour trouver la lumière de la poésie incrustée dans ce texte.

L'Islande y est une terre rude, âpre, et les existences qui peuplent ce roman sont périlleuses, faites de travail exténuant, de difficultés, de chagrins... Il me fut impossible de ne pas être douloureusement touchée par leurs histoires.
Cependant, tout comme “le gamin” trouve dans sa quête des raisons de continuer, je me suis accrochée aux mots, à leur puissante poésie, à leur force évocatrice, à l'amour que l'on voue toujours aux terres les plus ingrates comme on aime parfois encore plus intensément ce qui nous met en difficulté.

Entre ciel et terre est un roman que j'ai trouvé difficile, dont la lecture fut une véritable expérience émotionnelle, dont je suis sortie étourdie.


Entre ciel et terre | Jón Kalman Stefánsson | Traduit par Eric Boury | Gallimard/folio

Tu ne trahiras point

Dans ce monde nocturne et souterrain, les rames sont des tombes. Le tumulte de la surface n'est plus perceptible depuis les profondeurs. Les problèmes de filles, de bandes, de famille ne sont plus que des murmures lointains et plus rien ne peut entamer cet état de grâce ténébreuse qui recouvre son corps et son âme, tel un suaire.

Je voue une véritable admiration aux ouvrages des Éditions Marchialy. Il s'agit d'une des maisons dont les choix éditoriaux me paraissent les plus brillants. Chacun de leurs ouvrages semble juste et en accord avec leur esprit, ce que je tenais vraiment à souligner.
C'est également le cas avec Tu ne trahiras point qui m'a tenté par son sujet et que j'ai donc acheté en toute confiance (charmée également encore une fois par le travail de couverture et de maquette de Guillaume Guilpart).

Dans cet ouvrage, l'écrivain et journaliste Karim Madani narre l'histoire d'une poignée de graffeurs parisiens : d'où ils viennent, comment ils en sont arrivés au graph, quelle obsession les pousse à marquer de leurs noms chaque espace libre sur les murs, les rames de métro, les couloirs de RER... Il raconte aussi comment une lutte de l'ampleur de celle qu'on mène contre le grand banditisme finit par éclore avec la cellule gare du Nord de la police et comment elle mènera au procès de Versailles, au cours duquel 56 graffeurs seront jugés.

Il dresse surtout le portrait d'une jeunesse radicale, de sa rage d'exister, de ses rêves, de ses codes, à l'époque où cette culture n'était qu'underground, avant qu'on s'intéresse à l'art de la rue. Ses héros sont si différents mais partagent le fait d'être trop vivants dans une société dans laquelle ils ne trouvent pas de place. En face se dresse une police qui se fourvoie, persuadée qu'elle poursuit des gangs de rues avec les trafics en tous genres qui peuvent y être liés. Paris ne pouvait être que le terrain parfait pour cette guerre effrénée. Une ville dont les graffeurs connaissent tous les recoins, qui est ici sublimée par les enjeux.

Écrit comme un roman, mettant pourtant en scène des personnes bien réelles, Tu ne trahiras point joui en plus d'une écriture passionnelle d'une grande beauté, réussissant à nous plonger au cœur de l'action, au cœur des passions avec une sincère poésie. De véritables envolées lyriques ponctuent en effet le récit de véritables émotions.

Une nouvelle fois j'ai été plongée dans le Paris que j'aime, et j'ai aimé le voyage.


Tu ne trahiras point | Karim Madani | Marchialy

Gagarine

Après le bien intéressant PHIL, biographie de Philip K. Dick (dont j'ai parlé sur mon ancien blog), je retrouve les éditions 21g, spécialistes de la question, pour découvrir la vie d'un autre grand homme : Youri Gagarine.

Qui ne connaît pas Gagarine ? Peu de monde, j'imagine, tant son nom est cité dès que l'on parle de l'histoire de la conquête spatiale. Mais qui le connaît vraiment ?
Qui sait par exemple qu'il a été présélectionné, entre autres, parce qu'il n'était pas très grand ? Qui sait qu'après son exploit, il n'est au final jamais retourné dans l'espace ? Qui sait vraiment quelle a été la vie du premier homme dans l'espace ?

Je me suis vraiment passionnée pour la question à la lecture de cet album qui s'attarde également beaucoup sur le contexte historique et la course que se livraient alors l'URSS et les États-Unis. Le destin tragique de Gagarine est remarquablement raconté dans le scénario d'Alex Nikolavitch.
Porté par le trait clair de Félix Ruiz, L'ange du prolétariat est de plus un album très réussi graphiquement, original dans ses couleurs et aux pages de garde à l'image de sa couverture : splendides.


L'ange du prolétariat, une vie de Youri Gagarine | Alex Nikolavitch (scénario) | Felix Ruiz (illustration) | 21g

station K

Depuis que je connais l'existence du métro fantôme de Noisy-Le-Grand, à deux pas de chez moi, depuis que je connais l'histoire assez incroyable de ce drôle de gâchis, je rêve de descendre un jour découvrir la station de mes yeux.

C'est chose faite grâce aux journées du patrimoine, et ce fut une sacrée expérience de concrétiser enfin ce souhait.

L'espace est très dégradé à présent, et son état tel quel compté car un projet de réhabilitation semble bien avancé.

Ce fut tout de même très émouvant de découvrir l'atmosphère incroyable qui se dégage de ce lieu.

vango

Il avait beau vivre la plupart du temps dans les airs, ses pieds restaient enfoncés dans sa terre. Il avait peur pour son pays.
Une lente et tragique dérive.
Il fallait faire quelque chose. De petits gestes. Presque rien. Une petite résistance, un léger frottement, pour freiner la chute.
Il appelait cela la résistance de l'air.

J'ai lu Vango dans le cadre de mon challenge 12 mois, 12 livres, 12 (masto)potes, il m'a été recommandé par Monsieur B. que je remercie énormément.
Comme je l'ai déjà évoqué dans mon billet sur Le fil du destin, je n'ai pas vraiment l'habitude de lire de la littérature jeunesse, j'ai donc toujours un peu d'appréhension avant de me lancer.

Avec Vango, Timothée de Fombelle a choisi cependant de s'éloigner du roman d'initiation pour embrasser tous les attraits du roman d'aventures : un héros attachant et mystérieux, beaucoup de secrets, de l'action, le tout avec une certaine légèreté. Plaçant tout de même son histoire au coeur de l'Europe des années 30 (une époque évidemment chargée en évènements tragiques qui sont un des points d'ancrage du récit), il parvient également à introduire des enjeux forts et une vraie tension dramatique autour du destin de son personnage principal.
Le jeune Vango lance ses aventures par sa fuite à Paris, alors qu'il allait se faire ordonner prêtre, accusé d'un crime qu'il n'a (évidemment pour l'intérêt de l'histoire) pas commis. Poursuivi par la police française mais également par des hommes mystérieux, il lui faut réussir à se sortir de ce mauvais pas en perçant le mystère de sa naissance (qui pourrait bien être la clé pour résoudre ses problèmes).

Pour être honnête, je n'ai pas trouvé le récit d'une folle originalité. Son intérêt réside plutôt dans le contexte historique dans lequel il est placé, ainsi que dans la parfaite maîtrise de l'auteur de ses personnages et du rythme de ses actions.
On ne s'ennuie pas en lisant Vango. On est transporté, on peut sans doute en apprendre plus sur cette époque, et l'auteur distille exactement la bonne dose de mystères et de résolutions pour garder intact l'envie de lire la suite.

S'il m'a encore une fois manqué ce qui fait que je m'investis complètement dans une lecture, je reste emballée par la qualité de ce roman jeunesse, assez exigeant, et d'ailleurs sans doute parfois difficilement accessible (ma nièce ne m'a pas caché qu'elle avait abandonné sa lecture, ayant été perdue par les différentes temporalités du récit).
Je le conseille donc à qui a besoin de s'évader intelligemment.


Vango T1 : Entre ciel et terre | Timothée de Fombelle | Gallimard Jeunesse