Du cauchemar éveillé au rêve d'un autre monde

Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères ou nous mourrons ensemble comme des idiots – Martin Luther King

C'est la nuit, il pleut, je dirige mon vélo sur la piste cyclable en regardant au-dessus de mes lunettes constellées de gouttes de pluie. Un peu plus haut la piste est encadrée par deux blocs de pierre bleue, et les ¾ du passage sont occupés par une voiture. Encore un pour qui tout ce qui compte c'est de pouvoir arrêter sa caisse où bon lui semble. Plusieurs hommes sont regroupés là. Tout en m'approchant je donne un coup de sonnette : « Bon, y a moyen de passer ?! » « Ho, tu vois pas que la voiture est bloquée ? » « Oh, d'accord, j'avais pas vu. » passage entre deux blocs Voiture noire sur macadam luisant de pluie, je ne pouvais pas voir que la roue avant était passée par-dessus le bloc et que le chassis reposait à présent dessus. Quelques quolibets fusent pendant que je me faufile dans l'espace restant, rien de bien méchant, pas de quoi fouetter un chat. Sauf pour un hargneux, le genre grande gueule de caniveau qui n'hésite pas à lâcher un « baiseur d'enfants ! », suscitant quelques rires bêlants.

Voilà où on en est. Pour une broutille on se ramasse les insultes les plus outrageuses. Et pour voler un portable, deux adolescents n'hésitent pas à en tuer un troisième à coups de couteau.

Aux couches dites supérieures de l'échelle sociale, ce ne sont plus les couteaux qui jaillissent, mais le principe est le même : j'ai la puissance, j'ai des envies, je me sers. Parce que tel est mon bon plaisir. Que ce soit par les armes ou par l'argent, la puissance sert les intérêts personnels de ceux qui la possèdent au détriment du bien commun. Loin d'être les sages dont l'humanité aurait besoin pour assurer sa survie, les maîtres du monde sont des monstres d'égoïsme, de cupidité et de vanité, certainement conscients des temps cataclysmiques qui s'annoncent mais bercés par l'illusion que leur pouvoir les protégera du chaos. Aucune valeur humaniste n'encadre leur intelligence. Pour eux, l'humanité ne vaut que pour les services qu'elle peut leur rendre. Ils représentent la part sombre de l'humain, et porte celle-ci en modèle à suivre.

Aujourd'hui on commémore les 80 ans de la libération des camps d'Auschwitz-Birkenau. Nuit et brouillard.

L’écologie n’est pas compatible avec le capitalisme. Si elle l’était, elle bénéficierait aujourd’hui des moyens d’action et de mobilisation de ceux qu’on appelle les nantis. Lorsque McDo a l’audace de vouloir s’implanter près des écoles des nantis de Tervueren, ceux-ci parviennent à lui tenir tête. Mais la mobilisation s’arrête aux portes de Tervueren. La multinationale peut continuer à s’étendre dans les quartiers moins favorisés. Si l’écologie était compatible avec le capitalisme, Alexander De Croo n’aurait pas déclaré « il ne faut pas surcharger la barque » lorsqu’il est apparu que les quelques mesures environnementales tout juste promulguées risquaient de brider les perspectives de croissance des groupes industriels concernés. Si l’écologie était compatible avec le capitalisme, les manifestations d’agriculteurs auraient amené la Commission européenne à suivre les revendications qui s’attaquaient au libre marché plutôt que de mettre son green deal à la poubelle. Si l’écologie était compatible avec le capitalisme, on n’aurait pas entendu le président Macron ironiser sur le mode de vie des amish, et il n’aurait pas détricoté les recommandations faites par la Convention Citoyenne qu’il avait lui-même promulguée. Ce ne sont là que quelques exemples. Evitons de parler des centrales nucléaires pour ne pas trop remuer le couteau dans la plaie... L’écologie est aussi opposée au capitalisme que l’est le communisme. Face à ces deux idéologies basées sur l’économie, l’écologie doit se présenter comme une troisième voie basée sur la nature, laquelle impose des limites planétaires aux activités humaines, tout en s’assurant d’une juste répartition des contraintes et des bénéfices. Car il y aura des bénéfices, non pas financiers mais en termes de mieux-être et de relations sociales. C’est la promesse qui peut être faite, pour autant qu’une attention suffisante soit portée à la justice sociale. Il faut s'attaquer au système plutôt que d'inciter les citoyens à changer leurs comportements alors que le système leur offre des tas de raisons de ne pas bouger. Les gens changent d’eux-mêmes si le système leur offre une alternative désirable. Déjà les gens consomment différemment bien que la publicité ne cesse de les attirer vers le clinquant, l’éphémère, le futile, le toxique. Les gens voyageront différemment si les coûts de déplacement incluent les coûts écologiques, et si les medias arrêtent de se précipiter à l’aéroport à chaque départ de vacances. Une minorité de belges prend l’avion. A l’échelle mondiale, seuls quelques pourcents de privilégiés utilisent ce moyen de transport. Mais qu’on regarde la télé, qu’on lise un magazine ou qu’on suive une influenceuse qui sévit sur internet depuis son appartement à Dubaï avec vue imprenable depuis son balcon, la vie semble impossible sans avion et/ou SUV, de préférence électrique parce que « c’est bon pour la planète ». Ca, c’est la recette libérale pour, avant toute chose, satisfaire l’appétit d’une logique économique qui a absolument besoin de croître pour continuer à fonctionner. Dans cette logique il est permis de parler d’écologie à la marge, et encore celle-ci est-elle priée de céder la place dès qu’un grain de sable ralentit la machine. On le voit et on continuera à le voir, les catastrophes naturelles (inondations, tempêtes, sécheresses, pandémies) ne provoquent rien d’autre que des accoutumances au malheur, parce que les gens ne voient pas d’alternative à la société de consommation, de laquelle ils continuent donc à vouloir bénéficier un peu plus en votant PTB. Les communistes, en refusant le pouvoir tant que les conditions ne leur permettent pas d’imposer leurs vues, ont bien compris qu’ils ne sont pas solubles dans le capitalisme, à l’inverse des socialistes qui, historiquement, se sont distanciés des premiers en prétendant pouvoir combattre le capitalisme de l’intérieur. On sait ce qu’il en est advenu, et s’ils ont accédé au pouvoir, ils n’ont pu le faire qu’en se compromettant et grâce à quelques décennies de croissance économique suffisante pour leur permettre de redistribuer au petit peuple quelques miettes du festin. Maintenant que le festin touche à sa fin – malgré ce que veulent croire les libéraux – ils paient le prix de leurs compromissions. Ecolo fait la même erreur que le parti socialiste, alors que le temps de l’opulence a disparu et que les conséquences des décennies d’insouciance se font sentir de plus en plus lourdement. Sans perspectives d’avenir, les électeurs se tournent vers les enfumeurs. Certains font croire que la high-tech résoudra tout demain, d’autres se recroquevillent chez eux en pointant comme responsables ceux qui veulent fuir des conditions de vie souvent mises à mal par nos propres exigences de consommation. Redisons-le : l’écologie n’est pas compatible avec le capitalisme, à moins d'apparaître comme punitive et d’être accusée de retour à la bougie. Si elle veut triompher, l’écologie politique doit en prendre conscience et en tirer les conséquences. Le communisme aurait pu être une voie à suivre s’il n’avait pas fait la preuve de son caractère utopique et s’il n’avait pas, lui aussi, le contrôle de l’économie comme base idéologique. Reste alors à proposer une troisième voie, celle d’une humanité indéfectiblement dépendante de la nature. L’homme est un animal social, dit-on. Dans cette expression comme dans celle du développement durable, c’est le premier mot qui compte, mais le sens qu’on leur donne est dévoyé. On accuse un délinquant de se comporter comme un animal, et le développement n’est vu qu’au travers du prisme économique. En conséquence, on se détourne de son animalité et on se convainc que l’homme ne peut se développer qu’en accroissant son économie. C’est aussi utopique qu’erroné. Il est urgent de retrouver son animalité sociale, et d’élever le développement humain au-dessus du développement économique. Nous avons acquis la croyance que le premier était une conséquence naturelle du second. Pourtant l’homme n’a cessé de grandir tout au long de son histoire alors que le concept de développement économique est tout récent. Plus précisément, il est apparu en 1949 dans le discours de deuxième investiture du président états-uniens Truman. Dans ce discours le sous-développement était présenté comme une situation dans laquelle un pays était incapable d’assurer les besoins de base de sa population, situation qui pouvait et devait être combattue grâce au développement économique. De facto, le développement économique devenait incontournable et indispensable au développement humain tout en ne souffrant d’aucune limite à son expansion. Alors que les zones en sous-développement se sont fortement réduites dans le monde et que les pays développés ont largement dépassé le stade de la satisfaction des besoins de base, l’idéologie capitaliste basée sur l’accumulation de richesses privées ne peut que poursuivre sa course mortifère, quitte à provoquer la sixième extinction de masse de la biodiversité. La société de consommation est condamnée. Un nouveau projet de société doit émerger, et l’écologie peut le faire naître. A défaut, c’est la démocratie qui disparaîtra. Déjà, la peur et le repli sur soi s’installent partout, alimentés par des populistes haineux. Il est urgent de faire société autour d’un nouveau projet.

vote électronique Madame la Présidente, Monsieur le Président du Bureau de vote,

Par la présente, je tiens à protester contre l’utilisation du vote électronique lors des élections. Sous couvert de «progrès» et d’«efficacité»,, cette procédure met les clés du contrôle –contradictoire et a posteriori– des suffrages exprimés entre les mains d’experts, remettant ainsi en cause un principe démocratique élémentaire : que les citoyens aient, en toute égalité, la possibilité de vérifier le bien-fondé des résultats issus des urnes. On le sait désormais, des défaillances (voire des altérations) techniques en tous genres peuvent fausser le scrutin sans que personne ne s’en rende compte immédiatement ou soit en mesure d’en mesurer les effets. De plus, la fabrication, le transport, l’utilisation et le stockage des machines électroniques destinées à être utilisées une fois tous les quatre ou cinq ans, sont un non-sens écologique à l’heure où les problèmes environnementaux et les risques climatiques devraient nous inciter à rechercher tous les moyens possibles de limiter nos consommations de ressources et d’énergie.

Je vous prierais donc, Madame, Monsieur, de bien vouloir acter mes critiques en joignant cette réclamation écrite au procès-verbal de clôture des opérations de vote.

Hier, une sortie avec quelques membres de ma famille a engendré un échange courtois mais animé sur la société consumériste et la nécessité de changer d'orientation. Si nous étions d'accord sur les constats, l'argument constamment avancé pour défendre l'idée qu’« on ne peut rien y faire » me hérisse. Cet argument consiste à pointer la nature humaine comme la cause de notre incapacité à changer de direction. Or donc, tous ceux qui sont prêts à se contenter de moins pour que chacun puisse vivre décemment ne seraient pas naturels? C’est en réalité une manière commode de masquer sa propre résistance au changement. Il serait plus honnête de reconnaître que le problème relève de l’acquis plutôt que de l’inné. Apparaît dès lors une possibilité embarrassante, celle de pouvoir « y faire quelque chose » à condition de se libérer de l’emprise consumériste qu’exerce la société sur nos esprits.

Les intérêts politiques et financiers étant ce qu'ils sont, et les mass-médias trop dépendants d'eux pour jouer le rôle d'éveilleurs de consciences, j'ai pris mon parti du fait que la société court droit vers son effondrement. J’en vois tous les jours la progression, avec résignation, à peine étonné par la vitesse du processus. Ce qui aurait pu être une opportunité vers une société du mieux-être sera malheureusement source de souffrances et de mort faute d'avoir choisi et préparé sa mutation. Il est maintenant clair que la société ne se remettra en question que bien trop tard, si elle y arrive un jour.

Contre toute attente ma résignation ne touche pas mon moral, peut-être parce qu'ayant entamé le deuil de la société de consommation depuis plusieurs années, je dépasse maintenant le stade de la colère pour atteindre l'acceptation. Celle-ci me pousse à vouloir profiter du bonheur de vivre tant que c'est possible dans un environnement social et écologique qui tient encore debout. Elle me conduit aussi à accepter l'incapacité de mes proches à dépasser le discours bien-pensant du développement durable et à laisser ma déception au vestiaire pour mieux pouvoir leur dire: “Je vous aime”. Qu’ils sachent cependant que mon mode de vie, bien qu’il leur paraisse radical, reste tout-à-fait confortable. Il ne me manque que le sentiment d’être autant à ma place parmi eux que dans d’autres cercles plus engagés que j’ai la chance de fréquenter.

Messieurs les agriculteurs, mesdames les agricultrices, Vous protestez avec raison contre vos conditions de travail et réclamez une revalorisation de votre beau métier. Je ne peux que vous soutenir dans votre combat, du moins tant que vous ne vous trompez pas de cible. Ma sympathie pour votre mouvement s'est trouvée écornée ce soir en quelques minutes de reportage télévisé, au cours desquelles vous m'êtes apparus défenseurs d'une agriculture non pas raisonnée mais industrielle, non pas respectueuse de l'environnement mais empoisonneuse des terres et de la nature, non pas favorable à une alimentation locale mais à un marché libéralisé. Sinon comment comprendre le chahut organisé autour de la visite de la ministre écolo de l'agriculture wallonne ? Pourquoi vous en prendre à la représentante d'un parti qui milite pour une agriculture soutenable alors que le premier responsable de votre situation est le libéralisme économique qui vous met en concurrence avec le monde entier ? Bien évidemment, cette mise en concurrence est insoutenable si dans le même temps l'accès aux armes chimiques de l'agriculture industrielle vous est coupé. Mais fustiger les règles de préservation de la nature et de la santé plutôt que l'absence de protections commerciales voulue par l'idéologie libérale, c'est tirer sur l'ambulance plutôt que sur le premier responsable de votre situation, celui qui vous a rendu dépendant des banques et des marchands de poisons. Le représentant de la FUGEA, interviewé peu après en studio, a heureusement remis l'église au milieu du village et m'a redonné l'espoir de voir votre beau métier retrouver ses valeurs de paysannerie. Car ce n'est qu'en s'associant avec la nature, plutôt qu'en la combattant, que nourriciers et mangeurs pourront construire ensemble le monde de demain. MarcDS

“ Si l’on ne comprend pas que la démocratie se trouve en fait au cœur de la solution pour la transition écologique, on ne va pas y arriver. C’est une chimère d’imaginer qu’on va tout d’un coup pouvoir mettre en place un capitalisme qui va tenir compte des ressources de la planète. Le capitalisme est fait pour produire un retour sur investissement pour les seuls apporteurs de capital. C’est pourquoi il faut injecter au cœur même de notre modèle, les travailleurs qui pourront veiller à l’emploi et à l’usage des ressources de la planète. Il faut ajouter de la démocratisation au capitalisme pour sortir du monopole détenu par ceux qui apportent du capital. ” – Isabelle Ferreras.

L'idée est bonne. Je me pose juste une question: si le capitalisme est fait pour produire un retour sur investissement pour les seuls apporteurs de capital, un système dans lequel les détenteurs de capitaux n'ont plus le monopole du pouvoir est-il encore capitaliste?