Un Spicilège

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Ce qui me lie à la Marelle, au monde d'Ambre, à son tarot mythique, c'est une histoire de plusieurs décennies à présent (je ne reviens pas sur la genèse de mon pseudo et rappelez-vous du titre de mon ancien blog... hmm...). C'est donc avec l'émotion qui nous vient toujours quand la nostalgie nous prend que j'ai reçu cette semaine la Tarot de la Marelle, doublé du Tarot du Labyrinthe, tous deux signés de la si brillante illustratrice Florence Magnin, et proposés grâce au travail magique des Éditions Nestiveqnen.
Au terme d'un crowdfunding victorieux et de deux années de travail, ils nous livrent un coffret absolument sublime, contenant 2 jeux de tarot, 2 tirages d'art ainsi qu'un livret entièrement repensé. !

Je ne sais pas comment exprimer le plaisir que j'ai eu à redécouvrir cet univers sous un autre angle, plus riche et plus lumineux. Le talent de Florence Magnin explose dans cet écrin sur-mesure.
Ayant la chance de posséder la version d'origine, il fut facile de la comparer à la nouvelle et de se rendre compte du travail titanesque qui a été fait pour magnifier les illustrations.

Quant au livret, il n'a plus grand-chose à voir avec celui signé François Nedelec (disparu il y a quelques années, et auquel il rend hommage). Riche des textes signés Chrystelle Camus et des nombreuses illustrations couleurs, c'est un véritable décryptage de toutes les subtilités des 2 jeux de tarots qu'il propose.
Que dire enfin du second jeu de tarot, le Tarot du Labyrinthe, sinon qu'il est également divin ? Il explore d'autres univers (notamment la mythologie, très présente), une autre manière d'organiser les cartes. Il est sans doute plus personnel à Florence Magnin dans ses références, et peut parfaitement s'intégrer au premier dans son interprétation.

Laidlaw

Voici que j'achève (les mauvaises langues diront “enfin !”) mon challenge 12 mois 12 livres, 12 (masto)potes par ce roman qui m'a été conseillé par Pololasi (mille mercis !).

Laidlaw s'inscrit dans la plus pure tradition des polars noirs : un crime sordide (le viol et le meurtre d'une jeune femme), un univers glauque (les bas-fonds de Glasgow), un héros avec une part d'ombre non négligeable : l'inspecteur Jack Laidlaw, compétent mais dépressif, qui souhaite retrouver le meurtrier autant pour clore son enquête que pour le soustraire à la justice populaire, qui pourrait s'avérer expéditive.

En effet, s'il en a l'air, Laidlaw s'émancipe pourtant rapidement des carcans du roman noir en y additionnant une dimension sociale conséquente, et la psychologie de son héros se révèle plus subtile qu'a priori.

Il s'agissait de tout ce qu'une femme n'avait pu retirer d'une relation, et de la dignité qu'elle avait préservée en dépit de cela, il s'agissait de tout ce qu'un homme avait caché par rapport aux promesses dont il ne savait probablement pas comment il les avait faites. Il s'agissait d'orgueil préservé et d'orgueil perdu.

La lecture de Laidlaw m'a été infiniment triste. Le regard que porte le héros éponyme sur la société qui l'entoure y est pour beaucoup. Semblant souvent être le seul à vouloir ramener un peu de raison dans un monde gangrené par la violence, l'autoritarisme et l'hypocrisie, je fus vite gagnée par ses propres désillusions.
Le roman est ponctué de nombreuses considérations sur la vie, la société, et l'infini pessimisme qui s'en dégage finit par peser trop lourd.
L'écriture de William Mcilvanney s'avère de plus redoutablement efficace dès qu'il s'agit de décrire le tragique se jouant en quelques secondes, en un regard, en une parole, et quelques scènes semblant anodines ont réussi à me remuer.

Le malaise a d'ailleurs persisté un moment, on peut dire que Laidlaw fut une lecture marquante.

Pensez à boire un café fort, après la lecture, et faites un sourire à vos voisins...


Laidlaw | William Mcilvanney | Traduit par Jan Dusay | Rivages/Noir

Close encounters with Vilmos Zsigmond

J'ai eu le plaisir de pouvoir découvrir sur grand écran ce documentaire de Pierre Filmon, parti à la rencontre du grand chef-opérateur Vilmos Zsigmond, qui a marqué de son empreinte le nouvel Hollywood.
Collaborateur de Robert Altman, Steven Spielberg, Brian de Palma, et beaucoup d'autres, il signe la photo de nombreux chefs-d'oeuvre comme Rencontre du 3ème type (qui donne son nom au documentaire), Voyage au bout de l'enfer ou le magistral Delivrance que j'ai eu la chance de pouvoir redécouvrir sur grand écran à cette occasion.

Derrière la caméra de Pierre Filmon, il est impossible de ne pas s'attacher à cet homme charismatique. À travers ses souvenirs et les interviews de ceux qui l'ont côtoyé, nous découvrons avant tout l'immensité de sa carrière, mais également l'envers du décor, l'importance capitale que représente le métier de chef opérateur (“cinématographer” en anglais, que je trouve bien plus parlant, le documentaire revenant d'ailleurs sur les enjeux qui se sont cachés derrière ces titres). L'hommage est grandiose et passionnant, absolument irrésistible. Le nombre d'intervenants, de grands noms, tous unanimes sur le professionnalisme de Zsigmond est impressionnant mais c'est l'homme en lui-même qui a fini par emporter mon enthousiasme.

En effet, pour moi qui suis fascinée par les métiers de l'ombre, le regard plein d'admiration porté par Pierre Filmon envers cet homme exceptionnel ne pouvait que me toucher profondément. En plus de tout ce qu'il m'a appris, ce documentaire m'a donné envie de voir ou revoir nombre de films.

Pensez à écumer les médiathèques une fois le film terminé, le sourire de Vilmos guidera vos choix...


Close encounters with Vilmos Zsigmond | Pierre Filmon | 2016

Dévorer les ténèbres

Une enquête journalistique qui se lit comme un bon thriller, Dévorer les ténèbres est à l'image de son titre : intrigant, séduisant, mais qui fait craindre le pire.
Il y a en effet une curiosité assez trouble quand on s'intéresse aux véritables affaires criminelles. Richard Lloyd Parry sait d'ailleurs parfaitement y faire référence dans son introduction. Journaliste britannique correspondant en Asie, c'est assez naturellement qu'il s'est penché sur l'affaire de la disparition en plein Tokyo de la jeune anglaise Lucie Blackman. Ce que son enquête mettra en lumière, en revanche n'a rien de naturel.

Parallèlement à l'enquête en elle-même, c'est la trajectoire des différents membres de la famille de Lucie qui est tout d'abord une surprise. L'attitude quasi en opposition de ses parents met en exergue l'animosité qui s'est créée entre eux lors de leur séparation, tandis que leurs doutes, leurs espoirs dérisoires, leurs mises en scène, également, sont longuement décortiqués.

Ensuite, c'est une plongée dans les aspects les moins reluisants de la société tokyoïte qui nous est proposée. La place obscure des jeunes femmes occidentales dans les quartiers chauds de la ville, à la fois fantasmées et méprisées, le fonctionnement de la police, de la justice, mettant en relief les différences culturelles et sociétales pour nous permettre de comprendre au mieux l'enchaînement des événements.

Au-delà d'un sujet aguicheur, Dévorer les ténèbres est avant tout un travail journalistique effarant de minutie, sublimé par une plume accrocheuse. Richard Lloyd Parry est en effet parvenu à couvrir l'ensemble des aspects de cette histoire, à poser un regard, certes, parfois, critique, mais sachant tout de même prendre du recule, autant que possible, pour décrypter ce qui semblerait inconcevable avec notre bagage culturel.

Pensez à aller prendre l'air, une fois la lecture terminée, les rouges-gorges sont de retours...


Dévorer les ténèbres, La disparue de Tokyo | Richard Lloyd Parry | Traduit par Paul Simon Bouffartigue | 10/18 – Sonatine

Rambo

Rambo est un court roman aussi percutant et dramatique que le film qui en est une adaptation fidèle, quoique parsemée de quelques différences.
L'intrigue de Rambo m'avait déjà cueillie lorsque j'ai visionné le film pour la première fois, en découvrir l'histoire originale m'a de nouveau bouleversée. Le roman narre l'histoire d'un jeune béret vert revenu traumatisé de la guerre du Vietnam et dont l'errance sans grand but se heurte à l'hostilité du shérif d'une petite ville. S'ensuivra un conflit brutal et sanglant.

Alors que se déroule une intrigue aux faux airs de thriller, de course-poursuite, de traque et d'action, c'est l'aspect dramatique du récit qui en fait tout l'intérêt. Le roman s'attarde plus sur la psychologie de Rambo, qui y est plus jeune et plus fragile et donne beaucoup plus d'épaisseur au personnage du shérif Teasle, lui-même ancien vétéran de la guerre de Corée, forgeant un lien fort entre ces deux personnages qui se ressemblent et s'opposent.

Écrit dans un style rapide et riche, Rambo est un roman au rythme maîtrisé, l'auteur sachant parfaitement équilibrer son écriture qui brille aussi bien dans les scènes d'action que dans les scènes de réflexions.

Pensez à desserrer le poing une fois la dernière page tournée...


Rambo | David Morrell | Traduit par Éric Diacon | Gallmeister

Sur mon chemin

Un bisou... aussi incongru qu'amical, m'a fait sourire au milieu d'une balade fatigante.

Du champagne, un cadavre et des putes, Tome 3

Les deux premiers tome de Du champagne, un cadavre et des putes sont parmi les œuvres qui ont le plus marqué ma vie de lectrice (pour savoir ce que j'avais à dire du tome 1 c'est ici, pour le tome 2 c'est ). C'est dire si j'ai attendu ce tome avec impatience !

S'il s'inscrit dans la continuité des deux précédents, il marque également une rupture forte dans la perception que j'en ai eu : fini de contextualiser, il est temps de rentrer dans le dur !

Dans ce tome, nous alternons entre les passages du journal d'Alice dans lesquels elle parle de sa condition d'escort, et même plus généralement de la condition des prostituées (Super-Alice contre les sales putes, avouez que ça se pose là !), avec ceux des auditions formelles ou informelles de Lawrence, dialogues tournant au monologue et cristallisés autour de la même idée : quelles sont les causes et les conséquences de la stigmatisation active subie par les prostitués.

Comment ça, plus de 400 pages de thèses pro-putes ? Exactement ! Et c'est tout simplement brillant !

Brillant dans le propos : on est loin du débat bas de plafond, on est loin de l'endoctrinement ou du prosélytisme. On est dans le juste rappel historique et sociétal, on est dans le don généreux de l'ensemble des clés nécessaires pour se forger sa propre opinion. Le discours est richement développé, les pensées solidement étayées. Aucun détail n'est laissé au hasard, aucun biais, aucun préjugé, mais sans cesse sera questionné ce qui est de l'ordre des faits, et ce qui est de l'ordre de l'opinion.
Brillant dans la forme, également. Ce tome est, je pense, celui qui m'a le plus impressionné par la maîtrise de sa structure narrative, de son ton et de son rythme. Les passages racontant une histoire étant peu présents (mais formant tout de même d'indispensables respirations), il faut toute la maîtrise de l'auteur pour rendre vivant des chapitres entiers d'explications. Il va sans dire que c'est parfaitement exécuté. Qu'on ait l'impression de se faire engueuler (non, c'est pas moi, Alice, juré, craché !), qu'on finisse un chapitre en se disant : “Non mais, sérieusement “, qu'on ait envie de hurler, de répondre, de s'indigner avec ou contre les personnages, qu'on se demande où l'auteur veut en venir, on vit cette lecture avec l'intensité d'une épopée. Le propos s'arrête toujours au moment où il le doit, les respirations ponctuent parfaitement le récit, l'alternance surtout, entre les écrits d'Alice et les paroles de Lawrence, différentes mais intriquées, se répondant parfaitement avec pourtant une rupture de ton abyssale, est en elle-même un prodige.

Ne croyez pas, cependant, que l'auteur en a profité pour délaisser ses personnages au profit de ses thèses. Ce tome est également celui où les deux protagonistes principaux se montrent le plus impudique. En effet, si connaître l'histoire de quelqu'un permet de le cerner, entendre la vision qu'il porte sur les choses, découvrir la façon dont il présente ses arguments, observer, surtout, de quelle façon il évoque ceux à qui il s'oppose est infiniment plus éclairant.
La luminosité d'Alice éclate, irradie, déborde quand elle enfile ses gants de boxe. Même quand elle tire à boulets rouges, même quand elle me semble injuste, même quand je ne la comprends pas, je ne peux qu'admirer sa fougue, et me laisser emporter par sa passion. Par contraste, Lawrence apparaît de plus en plus sombre, en figure cynique détachée que plus rien ne peut atteindre, quand la tristesse semble s'échapper de chacune de ses phrases.

Plus de 400 pages, donc, lues avec autant de fougue qu'elles semblent avoir été écrites, qui m'ont émue, attristée, offensée, enthousiasmée, fait rire... confortée, aussi, sans trop de surprise...
Une lecture qui, encore, demande de l'implication et de la confiance en un auteur qui sait toujours où il veut aller, même si parfois le chemin est chaotique.

Une dernière chose : ce tome peut sans trop de soucis se lire indépendamment des deux premiers. Il est (pour le moment du moins, qui sait ce que nous réserve l'avenir ?) le point d'orgue du récit, la concrétisation de ce qui a été construit durant les 2 premiers tomes. Si vous souhaitez prendre le train en route, montez à cet arrêt. Pour ma part, j'attends la suite du voyage.


Du champagne, un cadavre et des putes, Tome 3 | Tristan-Edern Vaquette | Du poignon productions

Eternal Daughter

Il y a cette vieille bâtisse, lugubre, lourde de souvenirs. Il y a la brume persistante, menaçante. Il y a les bruits, les ombres, les drôles de présences. Il y a Tilda Swinton, impeccable, magistrale, comme toujours. Il y a la lenteur, la répétition, les silences gênants. Il y a la tristesse infinie, oppressante.

Il y a un film âpre, difficile d'accès, oscillant entre l'émotion et l'ennui, une ambiance lourde, une musique effacée, une réalisation subtile…

Il reste une drôle d'expérience de cinéma.


Eternal Daughter | Joanna Hogg | 2023

L'art de Yayoi Kusama

Bien avant que je ne découvre la statue colossale à son effigie récemment érigée devant la Samaritaine, alors que sa collaboration avec la marque Louis Vuitton ne faisait pas beaucoup de bruit, un ami m'a fait découvrir le travail de Yayoi Kusama par l'intermédiaire de cette fascinante biographique graphique.
Yayoi Kusama est une artiste japonaise, contemporaine et avant-gardiste, dont les créations empruntent de multiples supports : peinture, sculpture, installation, performance...
Son art est obsédant autant que sa vie est singulière. Née au Japon à l'aube des années 1930, elle souffre d'essayer de faire concilier son tempérament indépendant et artistique et sa santé mentale fragile dans une société japonaise aussi rigide que patriarcale. Elle passe donc une partie de sa vie (dans les années 60-70) aux États-Unis où elle finit par trouver une place dans le mouvement contemporain, et où elle enchaîne les œuvres et les performances, entraînant une détresse mentale qui la convaincra de rentrer au Japon, où elle vit toujours. Elle a depuis lors fait le choix volontaire de vivre dans un hôpital psychiatrique, dans lequel elle aménage un atelier, lui permettant de perpétuer son art jusqu'à nos jours, où, à 94 ans, elle continue à fasciner.

Mon art provient d'hallucinations que je suis seule à voir. Je traduis les hallucinations et les images obsessionnelles qui m'affligent en sculptures et en peintures.

Si je viens de résumer très grossièrement la vie de cette captivante artiste, la bande dessinée d'Élisa Marcellari en aborde beaucoup plus de facettes, approfondissant notamment le lien entre sa maladie mentale et ses créations. Dans le fond comme la forme, ce livre est, en plus d'une biographie précise, un hommage vibrant à l'art de Kuzama. Le trait est en effet parfait pour retranscrire l'aspect obsessionnel et accumulatif de ses œuvres et il est impossible de résister au portrait de cette femme remarquable, brillante et engagée, telle qu'elle est décrite dans le livre. Impossible non plus de ne pas être touchée par le symbolisme de ses créations.

Kusama’s Self Obliteration_
Cette lecture m'a donné envie de regarder le court-métrage Kusama’s Self Obliteration, réalisé en 1967 par Jud Yalkut, rassemblant des captations des performances de cette époque de Kusama, et permettant de se rendre compte de l'élan artistique qui l'animait quand elle vivait aux États-Unis. Sans aucune structure narrative, sans paroles mais bercé par de la musique expérimentale, le tout forme un ensemble trouble, psychédélique et (on ne va pas se mentir) assez obscure. En même temps ces images ont quelque chose d’étonnamment fascinant... on ne laisse assez vite porter par le rythme de la chose et par les thématiques qui en émerge, comme une thérapie de répétition pour exorciser de drôles de démons.


Kusama – Obsessions, amours et art | Elisa Macellari | Traduit par Patrice Salsa | Éditions du Chêne


Kusama’s Self Obliteration | Jud Yalkut | 1967

Collapsus

Après avoir vu passer plusieurs avis dithyrambiques louant ses qualités, je me suis intéressée à Collapsus. Je ne connaissais pas Thomas Bronnec, mais le sujet de son roman m’a férocement appâté :
Que pourrait-on envisager si un Président écologiste radical accédait au pouvoir ? S'il faisait du combat pour la planète une priorité absolue et n'hésitait pas, alors, à faire basculer la France dans une dictature “verte” ? Comment les citoyens réagiraient ? A quel moment l'opinion basculerait ? Quelles seraient alors les armes de la démocratie ?

Oui, répond-il, le degré d'acceptation. Quand on voit ma courbe de popularité, on peut penser qu'il est dépassé. La question, c'est : faut-il s'arrêter pour autant ? Peut-on faire le bien des gens malgré eux ? C'est une question philosophique. Les grands leaders en démocratie n'ont jamais été capables de ça. Ils se sont toujours arrêtés au... degré d'acceptation.

Thomas Bronnec a l'intelligence de partir d'une situation particulièrement plausible : le chef d'un mouvement, à mi-chemin entre le gourou et l'influenceur, charismatique et apparu dans un paysage politique en déroute, parvient par surprise à se faire élire Président de la République. Au nom de ses convictions, il plonge la France dans l'état d'urgence et en profite pour faire passer des lois de plus en plus répressives.
J'ai trouvé particulièrement bien vu le choix de ce scénario tant il faut écho à ce qui pourrait se passer dans le paysage politique actuel du pays. L'auteur a eu la finesse de passer par le mouvement écolo. En effet, c'est un sujet qui nous préoccupe tous, et cela rend l'histoire d'autant plus crédible. Cependant, ce n'est qu'une excuse pour nous parler au final de tout autre chose : comment nos institutions permettraient à un président de s'accaparer les pleins pouvoirs, et quels sont les leviers pour l'empêcher d'aller trop loin. Car Thomas Bronnec est un journaliste politique avant tout, et avec Collapsus, il ne parle pas beaucoup d'écologie mais beaucoup des jeux de pouvoir prenant place dans les hautes sphères de notre pays. Le cheval de bataille de ce président par erreur aurait en effet pu être tout autre chose, cela n'aurait pas changé le propos de fond du livre.

Cette plongée au cœur des institutions s'est avérée particulièrement instructive, mais également extrêmement crispante. On se rend compte (si on avait encore un doute) qu'à notre niveau de citoyens, on ne peut pas grand-chose et il n'est pas très rassurant de savoir que nous devrons, finalement, compter sur les personnes qui auront autant, sinon plus, à cœur de sauver leurs statuts que de sauver la démocratie.

J'ai réellement lu Collapsus dans l'urgence, dans la suffocation, presque. C'est un roman totalement maîtrisé dans chacun de ses aspects : le style, le rythme, les personnages. J'ai été fascinée surtout par ce président. L'auteur a réussi à lui donner énormément d'épaisseur : un homme doté du don de convaincre, tout à fait conscient de sa puissance. Un homme de certitude mais qui laisse pourtant au final les femmes de son entourage influer énormément sur son parcours. Un homme, au final, abominablement détestable.

Je salue donc cette lecture aussi divertissante que didactique, je la conseille même à tous ceux que les jeux politiques intéressent.


Collapsus | Thomas Bronnec | Gallimard/Série noire