from mastorek
Voici mes premières lignes ici, Je les consacrerai à un exercice sympa, #Writever … Soyez indulgents, merci !
01 – Sale
Longtemps, depuis sa plus tendre enfance même, Didier avait vécu en appartement. Voisin au dessus, au dessous, d'un côté et de l'autre. Bref, des voisins partout. Ça, c'est connu, les immeubles regorgent de voisins. Un jour, toutefois, la vie l'amena à loger dans un modeste deux pièces, constitué de la moitié du rez-de-chaussée d'une maison. Des voisins ? Non. Un voisin ? Oui. Son propriétaire, un brave grand-père de 80 ans environ, François, un ancien de la SNCF, des Chemins de Fer comme on disait fut un temps. Sympathique et souvent souriant, malgré un AVC qui avait eu raison d'une grosse moitié de sa parole, il occupait le premier étage de la maison transformée, pour arrondir une maigre retraite sans doute, en immeuble de poche. Didier aimait lui monter son courrier, lui demander comment il allait, s'il avait besoin de quelque chose. L'autre moitié du rez-de-chaussée, un appartement, inoccupé depuis des années, avait parfois intrigué Didier. “Pourquoi est-il vide ?” “Comment c'est agencé là dedans ?” “C'est plus grand que le mien ?” ... Bref les questions ne manquaient pas. Les réponses arrivèrent le jour où, suite à une vague odeur de gaz dans la maison, François avait accepté de confier la clé à Didier, sur sa proposition, pour une inspection prudente des lieux. La clé tira la serrure d'un long, très long sommeil, et elle se fit vraiment prier pour donner accès à l'intérieur. Tout de suite, Didier se rapprocha de l'évier, un évier il est vrai un peu sale, afin d'ouvrir la fenêtre située à l'aplomb. La poussière, en absence de tout humain, avait pris possession des lieux au fil du temps.
2- Maison
L’air frais, entrant par la fenêtre de la cuisine, avait du mal à chasser ce relent indéfinissable de passé, mélange d’air chauffé les étés puis refroidis les hivers, contraint majoritairement à rester entre ces quelques murs. Didier explora rapidement les lieux, et ouvrit à grand peine la fenêtre située à l’autre bout du logement, dans l’espoir de créer un courant d’air. « Bon, j’ai bien quelques minutes à consacrer à la découverte des lieux ». À quoi bon chuchoter si bas en se parlant à lui même ? François était resté au dessus, et était de toute façon devenu un peu sourd. L’AVC sans doute. C’est certain, ce logement faisait presque le double de son petit deux pièces. Mais tout était resté « dans le jus », et accusait un âge certain. Ça remontait au siècle précédent, une époque trahie par l'allure de la nappe en toile cirée, l’aspect des robinets, entre autres
3 – Eau
Ne pas oublier le motif de sa venue ici, car François attendait un rapport en bonne et due forme, là haut. En s’approchant à nouveau de l’évier, il apparut bien vite à Didier que l’odeur suspecte provenait des canalisations. En ouvrant les robinets, ici et à la salle de bain, l’affaire devrait être réglée. Mais aucune goutte ne sortit des tuyaux. On avait coupé l’eau, comme on le fait toujours dans ces cas là. Un bloc désodorisant aurait raison du problème, ou plutôt, masquerait le problème aux narines des rares personnes qui passaient devant la porte de ce musée de la poussière. Après quelques minutes, les fenêtres ouvertes avaient réussi à faire entre un air moderne dans ces lieux du temps jadis. Il était temps de tout refermer et de remonter éclairer la lanterne de François. Une lanterne de locomotive à vapeur, s’amusa Didier.
4- Huile
Ça faisait un bon cinq minutes que Didier s’escrimait par dessus l’évier. Certes réticent au début, le volet avait fini par obéir à sa poigne. Mais pour les battants de la fenêtre, il en allait tout autrement. Il avait beau s’escrimer, rien à faire. Comme toujours dans ces cas là, il laissa tout cela reposer quelques instants, pour aller déjà fermer l’autre fenêtre ouverte. S’attendant à une adversité qu’il ne trouva finalement pas, Didier mit d’entrée de jeu un effort surdimensionné, au point qu’il crut un instant venue la dernière heure de la relique vitrée. Heureusement non. Revenant à la cuisine, la fenêtre, ayant sans doute entendu sa collègue baisser les armes rapidement, décida qu’elle avait reçu assez d’huile de coude comme cela, et accepta enfin de se fermer sans trop de mal. Il était temps désormais de trouver de quoi parfumer les lieux. Idéalement, dans la foulée, pour en finir rapidement. Mais, problème, pas de bloc désodorisant à l’horizon, pas plus en ces lieux désertés que dans le foyer doux foyer de Didier…
5- Essentiel-le
Didier n’avait pas de spray, type Fébrèze. Il trouvait que c’était là des particules, mais pas de noblesse. Une version prétentieuse à peine supérieure du basique Air Wick Pin des Landes, qui ne venait pas des Landes et qui ne sentait même pas le pin, d’ailleurs. La solution, c’est le cas de le dire, vint d’un petit flacon d’huiles essentielles de Lavande. De la vraie lavande cette fois. Outre le parfum agréable, la lavande avait comme propriété d’assainir l’atmosphère. Exactement le remède recherché. Le temps d’un rapide aller et retour, Didier revint avec le petit flacon, et déposa quelques morceaux de coton imbibé du liquide salvateur dans chaque pièce de ce sanctuaire des années soixante-dix. Sans excès non plus, il ne s’agissait pas de remplacer un problème par un autre.
6 – Mesuré-e
Après s’être assuré que la serrure de la porte d’entrée était bien verrouillée, Didier repassa brièvement déposer le flacon d’huile de lavande chez lui, puis monta chez François pour rendre la clé. Et son verdict. Dès son entrée dans les lieux, Didier constata en effet une odeur évoquant le gaz. Il pensa aussitôt que l’odeur qui régnait en bas, dans le logement inoccupé, n’était qu’une simple coïncidence. Peu importe, la lavande ne ferait pas de mal de toute façon. Didier innocenta donc rapidement le rez-de-chaussée dans son récit qu’attendait François, assis sur son canapé, devant sa grande télé, seule joie de ses vieux jours. De fait, il vivait là seul, séparé depuis des années de la femme qui fut celle de sa vie quelques années seulement. Comme l’odeur persistait et qu’une explication manquait cruellement, Didier demanda la permission de parcourir les lieux, toutes narines ouvertes, dans une investigation olfactive relevant de la prudence la plus élémentaire. Fort de l’aval du maître des lieux, Didier franchit donc une seconde fois dans la même journée les limites de son univers connu. Cinq minutes plus tard, sans avoir mesuré précisément, Didier estima que l’endroit devait bien faire trois fois la taille de son modeste chez lui. Tout cet espace, pour finalement passer la journée sur le canapé , télécommande en main !
7 – Soude
François bénéficiait du passage hebdomadaire d’une aide ménagère, chargée d’empêcher le logement de retourner au siècle précédent, rejoignant ainsi le musée du rez-de-chaussée. Durant son périple, Didier remarqua un bon vieux paquet de St Marc Cristaux de Soude. La walkyrie du ménage savait employer les bonnes méthodes. Passé entre-temps dans la cuisine, François était sur le point de faire réchauffer son café, à l’ancienne, sur les bonnes vieilles flammes bleues d’une cuisinière à peine plus jeune que lui. Et là, tout se mit en place dans l’esprit de Didier. Par mégarde, François avait du passer trop près d’un bouton d’ouverture de gaz d’une des plaques, un peu plus tôt dans la matinée, et d’une hanche distraite ou d’une fesse maladroite, l’avait légèrement fait tourner, libérant ainsi un mince filet à peine chuintant. Outre son efficace assistante ménagère, François était sous l’aile protectrice d’un ange gardien qui, méritant son poste, avait fort heureusement chuchoté à l’intuition de François d’ouvrir en grand la porte-fenêtre située à deux mètres de la menaçante gazinière.
8 – Mélanger
Didier empêcha immédiatement François de craquer l’allumette. Montrant le bouton légèrement penché, Didier expliqua le fin mot de l’histoire à François, puis ouvrit la fenêtre au dessus de l’évier pour donner un frais coup de main à sa collègue porte-fenêtre. Il annonça qu’il valait mieux attendre un bon petit quart d’heure avant de reprendre tout projet de réchauffer de la caféine, ou quoi que ce soit d’autre. Comprenant qu’il avait failli propulser la maison et ses occupants vers une orbite géostationnaire, François décida que le café froid, c’était bon aussi. Mais, en absence de chaleur, le sucre avait du mal à se mélanger au liquide noir, et il dut tourner longtemps la cuillère dans la tasse, avant de grimacer en avalant le contenu, sans toutefois se plaindre. Un peu honteux, le François préférait ne pas la ramener.
9 – Patchouli
Didier, refusa poliment le « café », et s’assit à la table de la cuisine, pour parler avec François. Déjà quelques années qu’ils habitaient là, l’un depuis sans doute toujours, et l’autre depuis quatre ans déjà. Mais au final, au-delà de quelques phrases rituelles, aucune vraie conversation entre les deux générations. Chacun son étage, chacun sa vie, en somme. Didier, pour donner l’élan initial, aborda le sujet de l’huile essentielle de lavande. Ça risquait de sentir inhabituellement, la prochaine fois que François descendrait. Ce qui arrivait très rarement pensa Didier, mais bon, il fallait lancer un sujet de conversation. « Puisqu’on parle d’odeur, il y avait un parfum que j’adorais quand j’avais vingt ou trente ans, c’était le patchouli. Faut dire que c’était l’époque hippie, tout ça... » dit François, qui faisait des efforts d’articulation, trop heureux d’avoir un nouvel interlocuteur pour raconter sa vie. Ils discutèrent ainsi, du bon vieux temps, comme disait François.
10 – Battre
Didier raconta à son tour le peu qu’il se rappelait de cette époque là. Une de ses tantes avait décidé de partir vivre aux USA au début des années soixante, et s’était mariée avec un américain, permettant ainsi l’existence d’un cousin « yankee » que Didier avait perdu de contact par la suite. Malheureusement, le mari de sa tante fut envoyé se battre au Viêt Nam, d’où il revint dans un cercueil. Dommage, la conversation était bien lancée, mais l’élan avait amené le fil sur des évènements très tristes, si bien que tous deux décidèrent de changer de sujet. Mais un long silence suivit.
11 – Trace
Machinalement,ils regardèrent tous deux dehors. Dans le ciel, un avion laissait sa trace à haute altitude. « Revenons à nos moutons », pensa Didier. Moutons ... Si le royaume de la walkyrie, sous le contrôle des aspirateur, balai, serpillière et autres chiffons qu’elle semblait bien maîtriser, le royaume du dessous était celui … des moutons, justement. Des moutons de poussière. Didier demanda si François se rappelait de la maison à l’époque où elle était encore une et entière. Du temps où il était plus jeune. Décidément, ce n’était pas un jour faste pour Didier. Il tentait de réanimer une conversation en état de mort clinique, en posant une question stupide. Comment François pouvait-il ne pas se rappeler de cette époque, lui qui avait grandi ici ? Didier noya le poisson en enchaînant sans attendre la réponse.
12 – Lessive
Du menton, Didier montra le sol. « Cela fait longtemps que vous n’êtes pas entré dans les pièces, en dessous ? » François répondit que cela faisait une bonne dizaine d’années, et demanda dans quel état était ce qui fut autrefois le salon, du côté du jardin, et la salle à manger, du côté de la rue. Didier le rassura en annonçant un état global plutôt satisfaisant, si on excepte des menuiseries plutôt capricieuses. « Ça nécessite un coup de propre, et vous le retrouverez tel que vous l’avez connu ! ». Cette pirouette lui évitait de dire que c’était vieux et moche. Mais aux yeux de François, il en allait bien entendu tout autrement. «Vous pourriez demander à votre fée du logis d’aller y faire un tour. J’ai vu que vous avez de la lessive St Marc, celle à base de cristaux de soude. C’est radical, ça ! » Mais la réponse qui fusa surprit Didier par sa détermination
13 – Doser
« J’ai trop de souvenirs en bas, mais de personnes qui ne sont plus là, dans une décoration qui n’est plus là non plus. C’est tout vide, et ça le restera. Le peu de vie qu’il me reste, je le passerai ici. Ma nouvelle vie, si on peut dire … Je voulais juste surveiller qu’il n’y ait pas de dégâts d’eau, de délabrement dangereux ou autre ...». François avait l’air triste, à l’évocation de ce passé qui, comme tous les passés, ne reviendra pas. Le temps d’un soupir, et il reprit : « Bon, c’est malheureux aussi, tout ça. Décidément, quelle conversation … Je vais aller regarder la télé, si ça ne vous gêne pas, le docteur m’a dit qu’à mon âge, fallait doser les émotions fortes... »
14 – Propre
Revenu dans son (très) petit nid douillet, Didier pensa que, malgré tout, François avait apprécié son passage, au-delà du seul service rendu d’aller voir ce qui pouvait bien emboucaner le gaz comme ça. « À recommencer, mais sans attendre un éventuel prochain péril ménager ». Il sourit à cette formulation. Il fallait toujours qu’il trouve une façon atypique de dire les choses. Pas toujours, non, mais souvent. Le retour à sa réalité se présenta sous la forme d’une lessive, à lancer d’urgence car il n’avait plus rien de propre à se mettre. La procrastination, ce mal du siècle comme disaient les articles qu’il lisait sur Internet, entre autres marronniers, pour s’occuper. Lui n’avait pas de télé, depuis des années d’ailleurs, et s’en trouvait fort bien.
15 – Pigment
Didier regardait ses vêtements tourner en rond, par le hublot de ce lave-linge qui lui avait coûté une belle somme, mais il ne le regrettait pas. Fallait juste espérer qu’elle dure un peu longtemps. La précédente avait duré plus de 20 ans… « C’est vrai que dans le temps, on fabriquait des tanks blancs et cubiques, c'était écrit Brandt ou Vedette dessus, et on mettait le linge dedans ». Bercé par le ronron de sa machine, Didier ne se rendit pas compte qu’il basculait dans une forme de rêve éveillé, un transfert instantané vers l’époque lointaine de sa prime enfance. Il passait pratiquement toutes les vacances scolaires chez ses grands-parents, dans le Loiret. Didier était à chaque passage promu adjoint ravi d’un cousin du même âge, non moins ravi de se retrouver chef de patrouille de deux, et qui habitait tout près. Il connaissait les lieux comme sa poche. Ensemble, ils faisaient toutes les « expériences » qui faisaient le bonheur des mômes de dix ans qu’ils étaient, et qui les faisaient rentrer in extremis pour le repas du soir, hirsutes et crasseux, mais galvanisés à bloc, débordants de projets pour le lendemain dès l'aube. Heureusement, la machine à laver de sa Mamie était toujours sur la brèche, et rendait leurs shorts, tachés de gazon et de terre, et leurs t-shirts, troués par des exploits à ne pas recommencer, propres et parfumés de Bonux sur la corde à linge, dans le jardin. Ah, que de doux souvenirs revenaient danser dans l’esprit de Didier… Cette maison, plutôt froide et humide l’hiver, était une parfaite approximation du bonheur pour Didier le Jeune, qui aimait s’asseoir dans les fauteuils des grands-parents en leur absence, seul dans la grande pièce aux murs recouverts de cet improbable pigment jaune, une teinte qui aurait pu souffler l’inspiration à monsieur Stabilo si il avait été là…
16 – Moule
Depuis combien de temps rêvassait-il là, devant le hublot qui semblait l’avoir hypnotisé ? « Bah ! Qu’importe ! Il reste encore une grosse demi-heure de cycle, alors j’y retourne ... », se dit Didier. Sa visite inattendue dans les lieux et souvenirs de François l’avait renvoyé à son propre passé, dans un voyage emprunt de nostalgie. Allongé sur son lit car, attention, entre revivre ses souvenirs et s’endormir, la frontière était souvent franchie, Didier décida de continuer à explorer son passé. L’appartement où il avait passé ses vingt premières années, situé dans une banlieue parisienne paisible qui plus tard, bien plus tard, allait s’appeler le « neuf-trois »… Son père … Les parties de foot dehors avec lui et les mômes de la cité. Les petits plaisirs de ce père, à l’apéritif : un petit verre de vin cuit, un petit bol de moules. Moules à l’escabèche, son régal. Parfois, plus de quarante ans plus tard, Didier s’en prenait une boite, et invitait en pensée son père, habitant depuis dans les nuages, à les déguster avec son fils, en un festin de douce nostalgie…
17 – Cure
La petite mélodie de fin de cycle extirpa Didier des souvenirs vaporeux. Ce n’était pas la première fois qu’il se laissait happer par le passé. Ça arrivait de temps en temps, mais il fallait faire attention, ça fichait le bourdon comme un rien, ces choses là. Alors, une petite cure par ci par là, mais avec modération, et basta. Depuis quelques temps, il s’intéressait aux valeurs véhiculées par le bouddhisme, au premier rang desquelles était la conscience de l’instant présent, le graal de tout méditant. Alors vite ! Retourner à l’immédiat, en coupant Mental FM. S’asseyant sur le bord de son lit, il regarda autour de lui pour prendre conscience du lieu, de chaque bruit, de chaque objet, de l’éclairage. Ne pas penser, juste assister à, être témoin de, mais sans penser. Pas facile… Et quand son regard, qui balayait doucement la pièce, arriva à hauteur de la fenêtre, il prit conscience que … Que ça faisait des mois qu’il devait accrocher ce fichu rideau et qu’il ne le faisait pas ! « Bon, pour ce qui est de couper Mental FM, c’est foutu ! », pensa-t-il, en partant dans une grande rigolade solitaire.
18 -Lavande
Didier se leva vers neuf heures, le lendemain matin. Le samedi, c’était permis ! Et comme toute bonne journée n’est bonne que si elle commence par un thé, il fit couler un peu d’eau dans sa bouilloire, et appuya sur le bouton ébullition. Cent degrés pour les thés noirs, comme son breakfast standard. Parfois, en fin de journée, il aimait passer à des infusions qui préféraient une eau moins impulsive. C’est pourquoi, sur les conseils avisés d’une collègue, une dingue de la tasse qui avait mis très haut la barre sur le thé, il avait acheté cette bouilloire réglable. Dubitatif au début, il avait au fil du temps trouvé d’autres usages à ce petit appareil. Comme remplir un saladier d’eau à 70 degrés, pour faire décongeler un peu plus rapidement les choses, histoire d'ôter le micro aux ondes. Il sortit avec son bol pour s’asseoir quelques instants sur les quelques marches qui descendent vers le jardin, à l’arrière de la maison. Mais le bol, un bon vieux bol Duralex, était difficile à tenir, car trop chaud, et Didier lui trouva une place juste à côté de lui, en guise de compagnon sur la marche en pierre restée bien fraîche. En attendant un breuvage plus tempéré, Didier regarda le jardin devant lui. Le retraité voisin, qui avait la main (verte) dessus, avait connu quelques soucis de santé récemment et avait été contraint de laisser son petit monde végétal prendre son destin en main. Bon, essentiellement, ce n’était majoritairement qu’herbes hautes. Didier pensa aux années passées dans le midi, et se dit qu’un beau carré de lavande aurait sa place dans ce jardin. Pour la jolie couleur, mais aussi et surtout, pour le parfum dégagé. Ah ce doux parfum de lavande … En sirotant son thé, devenu entre-temps plus fréquentable, il pensa que ce n’était pas son jardin. Toutefois, en se relevant bol vide à la main pour rentrer chez lui, Didier ajouta à voix haute : « Mais c’est dommage quand même, pour les lavandes ...»
19 – Séché-e
Didier appréciait le calme de son quartier. C’était comme si les habitants de sa rue, et des rues adjacentes, avaient tous tacitement voté pour le droit inaliénable « à être peinard chez soi ». Pas de chien aboyant sans cesse, pas de télévision transformée en sono de foire. Certes, il y avait bien ce chantier de rénovation dans cette maison pas loin, qui traînait depuis des mois. Il y avait aussi les voitures de passage, dont les occupants avaient du comprendre que ces rues désertées étaient un itinéraire bis bien préférable au grand axe trop fréquenté à leur goût, que la masse « des autres » empruntait pour se rendre au centre-ville. Régulièrement d’ailleurs, quelques voitures impatientes tentaient de se refaire en brûlant le feu du croisement. À la grande satisfaction du radar qui habitait là, et flashait sans faillir jour et nuit. « C’est entre autres motifs pour ça qu’on avait inventé la photographie, il y a environ deux siècles : figer sur papier, ou écran désormais, et ce pour toujours, de rares instants de bonheur intense pour les partager avec ses proches ... », pensa Didier avec un petit sourire aux lèvres.
Il était encore tôt, et il n’allait pas enchaîner directement sur un autre bol de thé. Alors il fit couler un peu d’eau dedans, pour rincer, afin d’éviter ce dépôt de thé séché au fond du bol. Certes, il convenait que le dépôt de fond de bol ne fait pas partie des premières choses à changer en ce bas monde, mais il n’aimait pas. On ne se refait pas, après tout !
20 – Exfoliant
Non, on ne se refait pas. On peut améliorer les choses, ou au pire, retarder leur détérioration, voilà ce qu’on peut faire. Et parmi ces choses qui améliorent, il y a la douche, douche que Didier n’avait pas encore prise. À tort peut-être, à tort sans doute, Didier ne prêtait que gère d’attention à son apparence. À commencer par ses tenues. Aussi ne passa-t-il pas plus de dix secondes à attraper dans sa penderie le premier cintre qui portait chemise et t-shirt, puis un boxer dans le tiroir des sous-vêtements, puis se dirigea vers sa salle de bain. C’était simple, vite traité. Pas de prise de tête. En allumant, il jeta un coup d’œil à la pièce. Ici aussi, pas de fioritures, pas de sophistication. Une simple brosse à cheveux, un mug pour sa brosse à dents, un petit déodorant basique et un savon pour les mains, voici tout ce que le coin lavabo offrait. Pas d’exfoliant ni de gel capillaire, pas de parfum. Pas ici tout au moins, car son flacon d’eau de toilette, très simple, occupait un coin de son bureau.
Douche au savon, mais savon de savonnerie artisanale. En effet, il aimait commander sur Internet des savons de qualité, pour lui et pour offrir à son entourage. Et si quelqu’un devait s’offusquer de ce geste, qui pourrait sous-entendre qu’il était douteux voire sale, Didier répondrait qu’il ne s’agissait là au contraire que d’un geste rempli de bienveillance, signifiant «Prends soin de toi, tu comptes». C’était son pêché mignon, la bienveillance … À ce jour, jamais personne ne s’était mépris sur ces cadeaux, il devait donc être perçu comme le gars profondément gentil qu’il était.
L’eau chaude vint assez vite, et Didier garda un moment le pommeau de douche dirigé vers la nuque, en particulier le bas de la nuque. Depuis qu’il avait lu quelque part que cette pratique aidait grandement au relâchement, il ne manquait pas d’y consacrer quelques secondes, en visualisant mentalement de petits nuages noirs symbolisant le stress se faire déloger par le doux kärcher de la douche et partir vers la bonde.
21 – Vanille
Dans l’après-midi, Didier décida de s’installer confortablement devant ce projecteur vidéo qu’il s’était offert pour rendre ses séances de vélo d’appartement moins fastidieuses. L’appareil était rudimentaire, mais bien suffisant pour ses besoins. Il referma à moitié les volets pour créer la pénombre adéquate indispensable, tout en évitant soigneusement de croiser l’engin de torture à pédales. Enfin, il profita qu’il était debout pour soulager le congélateur d’un bac de crème glacée à la vanille. C’était sa kryptonite à lui, et quand il pensait à l’onctuosité de la crème libérant le diabolique arôme de vanille, toute résistance était vaine, il le savait. Alors plutôt que de se croire devenu enfin raisonnable, pour finalement mettre en pause et se lever 30 secondes plus tard afin d’aller chercher le pot, autant le faire tout de suite. Voilà comment on masque un sentiment de gourmandise coupable : avec une optimisation imaginaire de temps et de mouvement, dont il convient d’exagérer grandement la portée. «Tais-toi, ma conscience... Tu vas me faire perdre le fil, c’est malin ! », se dit-il en souriant intérieurement, sur le ton du va-dans-ta-chambre-Papa-a-du-travail. Didier se préparait donc à rouler des bourrelets, vers son fauteuil moelleux, et James Bond se préparait à rouler aussi, mais dans son Austin, et vers une plage remplie de dangers. Chacun son karma. Rapidement, l’habituel concerto pour mitraillettes et hors-bords eut raison de tout remord éventuel, et il avalait machinalement sa glace sans même s’en rendre compte, pour ne rien perdre de ces poursuites endiablées, au dénouement pourtant prévisible, car immuablement favorable au britannique blondinet.
22 – Patience
Ce fut le moment du générique de fin, et le temps d’éteindre le projecteur. Ça faisait plusieurs mois qu’il avait arrêté d’inviter son collègue Thomas à venir voir des films avec lui. Thomas avait un fond gentil, mais se révélait vite être une purge quand il regardait un film avec vous.Toujours le même schéma … Au tout début du film,. il racontait sa vie. Didier avait beau se taire et regarder les images, il prenait ce silence pour un « Vas-y, raconte la suite, c’est tellement intéressant ! », au lieu d’un « Mais tu vas la fermer ! Ça a commencé, tu ne vois pas ? ». On continuait avec des commentaires du genre « Ouahh, t’as vu les nichons ! », « Oh, mon cousin, il a la même chemise ». Et le coup de grâce qui faisait exploser la patience de Didier sans espoir de retour, c’est quand Thomas parlait aux personnages. Faut vraiment être bas de plafond pour parler à une image projetée sur un mur !
23 – Parfumé-e
Didier consulta l’horloge de la cuisine. Celle-ci lui répondit que le prochain passage du bus était dans une quinzaine de minutes. Sans perdre de temps, il enfila ses chaussures, attrapa le sac à surgelés pour partir faire des petites courses d’appoint, en pensant qu’il ne fallait surtout pas reprendre de crème glacée vanille. Il était bien barbouillé, conséquence logique de l’excès du jour. Pendant qu’il tournait la clé dans la serrure, Didier pensa à François, seul là-haut au premier étage, et décida de passer le voir en coup de vent. En montant l’escalier, il remarqua que l’air était parfumé délicatement, une fragrance subtile et envoûtante comme disent les publicités. François était un vrai piège à filles : malgré son âge avancé, ça défilait plusieurs fois par jour. Non, ne vous faites pas d’idées salaces, pas de publicité pour des pilules bleues ici. En réalité, ce n’est pas “malgré son âge avancé”, mais plutôt “en raison de son âge avancé”. En effet, il s’agissait de personnes qui passaient à intervalles répétés pour s’assurer que tout se passait bien dans la garçonnière du père François. Sacré François, ça ne devait pas lui déplaire ce petit défilé, même si en général elles ne restaient que quelques secondes, tout au plus quelques minutes. Arrivé à la porte de l’étage, Didier frappa et entendit Casanova abandonner sa télé sans perdre de temps pour venir lui ouvrir. La moue que Didier lut fugitivement sur le visage de Casanova trahissait la déception de constater qu’il ne s’agissait pas cette fois-ci d’une apparition aussi gracieuse que parfumée. Mais il se reprit vite et fit un sourire à Didier. Ce dernier lui annonça son projet d'une opération commando imminente et minutieusement calculée, une embuscade destinée à soulager les rayons du Leclerc de leur quartier de quelques victuailles, et demanda si le séducteur souhaitait ajouter quelque chose à la liste, comme du champagne et du caviar. Sait-on jamais, sur un malentendu, une visiteuse pourrait un jour s'attarder .… La réponse fut bien sûr négative, mais la demande avait fait rire François. Mission remplie, Didier engrangeait des points de vie à chaque rire ou même sourire qu'il provoquait à ses interlocuteurs. Il libéra rapidement les lieux, autant pour ne pas rater son bus que pour laisser l’accès libre en vue de la montée au premier ciel de la prochaine créature de rêve.
25 – Pain
De retour à la maison, Didier se rendit compte qu’il était bientôt l’heure de dîner. Bien qu’ayant rapporté des petites choses sympas, il n’avait pas envie de consacrer trop de temps à cuisiner. Alors il décida de faire ce qu’il faisait souvent dans ces cas là, un petit plaisir régressif : faire d’un petit déjeuner son repas, autant pour le plaisir que pour l’économie d’efforts, de vaisselle. C’était bien sûr l’occasion de se servir une fois de plus de la fameuse bouilloire. Pendant que la température s’élevait gentiment, il se dépêcha de sortir le beurre de son frigo, le posa sur une petite assiette accompagné du couteau indispensable. Se posa alors la question du pain. À cette heure, plus de boulangerie ouverte… Didier ouvrit la petite armoire qui lui tenait lieu de garde-manger. La délivrance vint d’Outre-Rhin, sous la forme d’un paquet de Vollkornbrot. Certes, c’était assez différent de l’iconique baguette qui fait le renom de la France dans le monde, mais c’était du pain quand même. La bouilloire émit le bip attendu, et, pendant que le thé infusait, Didier commença à étaler le beurre made in Normandie, encore très ferme, sur les germaniques tartines. Une délicieuse façon de vivre l’Europe !
26 – Bergamote
La dernière tartine engloutie, Didier avala ce qui restait de thé dans son bol, sans dédaigner les débris de pain qui y flottaient. Il adorait ce goût que la boisson chaude laissait dans son palais. Il se rappela les tasses de thés, colorées, que lui et son cousin buvaient chez leur grand-mère, pour le goûter. C’était un rituel, une communion inter-générationnelle. Il revoyait tout dans son esprit : les personnes, les lieux, les objets… Et il devait ce touchant retour en arrière à la saveur de la bergamote, tellement inséparable de ces boites de métal marquées TWININGS, Original Earl Grey, des boites qui n’avaient pas changé depuis, ou si peu. Avec émotion, il décida de se refaire une tasse, pour prolonger cette vibration surgie de son passé. Et tant pis si le thé empêche de dormir !
27 – Emballé-e
Le lendemain matin, Didier s’éveilla vers les 11H00. Avec, même en cherchant bien, rigoureusement aucun sentiment de culpabilité. Dès qu’il eut assez de lucidité pour se rendre que c’était dimanche, il s’offrit un de ses luxes préférés : ne pas regarder l’heure. À quoi bon ? Pas de rendez-vous, pas d’obligation, personne pour lui décocher des remarques plus ou moins acides. Seul mais peinard, roi du monde. En tout cas jusqu’au lendemain matin. D’ici là, seul maître à bord ! Il jeta un bref coup d’œil vers les lames du volet, pour avoir une idée très approximative du temps. Ça disait : « Bof, reste allongé ! », et comme il se sentait tout à fait disposé à obéir, ça sentait la grasse matinée à plein nez. Il se leva juste quelques instants pour se faire un thé, noir bien entendu, mais il n’était pas emballé à l’idée de se remettre une tournée de vollkornbrot, celui de la veille au soir étant encore trop présent à sa mémoire et à son système digestif. Pas de tartine donc, mais un peu de muesli mélangé à deux yaourts nature, brassés, c’était mieux, des brassés. Il revint dans la chambre tout en mélangeant le contenu du bol pour le poser sur le bureau non loin du lit. Un second aller et retour, avec le bol de thé cette fois, et il se remit au lit. Et décidant que le thé, trop chaud, devait refroidir un peu, et le muesli devait absorber l’humidité des yaourts pour être moins étouffant, il alluma et régla soigneusement son luminaire Ikea à col de cygne flexible, attrapa le bouquin en cours, modela l’oreiller pour incliner légèrement la tête pour faciliter la lecture, et, avec une joie de gosse qui déguste sa liberté, retira le marque-page pour s’engouffrer page 68, dans le « Le réveil », de Gounelle. Titre de circonstance.
28 – Mains
C’était la seconde fois qu’il lisait ce livre. Et il se régalait tout autant. Il avait décidé de s’offrir la totalité des livres de Gounelle, ainsi que d’autres. Ceux de Christian Bobin par exemple, sa découverte de l’année précédente. Il allait jusqu’à en offrir autour de lui pour faire davantage connaître ce monument de la poésie. Quelques jours auparavant, il avait donné sa chance à un aride livre écrit par un académicien, un peu guindé. Il eut du mal à dépasser les 40 premières pages, et comme le livre ne cessait de lui tomber littéralement des mains, il avait décidé de le renvoyer sur l’étagère, et, ce faisant, aux calendes grecques. Il devait bien avoir une vingtaine de bouquins autrement plus intéressants sur sa toread list. Il s’agissait pêle-mêle d’autobiographies, de romans policiers, de mémoires d’hommes politiques, de romans noirs, et même d’ésotérisme et de poésie. Ça ne l’empêchait pas, au gré de sa navigation sur Internet de découvrir ci et là des idées de lecture, et d’aller les chercher à la médiathèque le samedi suivant.
29 – Mousse
« Ne pas se goinfrer trop vite des bonnes choses de la vie, il n’y en a pas tant. Mâche, respire, il s’agit de les déguster !», se dit Didier à voix haute. Alors il mit en place le marque-page offert par la médiathèque à celles et ceux qui osaient encore, à notre délicieuse époque, préférer le papier au pixel. Puis, posant le livre sur la table de chevet, il se dirigea vers la cuisine, avec la nonchalance dominicale de rigueur, et les incontournables chaussons moelleux de chez IsoToner aux pieds. À cette allure et ainsi chaussé, il pouvait être sûr qu’il ne risquait pas déclencher les radars ! Avisant l’horloge, il décida qu’il était tout à fait envisageable de s’infliger une petite mousse, bien fraîche, précieuse alliée face à ce petit bol de cochonneries grasses et salées, fichées S chez tous les diététiciens de France et d’ailleurs. Bol qui sous peu allait devoir négocier avec le froid houblon à qui descendrait en première position l’œsophage du lecteur en pause. Assis bien confortablement, époussetant sans grand succès les miettes apéritives amoureuses de ses abdominaux très approximatifs, qui trahissaient le carnage calorique et constellaient son t-shirt, il eut cette vibrante pensée frappée au coin du bon sens : « Je pense qu’il est temps d’attribuer un Prix Nobel à qui a inventé la bière belge ! ». Pas la peine de regarder, le stressomètre était à zéro pointé.
30 – Laver
Parfois il buvait la bière directement à la bouteille,et parfois il utilisait un verre. Il adorait ce bruit que fait le verre en se remplissant, le bruit de la mousse montant, montant, savamment dosée par l’inclinaison puis le redressement du verre, qu’il avait pris soin de rafraîchir au préalable. Il but gorgée après gorgée, en laissant la bière couler doucement dans sa gorge, et en emplissant ses narines des effluves du délicieux liquide. En cela, le verre permettait à son inspiration de rimer avec dégustation, et l’expiration rimer avec délectation. Au terme de son voyage sensoriel, Didier se leva pour poser le verre dans l’évier, accompagné du bol pareillement vide. Mais la vue de l’évier quasi débordant lui gâcha ces instants d’intense félicité. Quelle vision accablante ! Mais comme les petits lutins ne travaillent pas le dimanche, il se résigna à laver sa vaisselle sans procrastiner davantage. Pour se motiver, il dit, comme au début de chaque lavage, à voix haute cet encouragement qui avait le don de le faire rire bêtement, mais pleinement : « Un, je prends la bouteille de Grégory, et deux, j’en verse un peu sur Bob... » Et en effet, il rit. La bière n’y était pour rien, il avait toujours eu un faible pour cette façon vaseuse de jouer sur les mots. Mais qui, à part lui, pour comprendre le sens de cette phrase ? Peut-être un cinéphile aux cheveux blancs, aidé d’un trentenaire fan de dessins animés...
31 – Savon
Didier avait un grand nombre de torchons, aux motifs variés, et il les empilait avec soin sur l’étagère du haut, dans une bonne odeur de lessive et d’adoucissant. Le mystère était : mais pourquoi avait-il autant de torchons ? Et pourquoi les sélectionnait-il avec beaucoup d’attention, n’hésitant pas à s’offrir des modèles parfois assez chers ? Pour avoir de quoi absorber les éclaboussures ?
Tout ce cinéma, ces tickets, ce coût de torchon, pour les projections ? Comme si il était un Tavernier …
Une fois que tout fut soigneusement séché et rangé à sa place, Didier, décidément très actif, regarda le savon qui lui, par contre, bullait sur le bord de l’évier. Hum, senteur chèvrefeuille … Indice 75 sur l’échelle de la tuerie olfactive ! Il céda. Et malgré des mains déjà bien nettoyées par l’action de Grégory et Bob, il ne put résister à l’appel du doux parfum. Il adorait l’onctuosité du savon sous ses doigts. Mais soudain, tandis qu’il les frottait, il vit avec horreur ses ongles devenir peu à peu transparents. Puis cela gagna les paumes, pour passer ensuite aux poignets et continuer de monter. Dans le même temps, tout devenait diaphane autour de lui. Les murs, l’étage, avec le père François et ses girls, le quartier, le …. Au final, tout avait disparu. Absolument tout.
Non ! Non, pas exactement tout. En regardant bien, on pouvait voir qu’il subsistait le sincère plaisir que mastorek avait eu à vous écrire ces lignes.