Le Royal. Roubaix
from Cyril Cincet / Photographies
#bistrot #blackandwhite #roubaix
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from Cyril Cincet / Photographies
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from Un Spicilège
C'est une série très tendre que je viens de découvrir sur arte.tv. Ceux qui rougissent, de et avec Julien Gaspar-Oliveri m'a rappelé mes années de collège et les cours de théâtre que j'y ai suivis. Mon professeur aussi nous en a fait, des cours atypiques, basés sur l'expression corporelle ou l'exacerbation des sentiments. Cela m'a beaucoup marqué et “quelques” années après, je m'en souviens encore. Je me souviens également de l'impact que ces cours ont eu sur mon estime de moi, la perception que j'ai de mon corps... C'est sans doute pour ça que j'ai été si touchée par cette série.
On y retrouve en effet l'histoire d'un groupe de lycéens dont le cours de théâtre va être chamboulé par l'arrivée d'un professeur remplaçant qui bouscule rapidement la troupe, plutôt habituée jusqu'ici à réciter mollement du Shakespeare. Portée avant tout par son réalisme extrême, proche du documentaire, et par son casting de jeunes absolument parfait (mention spéciale à Nicolas Kessler, particulièrement bluffant) Ceux qui rougissent parle avant tout de l'adolescence, cette période pendant laquelle la construction est si difficile, l'estime fragile et l'égo handicapant. Tournée dans un gymnase qui gomme les provenances, on ne s'attache qu'aux personnalités et aux échanges. Ces adolescents qui se ressemblent dans leurs disparités et ce jeune professeur de théâtre, qui ne sera jamais nommé, dont la sensibilité et la détermination portent le groupe.
Une très jolie découverte, un peu frustrante de par son format court (8 fois 10 minutes environ), qui a su me happer et m'a laissée toute émue.
Ceux qui rougissent | Julien Gaspar-Oliveri | 2024
from Ma vie sans lui
Mon petit fantôme
J'ai l'impression que je n'y arrive plus. Mon amoureux est présent plus que jamais depuis “le jour où”, tel un petit fantôme qui s'accroche et qui ne veut pas lâcher l'affaire. Il est là au boulot, dans les échanges avec les élèves, dans les échanges avec les collègues, il est dans les moments de doute, dans les moments plus légers, il est dans tout ce qui me reste de lui et que je vais devoir déménager, il est surtout dans ma tête, en permanence, tout le temps, partout.
Il est aussi dans l'ironie du fait que je l'appelle mon “petit fantôme” car c'est un terme qu'il m'avait attribué, suite à une séance assez épique de changement de housse de couette où je m'étais retrouvée emberlificotée dedans, et qu'il avait prise en photo, pour se moquer gentiment de mes contorsions.
J'ai l'impression que je n'y arrive plus. Je n'arrive plus à faire comme si j'étais forte, comme si j'étais en train de surmonter ce deuil, je n'arrive plus à me motiver à aller au boulot, je n'arrive plus à penser à autre chose que ce trou qu'il a laissé en moi et à un avenir sans lui. Je n'y arrive plus.
Je n'arrive même plus à lire, ce qui ne s'était jamais produit depuis que je sais lire (soit 50 ans, environ). J'ai eu des périodes où j'ai moins lu (quand mes enfants étaient bébés et/ou petits) mais jamais de moments où je n'arrive plus à me concentrer sur les pages que je lis, sur une histoire, aussi intéressante soit-elle. J'ai essayé les polars, la littérature jeunesse, les essais. Je n'y arrive plus. Quand j'ouvre un livre, mon regard flotte sur les premières lignes et au bout d'un moment, il se floute et passe au travers des mots, à la recherche de qui, de quoi, je ne sais pas mais il se perd dans les lettres écrites ici et qui ne trouvent plus de sens. La BD semble la seule chose qui reste encore à ma portée. C'est frustrant à l'extrême, j'en pleure de rage. Ne plus parvenir à faire ce qui était le pilier de mon existence crée une sorte de second deuil.
Je sais que cela reviendra, qu'il y aura un jour où je parviendrai à nouveau à lire et à y prendre du plaisir mais pour l'instant, l'évasion que procure la lecture n'est plus à ma portée, empêtrée que je suis dans ce chagrin sans fond.
Alors, j'ai commencé à trier les livres de la bibliothèque, ceux de mon amoureux, je veux dire. Il y a en plein que je souhaite garder mais d'autres qui n'ont pas d'intérêt pour moi. Je vais les éparpiller dans des boites à livres, ce sont de bons livres, en bon état. Mais auparavant, j'ai dû les vider car ils sont parsemés de coupures de journaux, en lien avec le thème ou l'auteur. De l'un d'eux, particulièrement chargé, est tombée une photo.
L'image est floue, très floue même, sans doute le résultat d'une expérimentation d'un atelier photo avec les jeunes dont s'occupait mon amoureux (il aimait bien travailler sur l'image avec eux). La photo, en noir et blanc, le montre, assis ou accroupi devant un bâtiment plutôt crasseux. Il porte une de ses chemises à carreaux et tient à la main un livre (?). Il est jeune, ses cheveux sont un peu longs et sa barbe est déjà là. Il me regarde, un peu penché (le cadrage est hasardeux). Il me regarde, à la fois dans le passé et au-delà de la mort, le flou accentuant encore cette impression. On dirait un peu une de ces vieilles images de fantômes prises au début du 20e siècle...
C'est la deuxième fois qu'une photo de lui me tombe dessus, littéralement parlant. La première fois, c'était il y a un mois tout juste, le jour de mon anniversaire. Je commence à me demander si je vais en trouver une troisième le 21 juin. Je ne pourrais sûrement pas m'empêcher d'y voir un signe. Un signe de quoi ? Il n'y a plus rien à attendre.
Je suis fatiguée et il me manque, comme au premier jour. Je n'ai pas avancé d'un pas. J'en suis toujours à la douleur de l'avoir perdu, au sentiment d'injustice qu'un amour aussi intense ait été brisé net, au manque qui se fait ressentir physiquement et à la terreur d'envisager un avenir sans lui.
Je n'ai pas avancé d'un pas.
from technotrotteur
Le chat sort son sac
#proverbedétourné
from Impulsion Végé
Autant ne plus jamais manger de viande de ma vie ne me pose aucune diffilculté, autant me passer de crêpes est une chose totalement inconcevable. Alors lorsque j'ai entrepris mon processus de végétalisation de mon alimentation, trouver une recette de crêpes végétaliennes a été ma priorité.
Il se trouve que c'est beaucoup plus facile que je ne me l'étais imaginée ! Pour faire des crêpes, il faut de la farine et du lait végétal !
Oui, seulement avec ces deux ingrédients, c'est possible de faire des crêpes ! La recette je l'ai trouvé sur ce blog qui explique tout bien comme il faut : Crêpes vegan
Bon, ça c'est la base de la base. Mais quand même, c'est meilleur en rajoutant de la matière grasse. Et puis du sucre aussi. Eventuellement un arome. En fait, on peut personnaliser comme on veut, selon le goût et la texture qu'on préfère.
Comme c'est une recette que je fais souvent, et que j'ai déjà personnalisé de plusieurs façons différentes, il m'est arrivé d'avoir quelques loupés. Mais c'est pas grave, j'ai appris de mes erreurs pour faire de meilleurs crêpes !
Quelques astuces d'après mon expérience :
Remplacer une partie de la farine de blé par une autre farine, c'est possible, mais mieux vaut tester à petites doses. J'ai eu un échec cuisant en ayant mis trop de farine de coco par exemple une fois, et impossible de faire des crêpes avec !
Le temps de repos, c'est vraiment utile ! Je réussis toujours mieux mes crêpes en ayant préparé la pâte la veille.
La crêpe est mieux réussie quand on la laisse cuire tranquillement ! C'est quelque chose que j'ai mis longtemps à comprendre. J'ai toujours eu tendance à être en stress devant ma poêle, et à essayer de décoller les bords à peine formés. Et j'ai souvent eu des problèmes de crêpes qui ne se décollent pas bien, qui se déchirent. Et j'ai pu constater que quand je suis occupée à vider le lave-vaisselle ou à préparer les autres éléments du petit-déjeuner en même temps que je fais cuire mes crêpes, je n'ai plus aucun problème à décoller et à retourner. Donc, voilà, la crêpe, on lui fiche la paix !
Autre détail qui a son importance pour la réussite des crêpes : une crêpière en bon état ! Vraiment, ça fait une différence, j'ai testé ça aussi !
Donc, après ces informations de la plus haute importance, voilà ma recette, testée et approuvée !
Ingrédients : – 250g de farine T65 – 550ml de lait d'avoine – 20g de sucre – 20ml d'huile neutre – une pincée de sel – Au choix : vanille, fleur d'oranger, cannelle, ...
Instructions : 1. Dans un grand bol, mettre la farine et la pincée de sel. 2. Former un puit, y mettre le sucre, l'arôme et l'huile. 3. Verser peu à peu le lait végétal en mélanger. 4. Laisser reposer autant que possible avant de commencer à cuire.
#CrêpesVégétaliennes #PetitDéjeunerVégétalien
from Ma vie sans lui
Un pas en avant, deux pas en arrière
Cette semaine, j'ai eu plein de moments bleus, des coups de tristesse voire des attaques de vrai chagrin. J'ai sangloté dans mes assiettes (cela m'arrive souvent le soir, à table, dans cette cuisine où rôde le souvenir de son corps étendu là, à quelques centimètres, les yeux définitivement clos à la vie, à l'amour, à la joie), j'ai pleuré plus discrètement au collège, au supermarché, au marché, j'ai étouffé des cris de rage dans mon oreiller avant de dormir, seule, toujours et encore seule, sans lui.
Pourquoi cette semaine particulièrement ? Parce que c'était le 9e mois qui commençait, 9 mois d'absence, de désert, de larmes et de regrets. Parce que j'ai bravement donné mon préavis pour quitter cet appartement, que je serai partie avant même l'anniversaire du “jour où” et que c'est à la fois un soulagement et une douleur. Parce que nous avons été si heureux ici et moi si malheureuse ici. Parce que j'ai signé ma demande de prêt pour acheter la maison et qu'il aurait dû être là avec moi, c'était le projet que nous avions commencé à ébaucher ensemble et que je me retrouve seule à signer, malgré ma trouille de ne pas réussir à m'occuper de cette grande maison, de prendre un crédit plus long que prévu, de ne pas supporter cette aventure. Parce que les moments du quotidien où il me manque sont toujours aussi nombreux, malgré toutes les choses auxquelles j'ai à penser actuellement et qui pourraient me distraire un peu de cette mélancolie.
Sa main dans la mienne en attendant notre tour chez le maraîcher de la halle le samedi. Les chatouilles dans le lit au réveil. Sa silhouette dans l'encadrement de la porte de la salle de bain quand je me douche (et sa petite phrase “Tu m'as appelé ?”, prétexte à venir me voir nue). Ses textos du matin quand j'arrive au boulot. Ses baisers avant la sieste du week-end. Son bras autour de moi pendant le sommeil.
Et tout ce qui aurait pu avoir lieu cette semaine, s'il avait été là : son stress avant le rendez-vous à la banque, sa fierté quand je lui aurais montré le livre auquel j'ai collaboré et que j'ai enfin reçu, ses commentaires moqueurs sur mon trop-plein de conscience professionnelle, ses questions impatientes pour savoir si C. ou J. ont réussi leur oral de brevet.
J'avais l'impression, il y a une semaine, d'avoir fait un grand pas en avant dans ce deuil, de commencer à me faire à l'absence, de me projeter efficacement vers l'avenir. Je l'entendais me souffler “Petite forte !” dans l'oreille.
Forte, je ne suis pas. Ni courageuse. Profondément triste encore. Et découragée, et seule, si seule...
Je me suis fait la réflexion ces derniers jours que je n'avais plus eu de nouvelles de ses collègues, pourtant si bouleversés par sa mort, depuis le jour où nous avons dispersé ses cendres. Je n'ai même plus de contacts avec son père, qui ne m'envoie des messages que lorsqu'il y a un truc administratif à régler (avec la déclaration d'impôts 2024, je crois que nous en avons fini avec les paperasseries).
Un grand pas en avant, ça ne suffira pas si je dois faire autant de petits pas en arrière, tout le temps. J'aimerais que le chagrin s'efface, que la douleur s'estompe, que le temps fasse son œuvre mais il ne semble pas pressé, il flâne, il flemmarde, il serpente entre les obstacles, il s'étire indéfiniment. Et moi, j'ai encore mal, si mal...
from Il n'y aura pas de f(r)iction.
Laisse moi voir venir le jour
[Manu Chao – La vie à deux]
La septième chambre est en vérité un salon-salle à manger dans un trois pièces où je suis installée par convention de jeune adulte, parce que nous avions besoin de place pour étudier et qu'il y a un bureau où ranger le mec. Dans le salon je dors par petits morceaux inquiets, je lis toujours, je tape mes rapports de stage j'ai installé la bouilloire, je mange mieux, je regarde des films et les premières séries télévisées, je suis très souvent à la fenêtre parce que la vue sur la cathédrale et sur la forêt noire est incroyable, je vois les tours tomber en direct, je vois le pont Churchill partir en morceaux, je vois la médiathèque pousser, je vois les squats du môle Austerlitz disparaître, je vois que j'aime ce quartier, je vois mon vélo garé en bas, je vois ma mère se garer en bas à 3h du matin je rafle tout ce que je peux sur l’étendoir à linge je mets n'importe quoi dans mon vanity, je gémis parce que j'ai fais trop de bruit, je descends vite vite avec mon petit sac je tombe dans les escaliers, je rentre une semaine après et je range les caleçons que j'ai commandés sur la Redoute, sans un mot, avec une mèche de cheveux brûlée au white spirit et dans mon sac le journal gratuit des petites annonces immobilières.
La huitième chambre brûle un jour d'hiver plein de neige et je n'ai jamais eu autant de peine, parce que je n'y ai jamais eu autant de joie. Le parquet est bleu, la connexion Internet est à moi, le balcon donne sur l'Allemagne, je me suis concentrée et j'ai choisi des rideaux, j'ai acheté un lit une place, et puis un lit deux places parce que quand j'attends que quelqu'un se gare c'est toujours quelqu'un qui va m'aimer, sur le parking un matin un garçon sort en se recoiffant, de la main gauche je lui fais un petit signe, de la main droite j'appuie sur le bouton de l'interphone pour ouvrir à celui qui a prit le train à 5h30 pour venir, ils se croisent mais ne se connaissent pas, le temps qu'il monte au troisième j'ai changé les draps comme dans cette pub Ikea. Dans la huitième chambre j'ai une armoire à glace parce que j'ai une haute opinion de moi même, nous avons dormi à huit la nuit de mes trente ans, j'ai déchiré des lettres romantiques, hurlé de fureur et de volupté, jeté une paire de chaussons par la fenêtre sur le type qui venait de me larguer et qui fuyait sur son vélo, écouté du rock indé en faisant fi de mes voisins, j'ai arrêté de fumer à l'intérieur, ensuite j'ai aussi arrêté de fumer, j'étais toute nue sur mon lit quand j'ai demandé quelqu'un en mariage par SMS, et puis j'ai tout vendu sur le bon coin, je suis revenue par le TGV deux mois plus tard pour rendre les clés.
from Il n'y aura pas de f(r)iction.
Dans le thé, des langues de chat, en silence.
[Kat Onoma, La Chambre]
Je ne me souviens pas de celle de la Loch.
La seconde, si. Il y a un lit d'une place et demie, ancien, à grands montants, très haut, probablement un don de mes grands parents, qui prend toute la place dans la pièce, au pied duquel est collé le lit pliant dans lequel dort mon petit frère, puisque, même si c'est dangereux donc interdit, je lui fais faire des roulades, de mon lit au sien. Il y a mon pot de chambre, dans lequel j'ai fais tomber ma peluche Popples, et depuis je ne veux plus jouer avec même si maman l'a lavée, la maison des bidibulles posée sur ma commode, mon mange disque orange, les livres de l'Ecole des Loisirs.
La troisième, c'est la mienne. J'ai un lit de grande fille, une armoire pour ranger mes jouets, une étagère pour mes livres et une penderie trois portes avec des miroirs qui me plait énormément parce qu'elle reflete l'intégralité de la pièce, mais qui m'agace aussi parce qu'elle sert aussi pour ranger les vêtements des autres et que tout le monde y a accès, l'un des miroirs d'entre est fendu parce que j'ai fais karateka avec mon pied dedans, ma mère a hurlé, mais rien de plus grave qu'une cicatrice sur ma cheville, mon frère en a une à l'arrière du crâne où les cheveux n'ont jamais repoussé car je l'ai poussé contre le radiateur qui garde une toute petite tâche de sang, c'est aussi sur le rebord de cette fenètre qu'un corbeau a plongé en piqué pour dévorer l'une de mes tortues qui prenaient le soleil dans leur aquarium, le papier peint en face de mon bureau est maculé de tâches d'encre car j'écris énormément avec un style qui fonctionne mal c'est une chambre pleine de bagarre à première vue, parce que je claque souvent la porte pour empêcher les autres d'y entrer, au bout d'un certain temps en début d'adolescence je bloque la porte avec ma chaise de bureau, je suce de la pâte à sel et d'autres horreurs en relisant toujours les mêmes livres.
La quatrième est immense, c'est la plus grande pièce de la maison, j'ignore pourquoi on me l'a attribuée et pas à mes parents, et puis je comprends, toujours cette armoire encombrante, et puis la suite parentale est équipée d'un dressing sous les toits et d'une petite salle de bains privative où s'isole maman, Papa à son bureau, mon frère a installé sa batterie dans la soupente, et moi j'ai une chaine hifi surpuissante et mon walkman car j'écoute beaucoup de musique et il fait beaucoup de bruit. Je danse, je danse, je danse mais déjà il faut partir dans une autre maison où nous serons moins loins les uns des autres et où il fera peut être moins froid.
La cinquième est toute petite, elle donne sur le toit en pente de la véranda, d'où je vois chacun, dissimulée de tous, je m'y installe pour fumer quand le reste de la famille est absent, et je repère depuis mon perchoir le spot cigarette de ma mère, au sommet de la rue à l'orée de la forêt, c'est un banc isolé, c'est aussi là où on capte le réseau téléphonique de sa mobicarte pour tous les appels qu'elle ne peut pas passer avec le fixe, c'est la chambre des secrets, j'y fais griller des marshmallow à la bougie et j'y révise mon bac, j'y gratouille ma guitare et je crois bien que lorsque j'ai invité à dormir pour fêter mes 17 ans Lily, John, La Drey et le Benevent, ces derniers y ont fait l'amour, enfin c'est ce que Lily m'a dit le lendemain, moi je sais déjà que je n'y ferai jamais l'amour, que ça m'attend ailleurs, d'ailleurs l'amour s'en est allé.
La sixième est dégueulasse. Les murs puent la clope en permanence et je n'arrange pas les choses, la vue sur le parking est morose, tous mes voisins m'entendent quand je baise, les meubles universitaires sont en plastique et j'y suis souvent paisiblement en sous nutrition avec des sachets de thé lipton infusés plusieurs fois par économie, des gateaux achetés chez Aldi et des nouilles chinoises instantanées que je prépare en tournant à fond le robinet d'eau chaude puisqu'il n'y a rien pour cuisiner. C'est pourtant le premier endroit où j'ai dormi lourdement et paisiblement, le premier endroit où j'ai ressenti tellement d'émotions, le premier endroit où j'étais seule avec mon corps, comme un mollusque introspectif et paresseux. Je finis par la nettoyer toutes les semaines et par ne plus prendre le train pour rentrer car qu'est ce qui m'attend d'autre que ces 9 mètres carrés ?
Ha oui. La vie à deux.
from Depuis les Gorces
On aimerait toustes qu'un groupe puisse fonctionner bien sans avoir besoin de perdre du temps à construire des règles. Si on a réuni que des gens très bien, ça devrait marcher, non ?.
Il y a presque 10 ans, je créais une association avec quelques copines pour développer la recherche participative dans le monde du cheval. À cette époque, j'avais deux craintes pour cette association :
Je crois qu'on a bien réussi. Au bout d'un an on était déjà 100 membres de toute la France. Au bout de 3 ans, comme je l'avais annoncé au départ, j'ai quitté le poste de présidente. Et aujourd'hui, il n'y a plus personne de l'équipe de départ dans le bureau, et l'association vit sa meilleure vie !
Du coup, à l'époque, j'avais fait de la biblio pour comprendre un peu mieux les organisations, et j'étais tombée sur cet article absolument génial de Jo Freeman :
Il s'agit d'un article écrit par une femme militante féministe qui analyse les jeux de pouvoir au sein des collectifs féministes des années 1970. Elle montre qu'en l'absence de structuration explicite, tout collectif reproduit les systèmes de domination en cours dans nos sociétés 😔.
« Le laisser-faire au sein du groupe est à peu près aussi réaliste que le laissez-faire dans la société. L’idée [d'une absence de structure] devient un écran de fumée qui permet aux forts ou aux chanceux d’exercer sur les autres un pouvoir que personne ne viendra remettre en question »
Passons donc au résumé de l'article.
La première idée forte de cet article serait assez banale en sociologie. Quel que soit le groupe ou le collectif, il y a toujours une structuration qui se fait, le plus souvent de manière informelle, c'est-à-dire sans que personne ne l'ait vraiment décidé.
Any group of people of whatever nature that comes together for any length of time for any purpose will inevitably structure itself in some fashion.
N’importe quel groupe d’individus – quel que soit sa nature, sa longévité ou son but – va inévitablement se structurer d’une manière ou d’une autre.
L'absence de structure ne conduit pas à une absence de hiérarchies ou de jeux de pouvoir, au contraire, elle donne davantage de pouvoir à certaines personnes sans que ça ne soit le fruit d'une décision collective.
Thus structurelessness becomes a way of masking power, and within the women's movement is usually most strongly advocated by those who are the most powerful (whether they are conscious of their power or not).
Ainsi, l’absence de structures devient une façon de cacher le pouvoir, et ce sont en général les membres les plus puissantes des mouvements féministes (qu’elles soient conscientes ou non de leur pouvoir) qui en sont les plus ferventes partisantes.
Jo Freeman constate qu'un petit nombre de personnes qui prend toujours le pouvoir informellement dans les groupes. C'est ce qu'elle appelle l'élite de ce groupe.
Correctly, an elite refers to a small group of people who have power over a larger group of which they are part, usually without direct responsibility to that larger group, and often without their knowledge or consent.
Correctement utilisé, le terme « élite » fait référence à un petit groupe de gens qui détiennent du pouvoir sur un groupe plus large dont ils font partie, généralement sans avoir à lui rendre de comptes et souvent, sans que le groupe plus large ne le sache ou ait donné son consentement.
Une copine de militantisme me disait que quand on rejoint un tel groupe, on a la sensation de venir « à leur table ». On n'est pas égaux, on est invités, et donc on doit bien se tenir et ne pas trop mettre le bazar.
L'élite est très souvent un groupe d'ami·es qui pré-existait au collectif. Ces personnes se connaissent, elles s'appellent en dehors des réunions, elles partagent des infos entre elles. Et lors des réunions, elles font en général bloc contre les nouveaux sans s'en rendre compte.
Elites are nothing more, and nothing less, than groups of friends who also happen to participate in the same political activities. They would probably maintain their friendship whether or not they were involved in political activities;
Les élites ne sont ni plus ni moins qu’un groupe d’amis dont il s’avère qu’ils sont impliqués dans les mêmes activités politiques. Leur amitié persisterait sûrement en dehors de tout engagement politique et, de même, leur engagement politique perdurerait même s’ils n’étaient plus amis.
Une copine militante me faisait récemment remarquer qu'une règle d'or pour elle c'est que toutes les décisions soient prises pendant les réunions. Ou son corollaire qui est plus clair : qu'aucune décision ne soit prise en dehors des réunions. Cette règle permet d'éviter qu'on prenne une décision pendant la réunion du groupe, avec tout le monde présent, et qu'ensuite quelques hommes aillent boire des bières ensemble et décident dans leur discussion qu'en fait non, c'était pas la bonne décision.
Quand le groupe est grand (comme dans un parti politique), il peut y avoir plusieurs élites qui correspondent en général à plusieurs courants. Ces courants se battent pour remporter l'adhésion de l'ensemble du groupe pour le pouvoir formel.
In a Structured group, two or more such friendship networks usually compete with each other for formal power. This is often the healthiest situation, as the other members are in a position to arbitrate between the two competitors for power and thus to make demands on those to whom they give their temporary allegiance.
Dans les groupes structurés, ce sont généralement deux ou plus de ces réseaux informels qui sont en compétition pour l’obtention du pouvoir formel. Cette situation est souvent la plus saine, dans la mesure où elle permet aux autres membres du groupe d’arbitrer la compétition entre les deux prétendants au pouvoir, et ainsi d’imposer leurs revendications à ceux à qui ils prêtent temporairement allégeance.
Il est relativement simple de savoir qui forme l'élite d'un groupe.
Dans un groupe que j'ai rejoint récemment, j'ai parlé d'une idée à une autre personne qui m'a directement répondu : « Faut que tu en parles à C. ». J'ai donc ainsi appris que C. était en haut de cette hiérarchie informelle et que c'est elle qu'il faudrait convaincre (courtiser ?) si je veux rejoindre cette élite et faire avancer mes idées / participer aux décisions du groupe.
La façon la plus simple, c'est évidemment la co-optation en trouvant une genre de parrain / marraine dans l'élite. Sinon, il faut jouer avec les mêmes règles que pour se faire des ami·es : partager les mêmes codes sociaux, les mêmes valeurs, socialiser dans les mêmes lieux, courtiser, etc. En gros, c'est la cour de récré du collège. Et pas de bol pour moi, j'y étais globalement assez nulle pour intégrer les groupes en vue...
The characteristics prerequisite for participating in the informal elites of the movement, and thus for exercising power, concern one's background, personality, or allocation of time. They do not include one's competence, dedication to feminism, talents, or potential contribution to the movement. The former are the criteria one usually uses in determining one's friends. The latter are what any movement or organization has to use if it is going to be politically effective.
Ces prérequis à la participation au sein des élites informelles, et donc à l’exercice du pouvoir, concernent surtout l’origine, la personnalité, ou le temps passé à contribuer au mouvement. Ils n’ont rien à voir avec les compétences, le dévouement au féminisme, les aptitudes ou les contributions potentielles au mouvement. La première catégorie de prérequis est celle qu’on applique généralement lorsqu’on choisit ses amis. La seconde concerne plutôt les compétences dont n’importe quel mouvement ou organisation a besoin s’il veut avoir un réel impact en politique.
Un critère d'appartenance à l'élite d'un groupe, c'est donc d'avoir du temps pour socialiser avec ce groupe, et aussi d'avoir du temps tout court pour bosser pour le collectif.
De facto, on exclue les personnes qui n'ont pas tout ce temps :
Quand on exclue ces personnes de l'élite (sans en avoir conscience), on les exclut des prises de décision, et à la fin on fait sans elles, et pas vraiment en leur nom.
Une des conséquences négatives d'un fonctionnement purement informel, c'est qu'il renforce le star-system. Puisqu'il n'y a pas de chef·fe ou de représentant·e officiel·les, les personnes à l'extérieur du groupe érigeront certaines stars du groupe en porte-parole.
Il y a un groupe féministe qui se veut totalement horizontal sur notre territoire et je me posais la question de leur position sur un incident. L'une d'entre elles me dit : « Toutes nos paroles ont la même valeur, il n'y a pas de cheffe ». Et ça sonnait ultra faux pour moi. J'étais convaincue que la parole d'une des femmes moins populaire dans leur groupe risquait d'être désavouée ensuite. En tous cas, pour moi, de l'extérieur, les représentantes étaient les grandes gueules / les personnes les plus connues du groupe, même si ça n'était pas leur volonté.
J'ai l'impression que c'est aussi ce qui est beaucoup arrivé dans le cadre des gilets jaunes. Certaines personnalités charismatiques sont devenues des porte parole sans avoir été désignées comme tel par leur groupe.
But because there are no official spokespeople nor any decision-making body that the press can query when it wants to know the movement's position on a subject, these women are perceived as the spokespeople. Thus, whether they want to or not, whether the movement likes it or not, women of public note are put in the role of spokespeople by default.
Mais parce qu’il n’existe pas de porteparole officiel ou d’organe décisionnel que la presse peut interroger lorsqu’elle désire connaître le point de vue du mouvement sur un sujet donné, ces femmes sont amenées à jouer le rôle de porte-parole. Ainsi, qu’elles le veuillent ou non, et que cela plaise ou non au mouvement, les femmes bénéficiant d’une certaine notoriété se voient attribuer cette fonction par défaut.
Parfois, les femmes qui deviennent des stars sont stigmatisées dans leur groupe où les autres leur en veulent, et elles finissent parfois malheureusement par quitter le mouvement. Ce qui n'est jamais une bonne chose.
Le dernier reproche que fait Jo Freeman aux collectifs qui refusent de s'organiser, c'est leur impuissance politique.
Il y a quelques collectifs non structurés qui fonctionnent, mais ils sont rares, et ils partagent les caractéristiques suivantes :
Quand ces conditions ne sont pas réunies, ces groupes fonctionnent mal et ne sont pas efficaces selon Jo Freeman. C'est ce qui explique, selon elle, que les seuls collectifs qui se font entendre à large échelle sont des collectifs bien structurés.
La seule solution est de structurer démocratiquement le groupe, et pour ça, Jo Freeman recommande 6 principes.
J'ai ré-ouvert ce texte car aujourd'hui je suis davantage dans une phase où je rejoins des collectifs que dans une phase où j'en crée. Je suis surprise car quand j'échange sur mastodon, tout le monde connaît ces grands principes et se targue de les appliquer super bien. Et pourtant, je reproduis encore et encore l'erreur de rejoindre des collectifs dans lesquels les réseaux informels dominent et où il faut dépenser beaucoup d'énergie pour pouvoir contribuer... En un an, j'ai rejoins 3 collectifs non structurés :
Ma morale de cette histoire c'est qu'avant de m'engager dans un collectif, il faut vraiment que j'enquête sur l'existence, ou pas, d'une structuration. Et que je sache dire non.
#Feminisme #AutoOrganisation #Collectifs #Socio
from adventices
je suis soufflé sifflé par le vent troué par la pluie à la surface du ruisseau tordu par la branche fatiguée de l'arbre
ce n'est pas moi qui parle c'est la colline sur mon épaule qui raconte en hérissant ses sapinières
ce sont les ronces en moi qui se redressent pour déchirer
je ne lance pas les nuages ils s'échappent de mes joues courent où ils veulent malgré moi
je n'imagine pas le chemin il me tourne entre les entrailles
vraiment je vous assure ce n'est pas moi qui invente
from Depuis les Gorces
« Je crois qu'on n'a rien à se reprocher, on a fait ce qu'il fallait. » « Je suis un homme féministe. » « J'ai agi par sororité. »
Je fais partie d'un groupe qui a géré un incident de violences verbales il y a quelques temps maintenant. Après la séquence, un homme m'a dit : « Je crois qu'on n'a rien à se reprocher, on a fait ce qu'il fallait faire », sous-entendant qu'on avait très bien réagi.
Je ne suis pas convaincue qu'on ait très bien réagi, mais je ne suis pas non plus convaincue de l'opposé.
Après avoir raccroché de notre conversation, j'ai réalisé ce qui m'avait gênée. Ce n'est pas à nous de décider de si on a bien réagi ou pas. On peut à la rigueur juger de si on a suivi les procédures ou pas. Et dans notre cas, il n'y avait pas de procédures.
En fait, il n'y a que les victimes qui peuvent réellement juger de si on a été un·e bon·nne allié·e, de si on a été à la hauteur. Et la seule manière de le savoir c'est de leur demander, et on ne l'a pas fait. Donc on ne sait pas si on a fait ce qu'il fallait. On a fait ce qu'on pensait qu'il fallait faire, petite nuance.
Je parle souvent de féminisme, alors j'ai souvent entendu des hommes me déclarer qu'ils étaient féministes. De vrais alliés pour la cause. Au moment où j'écris ce billet de blog, je repense à trois d'entre eux :
Pour moi les deux premiers ne sont pas des masculinistes toxiques. Mais les deux ne sont pas franchement des féministes engagés. Ils auraient beaucoup à apprendre et à déconstruire pour être de bons alliés. Ils gagneraient à écouter pour de vrai les femmes qui les entourent sur ce qu'ils peuvent faire pour elles comme le fait le troisième larron de mon histoire.
En écrivant ce billet, je repense à deux évènements où je pouvais être la bonne alliée.
Récemment j'ai merdé. Une femme m'a confié un incident qu'il lui est arrivé, je l'ai écouté, je l'ai crue, et je l'ai soutenue.
Le lendemain j'ai eu l'impression qu'il était important que j'en parle à une amie qui s'entend bien avec les personnes impliquées, car elles ne se rendent pas compte de l'impact de certains de leurs comportements. J'avais l'impression qu'on pouvait améliorer les choses.
Quelques heures plus tard, j'ai réalisé que j'avais surement merdé : je n'avais pas demandé si je pouvais ou devais en parler. J'ai recontacté la personne qui s'était confiée, et effectivement, elle ne souhaitais pas que j'en parle. J'ai alors exprimé mes remords à ma copine, et je lui ai dit que je m'en voulais. Elle m'a répondu que j'avais agit en pensant bien faire, par sororité, donc je ne devais pas m'en vouloir.
Et là, le mot sororité a sonné très faux pour moi quand elle l'a dit.
Ce n'était pas de la sororité même si quelque part je voulais aider des femmes. C'était plutôt une forme de paternalisme : Je me suis autorisée à penser à la place de la personne ce qui serait bien. La seule personne qui aurait pu me dire que c'était de la sororité, c'est la personne concernée, et j'ai bien l'impression qu'elle ne l'a pas vécu comme ça.
Il y a quelques temps, un Jean-Michel Boomer a été pénible avec une copine. Rien de très grave, mais un petit mansplaining comme il sait bien faire. J'en ai parlé avec la copine et je lui ai demandé si elle voulait que je lui réponde en privé. J'avais le statut dans ce groupe pour le faire, elle m'a dit que oui, ça l'arrangeait si je lui écrivais. J'ai donc écrit à Jean-Michel Boomer un message mesuré car ce n'était pas moi la victime, donc c'était plus facile que pour ma copine. Et j'ai ensuite montré le message à ma copine.
Quelques semaines plus tard, elle m'a dit qu'elle l'avait vraiment vécu cet évènement comme un moment de sororité. Moi j'avais vraiment l'impression de pas avoir fait grand chose. Ça m'a fait vraiment plaisir d'avoir été sur le coup une bonne alliée.
Ces trois petits incidents m'ont fait réaliser deux choses :
Pour être une bonne alliée, je ne dois pas penser à la place des autres. Je dois leur demander :
J'espère qu'avoir écrit ce post va m'aider à moins merder dans le futur.
#Féminisme #Paternalisme #Sororité
from FAUT L'FER
Les luminaires s'exposeront bientôt en boutique. Vous les retrouverez sous l'appellation PAS TRÈS SAGE.
L'Épicerie du Cellier, à Bertrix, accueillera prochainement un espace consacré à l'artisanat local. Quelques créateurs, également bénévoles à l'Épicerie, y installeront leur travail en “avant première” pendant le Week-end des artistes et des artisans organisé chaque année par le centre culturel.
https://www.facebook.com/parcoursdesartistesetartisansdebertix
Par la suite, l'espace compte bien s'ouvrir à d'autres artisans de la région pour vous offrir un large choix d'articles uniques et originaux.
https://www.lecellierdubaudet.be/sur-place/l-epicerie/
https://www.facebook.com/epicerieducellier
Visitez la page du blog consacrée aux luminaires pour en savoir plus sur notre démarche créative.
#luminaires #Blog
from Ma vie sans lui
La valise
Hier, j'ai fini par retirer les portraits de mon amoureux qui étaient dans des cadres à droite à gauche dans mon appartement. Notamment la grande photo de lui qui trônait sur ma table de nuit. Cela faisait un petit moment que je pensais le faire mais j'ai enfin passé le cap de l'action. Je les ai dépoussiérées, caressées, puis j'ai expliqué à mon amoureux – qui me regardait, droit, fier et avec un soupçon de rire au fond des yeux – que je faisais pas cela pour me débarrasser de lui, ni parce que j'avais envie ou besoin de l'oublier mais juste qu'actuellement, le voir tous les matins, tous les soirs, partout, cela ne m'aidait plus à avancer. Cela a été le cas au tout début, quand j'ai fait imprimer ces photos mais c'est terminé. A vrai dire, le voir tous les soirs en me couchant me déchire le cœur...
Alors j'ai rangé toutes ses photos dans la petite valise de souvenirs de lui, avec celle de sa maman (celle qui ne le quittait jamais, elle était au sommet de la Dune du Pyla, 2 jours avant l'AVC qui l'a laissée lourdement handicapée et dont mon amoureux ne s'est jamais vraiment remis non plus). J'en ai profité pour ressortir de la valise le calendrier 2024, celui que je ne n'étais pas parvenue à jeter. Ses illustrations – encadrées – feront sûrement de très chouettes décos dans ma nouvelle maison.
J'ai aussi fait un peu de ménage par le vide dans ses journaux, ceux qui avaient échappé au premier tri. Ce faisant, j'ai retrouvé un carnet de notes préparatoires à ses émissions de radio. Revoir son écriture, relire ses mots m'a bouleversée. Je sais ce que moi, j'ai perdu (un amour extraordinaire, un homme merveilleux) mais soudain m'est apparu le fait que le monde entier a aussi perdu quelqu'un, un passionné de blues, un être hors du commun qui aimait partager, rire, blaguer, discuter, vivre. C'est absolument déchirant de penser à ça.
Un mot me pèse particulièrement, ces jours-ci, c'est le mot “seule”. “Oui, j'achète seule cette maison”, “Oui, je vis seule”, “Oui, je suis seule à assumer les charges du foyer”, “Non, je n'ai pas besoin de tout, cela fera trop pour moi toute seule”.
Je suis seule, je me sens seule, même bien entourée, par ma famille, par mes collègues, mes ami•e•s, ma petite communauté en ligne. Il y a des tas de moments où je n'y pense pas mais surtout des tas d'autres où cette solitude me fait comme un grand trou dans le ventre.
Mais, à bien y réfléchir, je ne sais pas encore si c'est la solitude en tant que telle qui me pèse ou si c'est l'absence de lui qui est toujours insupportable...
from Poltergeist
Me voici quasiment cloué au lit suite à une opération, c'est le moment de faire un peu le point sur mes dernières lectures frappantes, d'autant qu'en prévision de ce moment j'ai dépensé mes sous à tort et à travers libéralement dans les librairies pour alimenter le plaisir anticipé consistant à créer des piles de lectures au pied de mon lit et dans mes étagères.
La parabole du semeur : voilà enfin un récit post-apo qui tabasse.
Je l'avais commencé avec un enthousiasme modéré parce que ce genre de SF n'est pas trop ma tasse de thé, et aussi parce que le synopsis est drôlement proche de La route (Cormac McCarthy) qui m'était tombé des mains tellement c'est une bouse emmerdante et sans intérêt. Quelle maladie a touché la presse française à la sortie de ce pensum, je me le demande. Il faut aimer se flageller avec des orties pour apprécier. Donnez-moi par pitié cent mille Octavia et Ursula et rangez Cormac à la poubelle. D'ailleurs je suppute que le critique français masturbateur aime bien trouver de temps en temps une œuvre de genre cette fois c'est tombé sur “la science fiction” c'était l'occasion rhalala ça m'énerve. Et au fait, pas de science ici c'est une anticipation.
Un synopsis proche disais-je, celui de la fin du monde, amené de manière très intelligente sur le fond et formidable dans la forme car on lit un journal intime, écrit de manière tellement prenante et vivante qu'on s'y croit totalement. Chose amusante : l'histoire, écrite en 93, se déroule en 2025 et (presque) tout est tellement réaliste. En tout cas, la manière dont le monde s'effondre est très réaliste, à tel point que c'est une fictions les plus ancrées que j'aie lu sur ce thème. Je l'ai acheté dans un élan de littérature “sérieuse”, sans doute en même temps que des essais qui resteront inachevés sur une étagère -ça m'arrive régulièrement- cette fois-ci il arrivait tout de même auréolé de critiques (de critiques de gens qui savent ce qu'ils lisent, je précise) très positives, et c'est l'occasion de découvrir une autrice importante. Ça brasse large, j'ai eu un peu de mal à entrer dedans puis le déclic s'est fait et je l'ai lu d'une traite.
En parlant de science-fiction, de la vraie cette fois avec des vaisseaux spatiaux et tout, j'ai acheté un recueil de nouvelles d'Ann Leckie qui a obtenu de manière très très méritée le prix Hugo 2024 pour Les Chroniques du Radch, une des choses les plus follement innovantes que j'ai lu depuis des années, que je ne vais pas raconter , mais qui a un ton, un univers, des personnages extraordinairement singuliers et attachants. Il m'est resté longtemps en tête, et malgré sa sortie récente je l'ai lu plusieurs fois. Bref j'attends beaucoup de ce livre, sa tranche me regarde depuis l'étagère et je savoure le moment où je l'ouvrirai, même si les nouvelles sont moins ma tasse de thé que les romans.
À propos de tranche qui me regarde et réciproquement, j'ai prévu de lire Maniac après avoir dévoré d'un coup Lumières aveugles, un autre livre impossible à décrire ou résumer et tellement étrange, exotique et bizarre... Il a un côté collection d'anecdotes filées qui m'a fait un peu penser à ce que faisait Sebald avec l'histoire (la grande histoire, la sienne, celle de ses proches), mais lui s'intéresse à l'histoire des sciences : c'est intriguant puis intéressant puis perturbant à mesure qu'on se demande où est le vrai. Un livre très très fort.
Également, j'ai lu la courte biographie de John Muir par Alexis Jenni, une très jolie découverte qui m'accompagnera longtemps je pense.
J'avoue je ne connaissais pas John Muir, sauf peut-être pour avoir croisé son nom parfois ? en tout cas je ne connaissais pas son histoire et elle est littéralement extraordinaire, y compris pour ses contemporains. Et puis elle se déroule encore cette époque bénie où les frontières entre sciences n'existaient pas comme aujourd'hui et où l'on pouvait devenir à la fois ingénieur, géologue, naturaliste et bien sûr homme de lettres. En plus à cette période charnière où la conquête est terminée mais pas la découverte et où se mettent en place les mécaniques de domination dont on voit aujourd'hui la continuation, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Mais surtout, quel aventurier incroyable, qui n'a eu de cesse de se déplacer à travers le monde pour en constater et relater les beautés et surtout les éprouver de manière physique et spirituelle. Bref une biographie classique mais qui va au cœur de l'individu John Muir, et écrite avec une grande tendresse.
Sinon en début d'année j'ai lu deux livres de Laurent Gaudé, d'abord La porte des Enfers, parce que j'avais conservé un bon souvenir du soleil des Scorta et que j'avais celui-ci dans ma bibliothèque depuis un moment. C'est très bien écrit, vraiment. C'est également sinistre au dernier degré : pas un rai de lumière dans ce cloaque. Alors certes l’œuvre traite de la mort et du deuil mais quand même.
En plus les aspects mythologiques sont bizarrement amenés, puis curieusement traités, c'est à la fois trop terre-à-terre et fantasmagorique. Et au final la description des enfers est d'une monotonie barbante. Bref, une lecture déprimante. La langue reste belle et heureusement c'est assez court.
Et comme la critique était positive, j'ai lu dans la foulée ou presque, Chien 51, un polar SF dystopique, toujours aussi bien écrit et sans fausse note, lui. Son univers est particulièrement consistant et réaliste, sa construction m'a beaucoup plu, les personnages sont attachants et le mystère reste entier jusqu'aux dernières pages.
Par contre c'est de nouveau sinistre et déprimant, rien ne vient égayer cette vision terrifiante de notre futur : je ne suis pas certain de continuer à lire Gaudé :)
Une découverte incroyable, grâce à une émission de radio je crois (il a dû passer dans les midis de Culture), dont le pitch n'est pas forcément très attirant.
J'ai donc lu d'une traite Là où la terre ne vaut rien (plus précisément là ou l'hectare de terrain vaut 1000$) en gardant en tête les paysages somptueux du Colorado et ce qu'ils remontent de construction culturelle sur ces paysages “vides” qui n'attendent que des colons.
Le défilé de personnalités hors normes est incroyable, tout comme la pauvreté saisissante de ces laissés-pour-compte et ce qu'ils racontent de l'Amérique d'aujourd'hui.
Un auteur qui connaît bien son sujet car il dirige the Shift Project et a déjà écrit une somme sur le pétrole (Or noir, la grande histoire du pétrole, je sais que c'est une somme car je l'ai chez moi et il fait 10 cm d'épaisseur).
Ici nous sommes plutôt dans l'hyper-light : Pétrole, le déclin est proche se lit en une soirée. Une soirée agréable car c'est bien écrit et on y apprend beaucoup.
Le livre part d'une histoire proche : en 2000, le concept de pic pétrolier était dans l'air puis les américains ont “inventé” le gaz et le pétrole de schiste et magiquement la question des limites de ressources énergétiques a disparu du débat public. Le shift project a eu accès vers les années 2020 a des données très peu partagées, produites par un des principaux cabinets qui compilent de la donnée relative au stock (données généralement vendues à prix d'or aux acteurs du secteur). En faisant converger pas mal d'informations, il postule que le pic pétrolier a été atteint vers 2021 et que nous faisons désormais face à la fin du pétrole facile à une échéance connue et surtout, proche. Proche, c'est 2030, 2040, 2050 ? dans pas longtemps en tout cas, surtout à l'échelle de notre civilisation qui s'est construite sur une énergie surabondante depuis 200 ans.
Et c'est précisément cet aspect du livre qui m'a le plus fasciné : envisager l'histoire et la géopolitique sous le prisme de la disponibilité des ressources ce qui modifie pas mal d'idées préconçues : Pearl Harbour ? les japonais cherchaient à accéder aux ressources pétrolières du sud asiatique. Les allemands ont perdu la deuxième guerre ? c'était inévitable car ils n'avaient pas suffisamment d'énergie face au bloc de l'ouest. Et je ne parle même pas de la guerre en Irak. Je cite de mémoire “ces guerres ont eu lieu en période de surabondance, que seront-elles lorsque les ressources seront en train de se tarir ?“
Une partie du livre expose les contraintes physiques liées à l'exploitation des ressources fossiles et explique pourquoi les chiffres généralement agités par les industriels ou les politiciens ne sont pas fiables.
Et il rappelle utilement ce qu'on croit savoir par ailleurs : notre civilisation et notre mode de vie reposent sur le pétrole. Pas de pétrole ? pas de médicament, pas de production agricole sans paysan, pas de biens de consommation courante, pas de transferts sur le globe. Et d'un point de vue géopolitique, pas de domination américaine.
Et puis bien sûr il appuie là où ça fait mal : la fin du pétrole ne signifiera pas la fin de l'extractivisme ou la baisse d'émissions de GES. Le fait que personne ne s'y prépare rend inéluctables des chocs monstrueux à venir.
Bref un livre salutaire avec un côté curieusement enthousiasmant, façon puzzle : une esquisse de la fin d'un monde. Dommage que ce soit la réalité et qu'on soit en plein dedans.
Ce livre est presque déjà un classique en tant que critique du techno-solutionnisme. Moi, qui pensait connaître le sujet, ai beaucoup appris en le lisant, notamment sur l'histoire de la mécanisation.
En décortiquant les rouages de la grosse machinerie agricole, la démonstration est faite de nouveau, que les paysans sont avec les consommateurs les premières victimes d'un système industriel qui a des racines historiques profondes et répond à une idéologie délétère.
Je l'ai lu dans la foulée de celui sur le pétrole, ça va bien ensemble.
Restons en Amérique avec Lonesome Dove, un chef-d’œuvre à bien des niveaux.
Il nous fait suivre un groupe de Texas Ranger, plus particulièrement d'eux d'entre eux ainsi que plusieurs personnages annexes dans les années 1840 à la frontière des États-Unis et du Mexique qui n'a pas encore sa forme actuelle et ressemble plutôt à un gigantesque no man's land où les colons risquent leur vie et où les Indiens tentent encore de vivre la leur.
Je n'avais encore jamais lu d'histoire aussi documentée se déroulant à cette époque, je trouve que le roman éclaire beaucoup la mentalité des pionniers qui explique tellement de choses sur la vie publique américaine. Il montre aussi la construction mouvementée de l'unité territoriale américaine, qu'on connaît mal en France il faut bien dire.
Les personnages sont tous étrangement attachants, j'écris étrangement car plusieurs d'entre eux sont complètement barrés. Ils sont aussi très ambivalents et ont parfois du mal à justifier leurs propres actes ce qui nous les rapproche. Les dialogues sont savoureux et souvent drôles. L'auteur suit les personnages un à un et nous fait ainsi brièvement mais aussi très rapidement comprendre le point de vue des personnages, pas en tant qu'archétype (indien/ranger par exemple) mais en tant qu'individu.
Et les personnages de femmes, ha ! sont incroyables surtout dans le deuxième volet. Bref un must-read.
J'avais acheté Rétiaires il y a plusieurs mois puis je l''ai laissé sciemment prendre la poussière sur une étagère parce que j'attendais le moment propice à sa lecture pour deux raisons ; d'abord, ce n'était pas rien de se plonger dans Citoyens clandestins puis dans Pukhtu alors j'attendais d'être psychologiquement un peu disponible pour l'entamer.
Qu'on se rassure le livre est beaucoup moins foisonnant et complexe que Pukhtu, je le qualifierais de polar “classique” bien enlevé avec des personnages ambigus comme on aime (surtout du côté des flics, les voyous sont plus attendus), un intrigue assez straight mais qui utilise un peu trop de retours en arrière à mon goût.
Je l'ai lu d'une traite ça reste un bon polar bien documenté et qui donne une vraie impression d'être embarqué en quelques mots dans les organisations de chaque côté, mais il est trop classique dans sa construction par rapport à ce que je connaissais déjà de l'oeuvre de DOA alors j'ai été un poil déçu.
#lectures
from Depuis les Gorces
Je me rappelle très bien quand je vivais encore à Lyon, quand j'étais encore étudiante, et que j'étais persuadée d'être une erreur de casting. L'école que j'avais intégrée recrutait des personnes très intelligentes, et j'étais convaincue que ça n'était pas mon cas.
Après les classes prépa, j'ai intégré l'ENS de Lyon : une école qui avait la réputation de réunir des gens très intelligents. Je suis rentrée très bien classée au concours. Mais très vite, je me suis rendue compte qu'il y avait eu erreur.
Je n'étais pas du tout aussi brillante que certains de mes camarades. J'avais juste beaucoup travaillé et j'avais eu de la chance, mais je n'étais pas particulièrement intelligente. Je le savais déjà car en prépa j'avais réussi mais en travaillant régulièrement. L'ENS me l'a rapidement confirmé : j'avais passé 5 ou 6 heures à essayer de faire le premier de TD de physique statistique, et je n'avais rien compris. Je trainais avec quelques garçons qui n'avaient rien préparé, ou bien juste un peu, et qui avaient l'air de maîtriser.
Pendant ces années dorées (payée nourrie logée pour apprendre), j'ai eu un énorme sentiment de ne jamais être à ma place. Je me sentais nulle, j'avais un bon gros syndrome de l'impostrice.
J'avais l'impression de partager avec mes camarades une sorte d'échelle d'intelligence sur laquelle on plaçait les gens. On en parlait pas vraiment explicitement, sauf pour mettre en avant une personne vraiment très forte, et systématiquement, c'était un garçon.
Il y avait plein de signes qui montraient qu'on était, ou pas, très intelligent.
Je me rappelle de ce gars qui ramenait le Cohen-Tanoudji (gros bouquin de mécanique quantique avec plein de maths) au foyer, l'endroit où on venait normalement boire des coups et déconner. Si ça se trouve, il aimait lire des trucs compliqués avec un verre de bière et du bruit autour. Mais peut-être qu'il faisait comme ceux qui mettent des gros livres bien en évidence derrière eux quand ils font des visios. En tous cas, moi ça me renvoyait que je n'étais clairement pas passionnée au point d'amener des livres de sciences au bar, et qu'il me fallait un environnement hyper calme, et tous mes neurones, pour ouvrir ce genre de livre, pas comme lui. J'étais donc moins intelligente.
L'autre preuve d'intelligence, c'était de ne pas travailler, et de réussir les examens quand même. Pas de bol pour moi, c'était réellement ce qui arrivait à mon copain. Il venait en cours où il prenait des notes et posait quelques questions, et puis il ne rouvrait jamais aucun cours. Moi j'étais une laborieuse, j'avais besoin de travailler pour réussir.
J'ai compris plus tard que ce n'est pas pareil de grandir avec un père chercheur ou avec une mère psy, d'avoir fait 3 années de prépa ou seulement deux. Et que si j'étais moins forte en maths, c'était parce que c'était une compétence que j'avais quand même moins travaillé. Il m'a fallu des années pour déconstruire le mythe qui dit que l'intelligence qui fait qu'on réussit en maths est un don.
Je me rappelle des discussions pour savoir qui était le génie, la personne ultra brillante, qui aurait dû intégrer Ulm (l'école encore plus prestigieuse), mais qui avait terminé avec nous, et qui serait le Cédric Villani de notre promotion. Les noms qui circulaient parmi nous n'étaient évidemment que des noms de garçons. Je n'ai jamais pensé pendant ces années que ça aurait pu être l'une d'entre nous, l'une des filles.
Pourtant, on avait une femme enseignante qui était vraiment brillante d'après les autres enseignant·es. Mais elle n'était pas une très bonne enseignant·e, et son mari avait l'air encore plus brillant. Il y avait beaucoup plus de légendes sur l'intelligence de son mari, qui faisait de la physique statistique et qui était méprisant, que sur elle qui faisait de la mécanique des fluides et qui était gentille.
20 ans plus tard, la personne qui me semble avoir eu la carrière scientifique la plus brillante du point de vue de la puissance de l'intelligence scientifique de ma promo, c'est une fille que je ne connaissais pas très bien. Elle était discrète, elle était l'une des rares filles à être allée en M2 recherche, et elle est aujourd'hui médaille de bronze du CNRS.
Et aujourd'hui je suis intiment convaincue que les femmes sont aussi intelligentes que les hommes et qu'il y a des tas de chercheuses brillantissimes. Juste, que le monde de la recherche, et le monde de la communication autour de la recherche, sont des mondes extrêmement sexistes. Les femmes galèrent plus pour réussir, et leurs résultats sont moins valorisés que ceux des hommes.
Sans le vouloir, l'institution nourrit cette culture toxique.
Je pense que les enseignant·es nourrissent cette culture toxique lorsqu'iels pensent qu'il y a réellement un sens à classer les étudiant·es (et non leurs résultats).
Je me rappelle une copine qui est partie faire un semestre à l'étranger. Elle y a eu des meilleures notes qu'à l'ENS. À son retour les enseignant·es de l'ENS ont décidé de lui baisser sa moyenne de quelques points car elle ne valait pas autant. Il était inconcevable qu'elle aurait pu mieux réussir là-bas car elle avait choisi des matières qui lui convenaient mieux, ou parce que les enseignant·es y étaient meilleurs.
J'ai eu l'impression qu'il y avait une seule compétence vraiment valorisée : la capacité à mener des raisonnements calculatoires. Cela renforce l'idée qu'il existe une seule compétence qui vaille, et que c'est l'intelligence qui caractérise la valeur d'un·e élève. Je me rappelle aussi mon directeur de thèse dépité que je n'arrive pas à mener un gros calcul et me dire : « Mais tu n'as pas eu le concours toi ?? ». « Bah si, mais pas grâce aux épreuves écrites 🫣 »...
À l'inverse, je dois reconnaître qu'il y a eu quelques initiatives chouettes pour valoriser d'autres compétences. Je me rappelle ce prof qui nous a dit que l'examen porterait sur notre capacité à comprendre la physique et pas à faire des maths : j'étais super excitée ! Ou ces enseignant·es de M2 qui nous ont interrogé sur un article de recherche et pas sur notre capacité à faire des calculs de bourrin en temps limité. Merci à eux.
À la différence des maths, quand on dit que Bob est plus intelligent qu'Alice, en général, ce n'est pas neutre. Implicitement, on dit que Bob a plus de valeur qu'Alice. Et puis on va se rattraper en disant que Alice a d'autres qualités hein, elle est très gentille par exemple. (Je hurle intérieurement en écrivant ce paragraphe puant de sexisme).
Or donc, j'ai l'impression que quand on croit que cette échelle existe, et qu'elle compte pour nous définir, on ne veut pas être trop en bas de l'échelle. Du coup, c'est rassurant de juger que certaines personnes sont moins intelligentes que moi. Ça veut dire que je suis plus haut sur l'échelle avec les gens intelligents, non ?
Mais ces échelles sont perverses. On n'est jamais tout en haut de l'échelle, on est toujours la nulle de quelqu'un d'autre.
Je pense qu'à cette époque je méprisais celleux que je pensais en dessous, et j'enviais ceux qui étaient au dessus Et je me sentais nulle quand je les regardais. C'était une mécanique vraiment nulle dont je ne suis pas du tout fière.
Je vois encore plusieurs copines qui méprisent vraiment fort les personnes qu'elles considèrent comme moins intelligentes qu'elles. Je suis souvent du côté des personnes qu'elles classent comme “ plus intelligentes”. D'un côté c'est flatteur, mais en vrai, c'est merdique.
J'ai réalisé assez récemment que j'appréciais ces copines qui souvent me renvoient une image flatteuse, mais que je suis toujours sur le qui-vive de la remarque passive-agressive bien désagréable. Est-ce qu'on peut avoir une amitié entre deux personnes qui se voient à des places différentes sur une échelle de valeur ? Je n'en sais rien...
Je me suis fait du mal, et j'en ai fait à d'autres en renforçant cette culture toxique de l'intelligence logico-mathématiques. En fait, je suis convaincue que d'en parler et d'expliquer comment cette mécanique du jugement fonctionne aide à s'en défaire.
J'ai vraiment pris conscience en thèse que je jugeais sur l'intelligence, quand j'étais dans un environnement moins toxique, et que j'ai pu constater la diversité des personnes qui faisaient de la recherche autour de moi. Mon parcours en sciences de l'éducation m'a ensuite convaincue que la performance est le fruit d'autre chose qu'une intelligence qui serait innée. Cet article me permet de rajouter une petite pierre pour :
Work In Progress...
from UneVoix
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Jusqu'au jour où...