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from Un Spicilège

Au fond du trou

Après le très atypique mais très réussi 18H30, Maxime Chamoux et Sylvain Gouverneur signent une nouvelle mini-série sur arte.tv, Au fond du trou, avec une nouvelle approche originale.
Tournée dans une unité de lieu et de temps (un minigolf, une après-midi) elle suit, le temps de ses 6 épisodes (chacun d'une 15aine de minutes), 6 histoires différentes, 6 trajectoires mettant en scène des personnages originaux. Parfait théâtre de la vie, ce sont des petits drames, à chaque fois, qui se jouent, transformant en tribunal ce lieu festif et léger qu'est le minigolf. Frôlant parfois l'absurde sans y tomber complètement, cette série mêle habilement l'humour et la gravité, sait doser la sensibilité et réussit à conserver le ton parfait pour mettre en exergue les travers des uns et des autres.


Au fond du trou | Maxime Chamoux et Sylvain Gouverneur | 2023

 
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from Impulsion Végé

Qu'est ce qu'on mange ce midi ? Il fait chaud (et c'est un scandale parce que c'est l'hiver par chez moi) et personne n'a envie de cuisiner. Bon, on a une boite d'haricots rouges dans le placard, un poivron et des tomates dans le frigo. C'est parti pour une salade !

Salade d'haricots rouge

La recette

Ingrédients : – 1 grosse boîte d'haricots rouges – 1 poivron rouge – 2 tomates – 1 petit oignon – feta – ½ cs de moutarde – 2 cs de vinaigre balsamique – 4 cs d'huile d'olive – sel, poivre

Instructions : 1. Dans un saladier, faire la vinaigrette avec la moutarde, le vinaigre, l'huile, le sel et le poivre. 2. Egoutter et ajouter les haricots rouges. 3. Couper le poivron, les tomates et les oignons en petits morceaux de la taille que vous préférez. Ajouter au saladier. 4. Ajouter de la feta coupée en petits cubes. 5. Mélanger le tout. C'est prêt.

#PlatFroidVégétarien

 
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from Blog d'une enfant de ce siècle

LANGUE DES SIGNES

Il est une langue qui ne tient pas qu'à la langue, mais à tout le corps. Une langue qui s'appelle bien “langue” et non “langage”, puisque riche d'une culture qui mérite la reconnaissance. L'intelligence n'est pas que l'apanage des mots, loin de là. Et celle qui transpire dans cette langue m'a redonné un nouveau souffle. Cette langue, c'est la langue des signes.

manif 93

En image: Une manifestation de sourds en 1993, initiée par l'association Sourds en colère.

Nous avons été cruels avec les sourds. Et je m'inclue dans ce “nous”, car ma personne a été marquée par les actes de mes ancêtres, de ma “patrie”, de mes semblables entendants et ignorants. Je vous raconte l'histoire telle qu'on me l'a racontée.

Congrès de Milan, 1880. Un mec qui se réclame du domaine de la santé, présente deux enfants sourds à ses congénères européens. Mais ce qu'il ne dit pas, c'est que l'un des deux est devenu sourd, il n'est pas né tel quel. Il veut démontrer que l'usage du langage verbal ne représente aucune contrainte pour un sourd... La supercherie fonctionne: l'adulte parle à cet enfant, il lui répond oralement. La France fait partie des pays qui a signé cet accord de Milan. Il n'y est pas stipulé clairement que la langue des signes est interdite, mais c'est tout comme.

Documentaire Ouvre l'oeil “Sourds et Malentendus” :

Cette langue est encore trop invisibilisée et sous-estimée. Souvent reléguée à “une aide pour la mémoire du bébé”, elle nous relie pourtant à notre corps et aux autres, qu'importe l'âge ou la nation. Car c'est une langue qui n'a pas de patrie définie, et qui pourtant reste fédératrice. Il existe une langue des signes propre à chaque pays, et elle possède son Esperanto: La langue des signes internationale.

J'ai envie de rendre hommage à cette langue. A cette rencontre du souffle et des corps. Non pas m'approprier la culture des sourds pour la leur voler, au service de mes propres intérêts. Mais plutôt découvrir, et faire connaître ses richesses en profondeur. Plonger dans le silence des sourds, c'est pour moi narguer les bruits du monde. On pourrait y perdre de vue la qualité vitale d'un lien humain, par-delà les différences. J'ai beau ne pas être née dans leur monde, aucune langue n'a pu combler autant mon besoin de connexion que la langue des signes. Je crois qu'elle mérite mieux que le sort que nous lui avons fait subir durant au moins un siècle.

Livre conseillé pour en apprendre davantage sur l'histoire de cette langue : “Il était une fois, les sourds français”, de Patrice Gicquel EAN 9782810613069

Lieux conseillés: -Associations ou organismes qui organisent des activités avec la communauté sourde (par exemple, CSCS44) -Associations ou organismes qui donnent des cours de langue des signes bénévolement (par exemple, les cours du mercredi soir 18h30 au bar du Chat Noir de Nantes) -L'école de référence pour apprendre en identifiant son niveau: STEUM

Evenements : -Spectacles signés, concerts chansignés -Journée Mondiale des Sourds -Handiclap -La Nuit du Slam (Toulouse) etc...

Ressources : -Les chaînes Youtube d'apprentissage de LSF qui sont tenues par des sourds (celles qui sont tenues par des entendants sont majoritairement imprécises) -Les dictionnaires Elix et Spread the sign, mais toujours confirmer le signe avec un sourd de sa région -Les livres d'apprentissage sur les base de la LSF (Exemple: “ABC...LSF”)

Références : -Créations de David Laigre, artiste plasticien sourd qui rend hommage à la LSF dans ses oeuvres (lien Insta vers laigresfactory44) -Chansignés sur YouTube de Albaricate, Vinzslam, Signes à l'Oeil... -Parcours d'Emmanuelle Labory... -Film recommandé: “Sound of Metal” (2019). Il retrace le parcours d'un homme devenu sourd, confonté d'un côté à la communauté sourde, et de l'autre, à l'implant comme promesse de “guérison”.

 
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from Un Spicilège

Jamais trop tard

Prêté par un ami, Jamais trop tard est un de ces livres que je n'aurais jamais pu découvrir autrement que conseillé par quelqu'un. En effet, je n'en connaissais pas l'auteur, et la quatrième de couverture ne m'aurait sans doute pas convaincue. Pourtant, Jamais trop tard est de ces délices cachés qui ne se dévoilent qu'à force d'intérêt et de patience. Lorsqu'on abaisse les barrières de nos certitudes de lecteur, il se révèle des plus enrichissant.

Contant l'histoire de la disparition impromptue d'une jeune femme, Donna et de la quête incessante de son compagnon, Art, pour la retrouver, Jamais trop tard n'a pourtant rien d'un livre policier ou d'une chronique sentimentale. Construit sans aucune respiration, c'est le récit d'une quête sans fin, sans ordre. La quête d'un signe, d'une aide, d'une compréhension. Plaçant la ville (New York) et ses habitants au cœur de l'intrigue, l'auteur en fait ressortir toutes les discordances. Elle est noire de monde mais bercée d'une indifférence mêlée de violence, elle est foisonnante sans que l'on puisse en suivre les méandres, elle ne s'arrête jamais de vivre mais on peut s'y évanouir sans laisser de trace.

Sillonnant sans interruption ce décor urbain étouffant, notre héros, Art, oscille entre prosaïsme et naïveté touchante et ne cesse de nous étonner, au milieu de tant d'incongruités, par la justesse de certaines de ses pensées.

Car l'absurdité survient, aussi subtile que l'écriture de Stephen Dixon, berçant le récit d'une perspective kafkaïenne qui en réhausse d'autant plus la qualité. Cette chronique ininterrompue prend alors des allures d'épopée fantastique, tragique, à l'image de la noirceur des rues New Yorkaises et nous laisse, finalement, autant de perspectives que de limites.

Note: Lu dans l'ancienne édition des éditions Balland, j'ai préféré indiquer les références de l'édition actuelle, toujours disponible aux éditions Cambourakis.


Jamais trop tard | Stephen Dixon | Traduit par Isabelle El Guedj | Éditions Cambourakis

 
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from Ma vie sans lui

Le chemin

Je pleure moins. Moins souvent, jusqu'à 8 jours d'affilée, ce qui n'était jamais arrivé depuis “le jour où” et moins en quantité. Parfois, les larmes montent aux yeux et elles restent là, en bordure de mes paupières, indécises et fragiles. Je pleure moins, donc. *

Pour autant, je ne sais pas si c'est vraiment un soulagement. Pour ma vie sociale et professionnelle, sans aucun doute. Je peux parler de mon amoureux sans pleurer, je peux parler de nous deux, de notre histoire, de notre amour incroyable, du destin sans pleurer. Je peux parler de sa mort (du moment où il est mort, je veux dire) sans pleurer mais il ne faut pas trop insister. La limite est là. J'imagine que pour mes proches, c'est un vrai mieux.

Pour mon chemin de deuil (parce que je préfère ce mot à celui de travail), je ne sais pas dire si c'est bénéfique, il est sûrement trop tôt pour le dire. Je continue à faire exister mon amoureux à travers mes souvenirs, les objets et les traces qui me restent de lui, je continue à vivre mon chagrin mais d'une autre façon que dans ces torrents de larmes que j'ai versés pendant des mois. Je pense à lui, souvent, surtout en cette période de grands changements (achat d'une maison, préparation de mon déménagement). Mais je lui parle moins à voix haute.

De temps en temps, mes yeux viennent chercher les siens sur l'unique photo de lui que j'ai laissée au mur, au-dessus de mon bureau, les autres ayant rejoint la valise de souvenirs. Sur cette photo, nous posons tous les deux, le long du sentier douanier breton. Derrière nous, la mer et des rochers, et des bruyères en fleur. Le ciel est gris mais nous avons l'air heureux. Et ses yeux se plissent comme pour sourire, c'est tellement lui sur cette photo !

Je le regarde et je soupire. C'était le temps heureux du premier été que nous avons passé ensemble, un temps heureux pour toujours, même s'il n'est plus là maintenant. J'aurai pour toujours ce moment ainsi que tous les autres où nous avons été heureux.

“Pour toujours”, c'est ce qu'il disait depuis le tout début à propos de nous deux. Il ne le savait pas mais pour lui, il avait raison. En ce qui me concerne, mon amour pour lui est encore là, intact (ce qui me laisse parfois sans voix tant cette chose me paraissait impossible les premiers jours), mais “pour toujours”, je ne peux évidemment pas l'affirmer.

Et c'est ce qui me terrifie le plus sur ce chemin de deuil, d'envisager la fin de mon amour pour lui, un jour. Je ne suis pas prête.

  • il va sans dire que j'ai beaucoup pleuré en rédigeant cette note, surtout la fin, ouf !
 
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from Mednum Codex

#5 Hors les Murs , Hors les cadres

Au sein de la municipalité pour laquelle je travaillais, j’étais rattaché au service politique de la ville, dont le plus gros contingent était formé par les animateurs et animatrices jeunesse. Ce service politique de la ville avait été crée suite à des heurts entre certains jeunes et la police. Ma responsable m’a demandé d’intervenir dans un collège, suite à la sollicitation de celui-ci, pour parler des dangers d’internet. Pour cette intervention j’étais accompagné (chaperonné?) par une juriste de l’antenne de justice et du droit. L’intervention était basée sur ce qu’on avait le droit de faire sur internet et sur les sanctions en cas de manquement.

Des interventions hors sol

Je me suis vite rendu compte du coté hors sol du message. Nous intervenions auprès d’élèves de sixièmes âgés de 11 ans, et par définition pas pénalement responsables de leurs actes. Ils n’étaient pas censés pouvoir utiliser les services qu’ils utilisaient et mentaient évidemment sur leur âge pour pouvoir le faire. En fait , on était en train de leur reprocher que leurs parents ne s’intéressent pas à ce qu’ils font. Aujourd’hui encore, je vois des interventions dans lesquelles on explique à des enfants qu’il faut installer l’ordinateur dans une pièce centrale et installer un logiciel de contrôle parental . Parfois ces enfants ont 8 ans ! Sauf qu’on leur demande en réalité d’être le relais de ce message à leurs parents. D’une manière générale , les adultes ne s’intéressent que trop peu aux activités numériques de la jeunesse. Quand ils s’y intéressent ce n’est que pour pointer les travers, les dérives et autres excès. Dans ces mêmes interventions on me demandait de parler du happy slapping. Ce sont des vidéos ou on va filmer l’agression d’une autre personne. Bien sur ce sont des cas qui existent mais ils ne se sont pas représentatifs du quotidien des pratiques numériques de la jeunesse.

Repartir du terrain

Quand je préparais mon brevet d’animateur de quartier on m’a expliqué qu’il fallait arpenter chaque immeuble de son secteur, que c’était la base du métier. J’ai décidé d’appliquer ce conseil à Internet et pendant tout un été j’ai navigué sur des centaines de skyblogs locaux pour voir ce qu’ils contenaient et je n’ai rien trouver d’extraordinaire. Il y avait bien sur des publications à la gloire de leurs idoles comme Shakira ou Ronaldo . Mais je voyais mal l’une de ces deux stars porter plainte pour l’utilisation de leur photo sur un blog d’adolescent. Je n’imaginais pas plus le photographe ou l’agence de presse poursuivre en violation du droit d’auteur un élève de 6ième parce qu’il avait reproduit une photo de Christiano Ronaldo dans une publication disant combien c’était un grand joueur. On avait imaginé des interventions sur un coin de table et les adultes en étaient parfaitement satisfaits. On a même eu droit aux honneurs de la presse et on a également été distingué par le Forum Français de la Sécurité Urbaine. Je me rappelle d’une discussion croustillante avec un dirigeant de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine qui m’expliquait par ailleurs qu’internet c’était pas la vraie vie. Bref, les adultes étaient largués et globalement cela n'a pas changé.

Apprendre par le faire

Alors j’ai repris une logique propre à l’éducation populaire : apprendre par le faire. A partir de 2008 j’ai encadré des reportages vidéos réalisés par les jeunes pendant les vacances scolaires. Avec eux nous avons appris à nous documenter pour travailler un sujet, cadrer, filmer, faire et refaire une prise , monter, trouver des musiques libre de droit...Les jeunes de 8 à 16 ans faisaient des portages sur le patrimoine de la ville, les festivals de musique, le musée de la pêche, l’institut de recherche scientifiques local… Tous ces reportages étaient publiés sur internet et comme internet n’oublie pas , ils y sont toujours. Malheureusement j’ai du continuer de faire des interventions « dangers d’internet » principalement pour éviter de laisser le terrain à des associations qui voyaient des pédophiles derrière chaque internaute…

Paniques morales

Au fil des années le discours théorique a laissé place au discours pratique puis il a été alimenté par le discours scientifique. J’ai eu la chance de rencontrer Yann Leroux, Vanessa Lalo , Stéphanie de Vanssay avec qui j’étais en phase sur les discours mais qui avaient l’avantage de poser un regard scientifique sur mes intuitions. La thématique des écrans est devenue centrale dans les rapports concernant les enfants. On a eu droit aux tueurs en séries nourris par les jeux vidéos en particulier. C’était un argumentaire simpliste qui me parlait beaucoup car j’avais été rôliste à l’époque de la profanation du cimetière de Carpentras. Il y a vaut eu un raccourci de la pensée transformant tous les rôlistes de France en profanateurs de tombe potentiels. Il n’en est rien évidemment. Le numérique a eu aussi le droit son lot de paniques morales et cela ne cesse de continuer. A mon sens cela ne fait que montrer la déconnexion des adultes (et en particulier les politiques) avec la jeunesse en général. Pour le médiateur numérique c’est un vrai défi.

Médiation numérique et scientifique

Je ne peux compter le nombre d’arguments absurdes que j’ai pu entendre sur ce sujet ou sur d’autres liés au numérique. Mais chacun d’entre eux peut vous amener à douter de vos propres arguments. Et en cas de doute , seule la science peut amener un éclairage juste et neutre. C’est ainsi que parfois on glisse de la position de médiateur numérique à celle de médiateur scientifique. Il nous faut avancer des arguments issus des plus hautes autorités comme l’académie des sciences ou le GIEC pour répondre aux inepties. Ce n’est pas pour autant qu’on arrive à faire entendre raison. ET parfois on peut avoir le sentiment d’être « seul contre tous ». Sauf qu’avec Internet on est jamais vraiment seul.

 
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from Mednum Codex

Je vous parlais dans l’article précédent de mes premiers ateliers. Dans cet article-ci je vais vous présenter ce que je faisais en dehors de ateliers. En effet les ateliers étaient organisés le matin et l’après midi l’espace public était en accès libre pour l’ensemble des usagers. Les gens venaient et moyennant une carte d’abonnement pouvaient utiliser les ordinateurs pour faire ce dont ils avaient besoin ou envie. Pour ma part je les aidais dans des demandes dites de premier niveau. C’est à dire dans des demandes ne nécessitant pas une expertise technique particulière. Souvent j’intervenais pour de la mise en forme de texte en particulier pour des CV. Mais je pouvais être sollicité pour de multiples autres raisons.

Du numérique choisi au numérique subi

Au début des années 2000, le numérique était choisi par les usagers. L’accès à Internet reposait beaucoup sur des sites épanouissants et divertissants. Petit à petit le numérique a été imposé et est devenu imposé aux usagers. Ainsi en 2008 les annonces de Pole Emploi sont entièrement mises en ligne. Pourtant à l’époque , la proportion d’internautes est encore faible, d’autant plus chez les demandeurs d’emplois qui, par définition, ont un pouvoir d’achat restreint. C’est la première d’une longue série d’injustices que le numérique va engendrer pendant 20 ans encore. On oblige celles et ceux qui en sont le moins capables d’avoir recours au numérique sans aucune autre alternative. Mais ce mouvement n’est pas encore un mouvement de fond, et il constitue une exception. Il deviendra une norme une dizaine d’années plus tard.

Des profils variés

Beaucoup d’usagers fréquentent l’espace numérique. Au plus fort de son succès il reçoit 3 000 visites par an, soit 10 % de la population théorique de la ville. Les profils sont très hétéroclites. Les seniors viennent aux ateliers du matin. L’après midi , je vois passer quelques demandeurs d’emploi. Certains vont fréquenter l’Espace Numérique pendant plusieurs années. J’ai « des habitués » qui viennent tous les jours, des jeunes, des mamans, des cadres, des saisonniers ; le lieu est un espace de mixité dans lequel règne une ambiance conviviale, presque familiale. Je peux passer du dépannage d’un fichier excel au paramétrage d’un GPS en quelques secondes. J’accompagne aussi bien pour des billets d’avion que pour des publications Facebook, ou du débeugage d’un ordinateur qui plante sans oublier le toner de l’imprimante qu’il faut changer. Le médiateur numérique est un touche à tout, un vrai généraliste des usages du numérique. Cela ne l’empêche pas d’avoir une ou plusieurs spécialités. Cependant sa pluvalue réside dans sa polyvalence. Paradoxalement cette polyvalence peut être un handicap quand on souhaite changer de métier. Cela ne sera pas sans incidence sur la reconnaissance professionnelle de ce métier, mais j’en reparlerais à un autre moment.

Les Cafés du Web

Il y a toute une grande partie de la population que je ne vois jamais. Alors je mets rapidement en place des « Cafés du Web ». L’idée est relativement simple pendant 1h30 je vais présenter une technologie, une innovation, un usage au plus grand nombre. Ce rendez-vous devient mensuel et petit à petit il devient itinérant. Initialement je l’organisais au sein de mon Espace Public Numérique, puis pour toucher de nouveaux publics je le délocalise dans d’autres lieux comme la médiathèque, la Halte du Manège (la structure associative pour les séniors) ou l’office du tourisme. Pendant plusieurs années, je vais aborder une trentaine de thématiques différentes allant aussi bien de la présentation de Facebook qu’à la consommation collaborative, le logiciel libre, les arnaques en ligne et bien d’autres encore… Avec ce format l’EPN devient un lieu ressource pour le territoire pour toutes les questions liées au numérique. Grâce à une bonne présence en ligne, je parviens aussi à faire intervenir des experts sur leurs thématiques et à les confronter au grand public.

Hors les murs

Et puis surtout j’interviens , hors les murs, le plus souvent sur commande institutionnelle. Situé entre deux lycées , un collège et une école je suis très vite sollicité par ces établissements pour effectuer des séances de sensibilisation aux dangers d’internet. A cette époque on parler surtout de téléchargement illégal et de happy slapping. c‘est comme ça que je me suis intéressé aux pratiques numériques de la jeunesse. Ma formation d’animateur de quartier était encore toute fraîche dans ma tête et c’est peut être pour cela que je me suis d’abord spécialisé dans ce domaine.

 
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from Mednum Codex

Quand je tiens les permanences l’après midi, il m’arrive de répondre à des sollicitations ponctuelles d’usagers. Celles ci sont rarement complexes et comme j’ai déjà une habitue de l’ordinateur je parviens à les résoudre assez rapidement. Cela me permet de gagner en confiance et d’envisager mes premiers ateliers avec moins d’appréhension. Le matin, j'organise des ateliers d'initiation.

L’initiation numérique en 2005

A cette époque moins d’un Français sur deux à accès à Internet à domicile, le smartphone n’a pas encore fait son apparition, l’Ipad encore moins. Facebook est un réseau tout juste naissant. Les ateliers d’initiation à internet ont tout leurs sens. Beaucoup d’usager vont littéralement découvrir Internet et faire leur premiers pas sur le web au sein de l’espace numérique. J’ai reçu de nombreuses demandes de la part de la structure associative dédiée aux seniors. Je ne dispose que de 8 ordinateurs au sein de l’EPN et j’ai une liste de demandes d’une trentaine de noms. Mes recherches sur Internet ne m’ont pas permises de trouver un programme d’un autre EPN en France. Je sais que le plus proche est situé à une centaine de kilomètres du mien. Je vais donc partir de zéro.

Un public à l’écoute.

Les ateliers numériques sont assez troublants au début. Les apprenants ont l’âge de mes parents. Ils sont appliqués, posent des questions et notent parfois minutieusement dans un cahier ce que je peux dire. J’utilise un vidéo projecteur avec lequel je diffuse sur un tableau blanc l’écran de mon ordinateur. C’est ainsi que je montre les manipulations à effectuer au groupe. Je laisse un peu de temps pour reproduire et je passe d’une personne à l’autre pour vérifier, questionner, encourager et féliciter. De loin cela pourrait ressembler à un cours et pourtant je ne me défini pas comme un professeur.

Le premier atelier est un guide d’achat. Je me sers d’un catalogue publicitaire d’une grande surface et j’explique ce que cela veut dire un ordinateur avec 4 Go de RAM et un disque dur de 126 GO équipé d’un processeur Intel. On essaye de voir les différences entre un PC et un portable (lesquels sont encore relativement lourds du reste et n'ont de portable que le nom). On termine avec un point sur les fournisseurs d’accès à Internet. La ville n’est pas encore dégroupée et il s’agit de déterminer si chacun est bien éligible à l’ADSL. Je poursuivais ensuite par un atelier sur l’environnement de travail . Bureau, dossier, souris, fenêtre, les apprenants découvrent tout un nouvel environnement dans lequel ils se sentent un peu gauches. La manipulation de la souris pose souvent des soucis surtout quand elle sort du tapis. Après ce gros bloc d’introduction , je poursuis avec un gros bloc dédié au traitement de texte, puis un autre lié à internet incluant la messagerie et je termine par des éléments de sécurité ainsi qu’un bloc bonus dédié à la photo.

Un ajustement au fil de l’eau.

Je fais les mêmes contenus plusieurs fois par semaine et le premier groupe me sert en quelque sorte d’échantillon et me permet d’ajuster pour le second groupe. L’ensemble se fait dans la bonne humeur et la détente. Très vite je fournis des supports pour limiter la prise de note scolaire de certains. Plus tard je vais même créer des supports vidéos que je vais fixer sur DVD. L’idée était que de mettre le DVD dans le lecteur salon et de reproduire les manipulations sur son ordinateur. Je vais même créer une chaîne Youtube pour déposer ces tutoriels. Mais je n’ai pas le temps de l’alimenter et je la supprime très vite. Les contenus doivent être remis à jour sans cesse, à cause de nouvelles versions ou de nouveaux usages. Je travaillerais aussi avec des clefs USB prêts à l’emploi avec même des exercices . Sur l’organisation des ateliers, j’ai débuté par des ateliers de 3h que j’ai vite ramené à 2h. Sur 3h, je n’arrivas pas à maintenir la concentration. Il fallait faire une grosse pause de 20 minutes pour que mes seniors puissent se remobiliser. Avec deux heures, j’arrive à un bon compromis. En plus cela m’évite de me demander comment je vais meubler certains ateliers comme celui sur la recherche. En 3 heures j’incluais les opérateurs booléens, dont je ne me sers même pas moi-même . L’objectif général des ateliers n’était pas de former des experts mais de permettre une autonomie dans les gestes. L’essentiel dans ma pédagogie reposait sur la lenteur. Je devais dédramatiser, rassurer, répéter et bien sur garder le sourire.

Le mail

Le mail faisait partie des ateliers incontournables du bloc internet, surtout au début. Là encore l’objectif était assez simple . Il s’agissait simplement de parvenir à envoyer un mail ou de répondre à un autre mail. Pour évaluer cet objectif, je demandais simplement qu’on m’envoie un mail. Sauf qu’il fallait que l’usager en possède un. Au début je créais des adresses mail pour chaque usager. Et je me suis posé une question assez simple : sur quel service créer une adresse mail ? 20 ans plus tard cela reste une question délicate à répondre. Pour ma part j’ai choisi Yahoo à l'époque. Tout simplement parce que mon adresse personnelle était hébergée sur Yahoo. Ce n’est certainement pas le même argumentaire que j’utiliserais aujourd’hui. Toujours est il qu’au début je faisais créer des compte mail. Je me suis vite rendu compte que cela prenait un temps fou. La saisie du formulaire de création engendrait beaucoup trop d’erreurs. Alors j’ai créé 9 adresses, une pour chaque ordinateur et une pour l’animateur. Au début je n’apprenais qu’à lire et envoyer des mails. Et puis il a fallu apprendre à distinguer le spam et les différents « hoax » dont celui de la petite Noémie atteinte d’une grave affection et qui attend toujours sa transfusion sanguine à l’hôpital de Nantes. Chacun était choqué de ce procédé mais beaucoup voulaient savoir pourquoi il était utilisé. En plus d’aiguiser l’esprit critique pour déceler les arnaques, les tentatives de Phishing et autres, j’ai donc expliqué ce que ça rapportait aux auteurs de ces messages. Et moi même je me formais en permanence en cherchant des ressources sur internet, en testant des services et parfois en les abandonnant.

 
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from Mednum Codex

Très vite, après avoir pris mon poste, Je me suis donc inscrit à une formation universitaire à distance, le DU3Mi. Le Diplôme Universitaire “Médiation Multimédia et Monitorat d’Internet”. Animer un Espace Public Numérique, concevoir des contenus, accompagner des publics très différents : tout cela demande bien plus que de la bonne volonté. Et ce qui aurait pu être une surcharge est devenu un levier de transformation.

Le diplôme

« Ce diplôme professionnel prépare les étudiants au rôle d’animateur dans les lieux d'accès public à l’Internet et d'accompagnateur lors de l'introduction des TIC dans les organisations. L’animateur s’adresse à des publics variés de l’élève scolarisé au seniors en passant par les personnes en recherche d’emploi. Ses qualités sont : pédagogie, créativité, écoute, neutralité, indépendance, efficacité, rapidité, transfert de compétences, animation… L’animateur, parfois appelé instructeur conçoit, organise, anime des activités d'apprentissage, enseigne certaines techniques. Il doit avoir une bonne expérience de l'activité, être compétent et donner l'exemple. »

C’est ainsi que l’université de Limoges, qui dispense ce diplôme présente le DU3MI. Le diplôme est financé pour moitié par la Délégation aux Usages de l’Internet à travers son dispositif Netpublic. De manière opérationnelle l’ensemble des cours sont organisés sur un campus virtuel. A l’époque on parle de Formation Ouverte à Distance. Mais cela n’a pas grand-chose à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui.

La FOAD

Dès le départ, mon temps de travail a été aménagé. Le matin, je me consacrais à la formation ; l’après-midi, j’accueillais le public. Cette séparation m’a permis de garder un certain équilibre, même si tout n’était pas parfait : comme je faisais la formation depuis mon lieu de travail, je devais parfois interrompre un module pour assurer un contrôle ou répondre à une urgence. Il faut se remettre dans le contexte : début des années 2000, pas de visio, pas de plateforme unique. On échangeait par mail, forums, fichiers attachés. On devait composer avec les fuseaux horaires. Un membre de notre groupe vivait au Japon, un autre au Togo. Ce dernier n’avait accès à Internet que pendant des horaires très précis. Il a fallu s’organiser pour travailler ensemble. Nous avons découvert le travail collaboratif par la pratique. Le plus souvent nous travaillions de façon asynchrone mais dès que possible on échangeait en ligne sur Mirc. Et pourtant, j’ai découvert une véritable force collective. On était des étudiants dispersés mais reliés par une même envie : transmettre, rendre le numérique accessible. On travaillait souvent en binômes ou en petits groupes et souvent avec les mêmes autres étudiants.. Cette entraide m’a porté. J’étais aussi accompagné par un tuteur à distance, ce qui m’aidait à structurer mes apprentissages. Soyons clairs : la FOAD, ce n’est pas plus facile que la formation en présentiel. C’est même parfois plus dur. Je n’étais pas préparé à cette charge de travail. Certaines semaines, je cumulais jusqu’à 70 heures de travail entre mon poste et la formation. Le plus difficile, ce n’était pas la technique, mais de tenir dans la durée, sans que cela déborde trop sur la vie de famille. J’ai eu la chance d’être soutenu par mes proches. Et j’étais très motivé : j’avais tout à apprendre, je mesurais ce que cette formation pouvait changer pour moi.

De l’intuition à la posture professionnelle

Cette formation ne m’a pas appris des “recettes” toutes faites. Mais elle m’a permis de formaliser ce, de prendre du recul, et surtout, de me relier à une communauté d’acteurs qui se posaient les mêmes questions que moi . Dans l’un des exercices nous devions imaginer notre Espace Public Numérique idéal. Au début des années 2000, nous manquons cruellement de références. Pour l’exercice de style cet EPN était situé à Nice, là où habitait l’un des membre du groupe. C’est un vrai exercice de style d’imaginer un idéal à plusieurs. Il y a deux choses qui m’ont marqué dans cet exercice.

Dès le début nous avions imaginé que notre lieu serait multiple. Il y aurait d’une part un lieu fixe , et d’autre part un dispositif mobile pour aller au plus près des habitants. Un peu dans la logique du marchand de glace, on imaginait un mini bus se déplaçant de village en village. Nous voulions que ce van soit un dispositif ouvert. C’est-à-dire que nous ne souhaitions pas que les gens viennent à l’intérieur du van pour bénéficier des services, mais que le van s’installe sur la place et déploie un abri (pour protéger les machines) et soit avant tout un espace d’échange et de partage.

Le deuxième point que nous avions mis en avant était que les appareils tournent sous Linux. Ce point a suscité beaucoup de débats. Plus sur les contraintes techniques que sur les aspects philosophiques. En 2005, je ne suis pas certain que c’était vraiment possible. Mais qu’importe nous voulions avant tout que nos usagers ne soient pas livrés aux mains de ceux qu’on appellerait plus tard les GAFAM.

20 ans plus tard on peut reconnaître là deux aspects forts de la médiation numérique : la volonté de s’adresser à tous caractérisée par une démarche proactive et la volonté d’une émancipation par le numérique. Deux valeurs de l’éducation populaire qu’on a eu tendance à oublier. Est-ce que les nouveaux professionnels sont aujourd’hui formés à s’adresser à vraiment tous les publics et à sortir des sentiers déjà tracés ? Ont-ils à cœur de mettre l’émancipation individuelle et collective au cœur de leur positionnement. ? Nous en reparlerons assurément dans un prochain article.

De la théorie à la pratique

La formation était virtuelle mais les contenus étaient réels. Apprendre à distance, tout en travaillant, m’a permis de structurer une posture, pas seulement d’acquérir des savoirs. Ce n’était pas évident, ce n’était pas rapide, mais c’était profondément formateur. C’est aussi à ce moment-là que j’ai compris que je voulais être médiateur numérique. Pas juste quelqu’un qui “dépanne” ou “montre comment faire”, mais quelqu’un qui traduit, qui relie, qui donne du sens.

Il me semble important de préciser que je n’ai pas encore, à ce moment-là fixé le terme « médiateur numérique ». Je suis toujours officiellement animateur multimédia. Quoiqu’il en soit si j'ai validé ma formation avec succès il n’empêche que j’ai continué d’apprendre. En particulier quand il a fallu adapter ces apprentissages à mon quotidien.

 
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from Mednum Codex

Un parcours improbable vers le numérique

Lorsqu'on parle de médiation numérique, on imagine souvent un informaticien, un technicien ou un passionné de nouvelles technologies. On imagine parfois que la médiation suppose un conflit à régler dans lequel le numérique serait l’adversaire. On oublie souvent que la médiation peut être culturelle et nous ouvrir de nouveaux horizons à l’image de ce que font les musées par exemple. On pense que la médiation numérique s’adresse aux personnes en difficulté, et qu’il faut une fibre sociale affirmée. C’est en partie vrai puisque le médiateur numérique s’adresse aux personnes éloignées du numérique. Parmi ces dernières figurent effectivement des personnes en difficulté sociales. Mais , les éloignés du numérique peuvent également avoir un statut social élevé et on en trouve beaucoup sur les bancs de l’Assemblée Nationale… La diversité des parcours des médiateurs et médiatrices numériques mériterait une étude à elle seule. La recherche pourrait s’intéresser ainsi à ce qui constitue l’ADN commun de ces parcours. Pour ma part , j’ai une formation de musicien professionnel. Dans ce premier article d’une série où je retrace mes 20 ans d’expérience en médiation numérique , je vais vous raconter comment je suis passé d’un clavier à un autre…

Un autre tempo

J’ai suivi un baccalauréat de technicien de la musique à la fin des années 80, avec pour spécialité l’orgue. Mes camarades de classe sont devenus musiciens professionnels : professeurs de conservatoire, membres d’orchestres prestigieux, ou enseignants dans l’Éducation nationale. C’était un bac pro organisé entre les matières traditionnelles et le Conservatoire de Musique. Initialement, je suis pianiste de formation. Mon niveau n’a pas été jugé suffisant pour intégrer cette filière et on m’a proposé de me tourner vers l’orgue. Je jouais donc dans des églises. J’habitais une petite ville et je n’avais accès qu’à un seul instrument. Un magnifique orgue à 3 claviers. Oui 3 claviers + 1 pédalier + une quarantaine de jeux à tirer et pourtant je n’ai que deux bras et deux jambes. L’instrument a été classé monument historique en 1981. Pour les plus curieux , je vous invite à découvrir quelques photos en ligne

La technique instrumentale n’a jamais été mon point fort. C’est une notion à relativiser dans le sens où j’étais dans une filière d’excellence. J’étais un mauvais instrumentiste au milieu de mes camarades qui , eux, étaient au minimum très bons. Je demeurais tout de même un très bon musicien dans un milieu d’amateurs ; sauf que j’évoluais dans un milieu professionnel. Moi j’étais passionné par l’écriture musicale, l’histoire de la musique, les musiques traditionnelles, le lien entre les sons et les peuples. Là où d’autres écoutaient Pink Floyd et Francis Cabrel, j’étais captivé par les quatuors à cordes de Schubert et les derviches tourneurs de Syrie (Pour les curieux je vous invite à découvrir l’ensemble Al Kindi) C’est cette curiosité pour les cultures et les sons qui a ouvert la porte d’autres univers.

La musique électronique

À la fin des années 80, la musique électronique n’était pas encore une évidence. Je découvre les travaux du GRAME, le Générateur de Ressources et d’Activités Musicales Exploratoires, et je plonge dans l’univers de la musique concrète, dans un monde fait de sons captés, triturés, recomposés. Je fais alors une rencontre décisive : l’informatique musicale. À l’époque, je découvre Cubase sur Atari, et je passe des heures enfermé dans un petit studio à tester, bidouiller, comprendre. Je vais travailler pendant une dizaine d’années sur ce terrain de jeu de la musique expérimentale et contemporaine. J’ai la chance alors de pouvoir côtoyer avec des grands musiciens qui vont enrichir mon parcours. C’est ainsi que l’ordinateur va devenir mon instrument de musique principal. Je dois apprendre à utiliser ce nouvel instrument et comme je l’utilise en plus d’une manière peu conventionnelle et que j’en ai un usage très particulier, j’apprends seul. C’est ainsi qu’ un nouveau terrain de jeu se révèle à moi-même.

L’arrivée d’Internet dans mon quotidien

C’est au milieu des années 90 que j’effectue mes premiers pas sur internet dans les cybercafés. J’y découvre les forums de discussion, les mails, les premiers sites personnels. Je n’imagine pas encore que cela va devenir mon métier. Après mon bac, je n’ai pas réussi à poursuivre des études. J’ai continué à faire des rencontres musicales riches , à explorer de nouveaux champs mais force est de constater que cela ne m’ouvre pas de débouchés. J’effectue mon service militaire obligatoire et je fais une courte expérience de professeur de piano. Je n’y trouve pas mon compte. En 2000, j’intègre une MJC. Je découvre alors les valeurs de l’éducation populaire et leur résonance avec mon parcours : écoute, accès à la culture, émancipation, collectif,… Je m’occupe alors de gérer « l’espace café » qui devient un lieu dans lequel les groupes locaux sont invités à partager leur musique. Dans ce lieu , il y a également un foyer d’hébergement qui accueille les musiciens qui participent aux rencontres musicales d’Evian. Le lieu est habituellement fréquenté par les gamins du quartier voisin, classé « politique de la ville ». Un soir, la magie opère. Un visiteur peu ordinaire vient me voir et souhaite pouvoir rendre hommage à l’un de ses amis disparus. Ce visiteur peu ordinaire c’est Milislav Rostropovitch assurément l’un des plus grand violoncelliste du 20 ième siècle. Son ami , en question, c’est Yehudi Menuhin, lui-même l’un des plus grands violonistes du 20 ieme siècle. Le hasard veut que j’ai joué avec Yehudi Menuhin quand j’avais 15 ans. C’est le genre de rencontre qu’on n’oublie pas. Je reconnais bien sur Rostropovitch et une chose entraînant une autre , les discussions se passant bien , on trouve un violoncelle et le Maestro interprète la célèbre suite de Bach (pour le plaisir)

Cette magie elle permet de mettre des gens différents dans une même pièce et de partager les mêmes émotions le temps d’un instant. Elle permet de mettre des étoiles dans les yeux de gamins qui n’avaient même jamais vus un violoncelle de près. Elle permet à un Maëstro de partager en toute simplicité un moment authentique. Elle illustre comment l’éducation populaire peut contribuer à renforcer le contrat social.

2005 : premier pas dans la médiation numérique

Quand je m’installe dans mon premier appartement en 2000, Internet fait déjà partie de ma vie quotidienne. Je suis un internaute régulier, curieux, actif. j’ai déjà des pratiques numériques avancées pour l’époque . Je gère un site web sous SPIP. Je participe à des forums de discussion, dont je suis modérateur. En 2005, je suis recruté comme animateur multimédia dans un Espace Public Numérique. Ce n’est pas une reconversion réfléchie, c’est une opportunité saisie. Je n’ai pas de diplôme en informatique, mais j’ai l’habitude de me former seul, de chercher, de transmettre. Je viens à peine de terminer un brevet d’animateur de quartier, dont au final je ne me suis quasiment jamais servi. Très vite, je découvre que ce que je sais faire peut servir aux autres. Et que ce qui m’a nourri (curiosité, patience, autonomie) sont des atouts clés dans ce nouveau métier. Ce que je faisais avec les sons et les cultures, je le transpose au numérique. Je traduis un langage complexe (musical ou numérique), je donne accès à ceux qui n’ont pas les code et je crée des ponts entre les mondes (technique et humain) La médiation numérique, au fond, c’est aussi une affaire d’écoute, de rythme, d’adaptation. Comme en musique. Aujourd’hui, avec le recul, je réalise que mon parcours n’a rien d’anormal. Il est logique dans son incohérence apparente. D’un clavier d’orgue à un clavier d’ordinateur, j’ai cherché à faire entendre quelque chose à ceux qui n’ont pas la partition .J’ai également accompagné ceux qui n’avaient pas les codes à s’exprimer, à se saisir de l’outil et à en explorer les usages

 
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from Blog d'une enfant de ce siècle

AMOUR
Logogram
(logogramme signifiant "humain")

Je crois en l’amour. Pas l’amour au sens commun, populaire, répandu du terme. Je ne crois pas à ce prince charmant qui, fort de son autorité sur mes peurs, viendrait me sauver de ma vulnérabilité. Je ne crois pas non plus que m'offrir en sacrifice par dévouement sauvera qui que ce soit.

Je crois plutôt que je suis amoureuse de ce monde et de sa matière vivante, sans vouloir m'accaparer personne. L'amour pour lequel j'opte s'appelle “philotès”, au sens où l’entend Empédocle.

« Tous les êtres, disait-il, ne sont que des morceaux disjoints de cette sphère d’Amour où s’insinua la Haine. Et ce que nous appelons Amour, c’est le désir de nous unir et de nous fondre et de nous confondre, ainsi que nous étions jadis, au sein du dieu globulaire que la discorde a rompu. »

Marcel Schwob rapportant les paroles d'Empédocle, dans Vies Imaginaires ISBN : 2070258408

C’est en cet Amour que je crois, jusqu’à la conviction. L’attirance des contraires. La complétude dans la différence. L’accueil de l’altérité, au plus profond de notre intimité individuelle. Cet amour qui est passible de tous nous relier, qu'importe les distances ou les conflits. A la manière d’Anaxagore, Empédocle parle d’un monde mouvant, que Lavoisier définit en ces termes « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Ni séparation dramatique, ni réunion salutaire. Tout est déjà là.

Le concept est à la fois scientifique et spirituel. Je ne crois pas devoir chercher l'amour, je le vois déjà partout. Nous avons besoin les uns les autres, pour nous nourrir, nous chauffer, nous protéger, nous instruire. La base de nos besoins primaires est liée à notre besoin d'appartenance. Nous sommes liés les uns les autres, à travers les liens insibles d'un Filet d'Indra.

J'utilise une image, et pourtant ma réflexion est concrète. Matérialiste. Sensible. Elle me ramène au fait que nous soyons, malgré les croyances auxquelles nous nous raccrochons, interdépendants les uns des autres.

Enfant, l'être humain ne peut quasiment rien faire de manière inné sans apprentissage. L'Expérience de Frédéric II démontre même que le nouveau-né n'est pas capable de survivre sans l'affection de ses congénères.

Thích Nhất Hạnh parle d’ « inter-être », non pas au sens où nous n’avons pas d’individualité propre, mais au sens où cette individualité est nourrie par les autres. Si notre espèce est animale, la survie de chaque être dépend de l'environnement dans laquelle il évolue. Si chaque rejet engendre une souffrance viscérale, c’est parce que c’est inscrit dans notre corps: le rejet pour une espèce qui fonctionne en groupe, signifie la mort.

Lire cet article pour comprendre pourquoi l’ostracisme (ou rejet social) signifie la mort pour notre organisme: « Que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque nous sommes rejetés ? » D’Elena Sanz (nospensées.fr)

Je crois en la haine aussi bien que l’amour. Je crois que ce sont des forces qui cohabitent, et qui s’affrontent à l’image de la légende du loup noir et du loup blanc, sans qu’il y ait pour autant de vainqueur à désigner. Je crois que la Haine ne disparaîtra jamais. Mais je crois également qu’on peut s’en remettre, et qu’on peut y résister. Et comme le dit Empédocle, je crois aussi que tout passe par notre corps, notre sang, notre souffle. Même si ces propos ne semblent pas scientifiques, je les revendique.

Je crois que le mur invisible (de silence, de distance, d'ignorance ou d'indifférence) qui nous sépare les uns les autres, n'est pas différent de celui qui sépare l'Hectapod de la linguiste, dans le film Premier Contact. Je pense aussi que cette dernière a raison, de ne jamais perdre la paix de vue, même quand la moindre erreur de traduction peut mener à une guerre inter-mondiale.

Premier Contact

Dans ce contexte où la paix entre l’Ukraine et la Russie semble désespérée, où Gaza saigne, où l'écosystème s'effondre, où nos puissants ne trouvent pas en eux la puissance nécessaire à éteindre l’incendie, j’essaie d’attendre. Mais attendre ne signifie pas que je fais rien. J’attends quelque chose, précisément. J'attends patiemment le jour où l’Amour se montrera plus endurant que la haine, et que cela devienne viral, mondial, universel... Je m'accroche à cette attente-là. Je m'y accroche. De toutes mes forces...

“Ça flambe, mes frères, ça flambe, Il n’est de salut qu’en vous-mêmes, Prenez les outils, éteignez le feu, Eteignez-le de votre propre sang. Vous le pouvez, alors prouvez-le ! “

“Es brent!” (ça flambe), Poème yiddish de Mordekhaï Gebirtig, 1936.

Divinité associée : Ganesh, divinité hindoue de la sagesse, de l'intelligence, de l'éducation et de la prudence. Ses adpetes encouragent la persévérance, la capacité à surmonter les obstacles et l’importance de la connaissance.

 
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from Depuis les Gorces

Le dernier livre de Sandrine Rousseau : « Ce qui nous porte » est un livre un peu atypique. Ce n'est pas un livre d'opinion, mais un livre avec des opinions quand même. Ce n'est pas un livre autobiographique, mais il y a de la vie de Sandrine Rousseau et de sa famille dedans. Ce n'est pas non plus un livre de sociologie ou d'histoire ou d'économie, mais il y a un peu de tout ça dedans. Alors c'est quoi comme livre? On y apprend quoi ? Photo avec en premier plan le livre de sandrine Rousseau ce qui nous porte avec une couverture très joyeuse et colorée et la photo de l'autrice . À l'arrière plan un hamac et la foret.

Ce qui nous porte — Le malentendu sur le titre

À la lecture du titre et de ce qu'en disaient les médias, je m'attendais à un livre qui présente un projet de société. J'allais avoir enfin la réponse à ce que pourrait être le monde de demain, une fois qu'on serait sortis du patriarcat et du capitalisme. J'avais compris le titre comme : « ce [projet de société trop bien] qui nous porte ».

Bon, bah c'est pas ça.

Maintenant, je comprends davantage le titre comme : « Ce qui fonde notre conviction que le modèle des 30 glorieuses n'est pas le projet de société désirable pour la gauche, mais que tout n'est pas fichu ».

J'ai eu l'impression d'un kaléidoscope de monographies sur différents sujets. En fait, il y a un fil conducteur historique avec 3 grandes périodes : 1945-75 (les 30 glorieuses), les années 1980-2000, et maintenant. Sandrine Rousseau aborde des éléments marquant de chaque période. Ce sont des thèmes : voiture, urbanisme, ingénieurs, animaux, etc, mais aussi des points de vue de différentes disciplines académiques : histoire, sociologie, économie, etc. Chaque sujet est documenté, sourcé, et complété par l'histoire personnelle, les lectures, et les connaissances de Sandrine Rousseau.

Un livre pour argumenter

J'ai lu très facilement les premiers chapitres du livre qui sont portés par l'histoire de la famille de Sandrine Rousseau. J'ai eu plus de mal à lire les chapitres suivant. Peut-être parce que je n'ai pas trouvé le fil narratif conducteur, et peut-être parce qu'il y avait trop de faits et de chiffres pour une lecture dans un hamac.

Mais je suis contente aujourd'hui de revenir à ce livre pour en faire une note de lecture, assise derrière mon bureau. Je vais prêter le livre à quelques copines, mais je serai contente de le garder dans mes étagères pour pouvoir y retourner quand j'aurais besoin d'argumenter sur l'un des sujets traités.

Pour moi la force de ce livre est de donner aux militant·es qui accompagnent Sandrine Rousseau les éléments pour défendre ses positions. En ça, merci Sandrine, c'est un ouvrage précieux !

Quelques idées fortes, chapitre par chapitre

Partie 1 : 1945-1975, les 30 glorieuses. Vraiment glorieuses ?

La première partie du livre raconte l'histoire des 30 glorieuses. C'est une histoire que je connais mal du point de vue des historien·nes, mais l'histoire de la famille de Sandrine Rousseau me rappelle celle de ma famille paternelle. Mon grand-père est entré à 14 ans comme apprenti ouvrier à l'usine de papeterie, et il y a terminé sa carrière comme directeur (on parle des années 70-75). Son fils a fait des études d'ingénieur, il a « réussi » au sens où il a gagné trop d'argent et produit trop de carbone. Sa maison est remplie de gadgets technologiques, mais elle sonne parfois vide.

Ce que j'en retiens de ma lecture de cette première partie

Il y a de bonnes raisons pour regarder avec nostalgie les années 1945-1975 car elles ont permis à un grand nombre de personnes de changer de vie et de grimper l'échelle sociale.

C'est l'histoire vue depuis la fenêtre de mon grand-père paternel.

Ces années n'ont été possibles que grâce à un accès à du pétrole bon marché, des ressources naturelles qui semblaient infinies, et une main d’œuvre corvéable et maltraitée (les immigrés).

L'image collective que l'on garde serait sans doute bien différente si on la regardait depuis la fenêtre des immigrés employés dans nos mines. Mais l'histoire est raciste et préfère garder le point de vue des hommes blancs qui ont réussi.

Ces années nous ont enfermé·es dans un modèle de société qui n'est pas soutenable : dépendance à la voiture, au pétrole et à la croissance.

Pendant cette période, l'efficacité énergétique de la France a été divisée par deux1. Pas besoin de faire efficace quand le pétrole coule à flot. Autant se déplacer chacun dans une voiture, rentrer dans son petit pavillon mal isolé loin du bruit de la ville, on fera tourner les radiateurs fort en hiver.

Ces années n'ont pas été du tout glorieuses pour la planète, ni pour notre santé aujourd'hui. Ce sont des années d'exploitation sans considérations pour la nature. Elles se sont terminées par des scandales de pollution, de maladies professionnelles, et le développement des normes environnementales.

Je vois dans le monde agricole la nostalgie d'un monde où on ne peut plus faire ce qu'on veut comme avant. Le réglementaire nous empêche de travailler. J'ai réalisé très récemment qu'on cache derrière le mot technocrate réglementaire le fait d'éviter des maladies et des scandales sanitaires. Les normes seraient là pour emmerder les entrepreneurs, et pas pour protéger les citoyen·nes.

Partie 2 : Après 1975, le libéralisme et la société de consommation

C'est en relisant le livre que je comprends mieux l'organisation de ce livre. Cette deuxième partie s'appelle en réalité Crise de modèle et crise de sens.

Comment est-on passés de la société où tout va bien pour les classes moyennes blanches françaises à une société où ceux-là sont en colère, ou désabusés, et se tournent vers l'extrême droite ?

Le tournant loupé des années 70-80

Dans les années 70-80, tout est là pour prendre conscience que le modèle de société proposé par les 30 glorieuses va nous jeter contre un mur :

Et pourtant, le tournant politique pris est celui du libéralisme économique. Une nouvelle religion émerge (Sandrine Rousseau n'utilise pas ces mots) avec un nouveau Dieu : le marché et sa main invisible (notre nouvel Esprit Sain). Les grands prêtres sont Margaret Thatcher et Ronald Reagan.

D'un point de vue d'économiste, c'est la période du désencastrement de l'économie. La société ne décide plus de ce qui relève ou non de l'économie de marché. La société, la santé, tout devient un produit pour le marché.

Le tournant de la rigueur ... pour les classes moyennes

Pour satisfaire la Loi du Marché (qui n'a pas de fondement scientifique expérimental, c'est juste une théorie d'économiste), on privatise, on fait la rigueur et l'austérité.

Il faut générer de la croissance, du profit. Alors on pressurise les travailleur·ses, la nature, on presse toujours plus, plus vite, plus fort.

Pour une petite partie de la population, l'ascenseur continue de fonctionner, ils seront plus riches que leurs parents. Pour les autres, c'est la stagnation, voir le recul. Et enfin, pour les plus pauvres, il n'y a plus d'espoir.

On critique les jeunes des banlieues qui mettent le feu à leurs écoles car ça devrait être le lieu de leur émancipation. Leur ascenseur vers une meilleure vie. C'était le cas dans les années 1945-75, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le système ne fonctionne plus pour elleux, et ils le savent. Notre école renforce les inégalités sociales, elle ne les répare pas.

Des concepts galvaudés

Sandrine Rousseau fait une liste de concepts qui ont perdu leur sens.

  • La croissance pour qui une guerre ou une marée noire sont des bonnes nouvelles, alors que le bénévolat et le temps passé à se balader gratuitement dans la nature sont des manques à gagner.
  • Le pouvoir d'achat parce qu'évidemment ce qu'on cherche c'est de pouvoir acheter des choses pour exister, et pas juste d'avoir une vie de qualité,
  • Le progrès et les révolutions technologiques qui sonnent tellement faux à l'époque des IA génératives et de l'emmerdification d'internet,
  • et enfin, l'environnement qui sépare l'humanité du reste du vivant et du non vivant, comme si on pouvait vivre à côté.

Partie 3 : les bonnes nouvelles

Dans cette troisième partie, Sandrine Rousseau s'appuie sur des enquêtes sociologiques pour montrer que la société a beaucoup changé et qu'on est peut-être à l'avant-veille de grands changements dans le bon sens. Mais peut-être aussi, avec la même probabilité, à l'avant-veille d'une catastrophe.

Nous ne sommes pas ce que les médias nous montrent

Les médias dépeignent une société qui n'aurait jamais été aussi raciste, sexiste, violente, etc. Mais ce n'est pas le cas. En moyenne la société est beaucoup plus progressiste aujourd'hui qu'il y a 20 ans. Par contre, il y a une radicalisation de celleux qui sont en marge.

Mais les médias possédés aujourd'hui majoritairement par la droite ou l'extrême droite choisissent de nous montrer ces personnes les plus clivantes, par projet idéologique, et parce que ça fait le buzz.

Je n'avais pas ça en tête avant d'écouter Sandrine Rousseau en conférence à Bordeaux. Maintenant, je crois que c'est vrai. Et j'en veux pour preuve que même Gérald Darmanin regrette d'avoir été contre le mariage pour tous 😆! Dans son livre, Sandrine Rousseau étaye ce propos sur de nombreux thèmes : racisme, homophobie, sexisme, droit des animaux, etc. Évidemment, on est loin du bout de ces luttes, mais on n'en a jamais été aussi proche.

Pour autant, les réactionnaires sont de plus en plus proches du pouvoir, et le grand retour en arrière à la mode USA fait très peur 😱.

Globalement, nous n'allons pas très bien

Sandrine Rousseau a beaucoup travaillé sur la santé mentale des français, et globalement, ça va mal. Les jeunes vont très mal, les moins jeunes ne vont pas très bien.

C'est quelque chose que je constate autour de moi.

Je vois beaucoup de jeunes (et moins jeunes puisque de ma génération) qui vont mal. C'est dur de grandir dans un monde sans avenir quand les vieux continuent d'acheter des voitures à essence, de prendre l'avion pour partir en vacances parce que... ils l'ont bien mérité !

Je suis entourée de personnes que le travail broie alors qu'il n'est pas physique. Quel sens ça a de se donner à fond au travail pour être une simple ressource humaine dont on peut disposer dans une entreprise dont l'objectif est d'enrichir des actionnaires ?

J'ai aussi autour de moi des baby-boomers qui sont convaincus que ça ira mieux et que donc il ne faut pas s'inquiéter. Mais sont-ils vraiment heureux quand on les voit courir de voyage au Soleil en voyage culturel, de stage de développement personnel en week-end de repli sur soi, et continuer à passer autant de temps à râler sur tout ?

Et puis je suis entourée de quelques marginaux de tous âges, qui ont choisi des chemins de traverse par rapport à ce que propose la société d'aujourd'hui. Et ces personnes m'ont l'air plus heureuses...

Bref, notre société de consommation capitaliste actuelle n'est pas désirable.

La conclusion : Loyalty, Exit or Voice ?

Sandrine Rousseau conclue son livre en citant le philosophe Albert Otto Hirschman qui pose 3 attitudes2 face à une entreprise qui déconne (comme par exemple au hasard Total Énergies ou la Société Générale) :

  • Loyalty : s'accomoder, faire avec. En écologie, c'est continuer à jouer le jeu du monde d'aujourd'hui.
  • Exit : partir, pour ne plus contribuer au massacre. En écologie ce serait quitter la société pour, comme Candide, cultiver son jardin en dehors du monde.
  • Voice : prendre la parole, pour faire changer les choses de l'intérieur.

Sandrine Rousseau a d'abord joué le jeu de la loyauté au parti des écologistes, puis elle en est partie parce que ça n'était plus possible. Et aujourd'hui, elle est revenue avec comme projet de le transformer, ainsi que notre société, de l'intérieur en disant ce qui ne va pas 💪 !

Références

Il y a beaucoup de références dans le livre de Sandrine Rousseau. Malheureusement, les journées ne font que 24 heures, alors je ne cite que deux livres que peut être un jour je trouverai le temps de lire...

  1. « Une autre histoire des 30 glorieuses » de Céline Plessis, Sezin Topçu et Christophe Bonneuil
  2. « Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States » de Albert Otto Hirschman
 
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from Un Spicilège

Kafka à Paris

Xavier Mauméjean est un nom que je vois passer depuis longtemps. Pour ses romans parus chez des maisons d'édition que j'affectionne, pour ses participations à des projets que j'ai suivis, pour son expertise sur Sherlock Holmes. Jamais, cependant, je ne m'étais encore attaquée à l'un de ses ouvrages, et quel oubli !

Kafka à Paris m'a interpellée sur la table de la librairie des Utopiales, d'abord car c'est un bel objet, ensuite parce que j'aime l'œuvre de Kafka et Paris (et c'est difficile de faire un meilleur titre), enfin car le résumé de ce roman m'a immédiatement intriguée. En effet, à partir d'un fait apparemment réel (les quelques jours que Franz Kafka a passés à Paris avec son ami Max Brod en 1911) Xavier Mauméjean s'est attaché à développer tous les détails possibles d'une épopée.

En multipliant les références, Xavier Mauméjean signe un texte généreux et drôle. Une histoire passionnante à découvrir, enrichie par le plaisir immense de déceler ici et là les clins d'œil à l'œuvre de Kafka ou à l'histoire. On en affectionne les personnages et leur charme désuet, on y adore l'ambiance du Paris du début du XXème siècle, si merveilleusement retranscrite.

Installés à une table comme au spectacle, jambes croisées pour en essorer la fatigue, ils observèrent la cohue en gaieté ou morose, cette précision dans le rapport humain qui sans cesse calcule sa façon d'être. Les Parisiens, que l'on tient à tort pour blasés, ne cessaient de changer d'attitude.

Mais au-delà de la justesse de l'intrigue, ce sont les immenses qualités littéraires de l'ouvrage qui m'ont subjuguée. Cela faisait des années, je pense, que je n'étais pas tombée à ce point amoureuse d'une écriture comme je peux l'être de celle de Xavier Mauméjean. Chaque idée, chaque phrase, chaque tournure, chaque mot même semble soigneusement choisi pour tisser un texte d'une finesse remarquable, incroyablement doux à la lecture et terriblement évocateur. Autant de justesse est difficile à se figurer. J'aimerais littéralement en garder chaque phrase.

J'ai pris une gigantesque claque et j'ai eu un profond coup de cœur pour ce livre et cet auteur, que je vais rapidement retrouver.


Kafka à Paris | Xavier Mauméjean | Alma Éditeur

 
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